Après une année 2003 famélique, puis trois crus (2004, 2005, 2006) moyens qui ont vu bon an mal an une demi-douzaine d'opus marocains investir les salles obscures, 2007 promet une embellie du secteur avec pas moins de dix produits distribués, ou du moins prévus dans les starting-blocks. La saison a véritablement commencé fin 2006 avec le très attendu What a wonderful world, de Faouzi Bensaà ̄di. Présenté avec un succès mitigé au dernier Festival international du film de Marrakech, il ira, début janvier, au devant de son public casablancais via une salle seulement, le Mégarama. Rapidement qualifié de film d'auteur abscons par ses détracteurs, «WWW» est plutôt une virée urbaine survitaminée et violemment colorée qui fait davantage appel à l'intelligence du spectateur qu'à sa simple réceptivité. Le rôle principal du film, celui d'un tueur à gages froid et efficace qui tombe amoureux d'une femme-flic au téléphone, est bien campé par Faouzi Bensaà ̄di. Mais le film pêche parfois par défaut de cohérence et, surtout, par une interprétation férocement inégale, Nezha Rahil en tête, qui n'est pas au diapason de son époux, et c'est bien dommage. Sinon, pour le reste, ce n'est que bonheur, narratif d'abord, visuel ensuite, avec de très beaux cadres de la ville de Casa comme on en a rarement vu au cinéma. «Parfum de mer», de Abdelhaà ̄ Laraki, plutôt un téléfilm qu'un long métrage Dans un registre totalement différent, et sorti le même mois, Parfum de mer d'Abdelhaà ̄ Laraki, avec l'excellent Mohamed Khouyi et Mohamed Marouazi dans les premiers rôles. Laminé par la critique, plutôt boudé par le public au vu des scores réalisés jusqu'à présent en salle, le second film du cinéaste après Mona Saber n'a pourtant rien d'infâmant, et tient même parfois la route autour de cette histoire de vengeance mettant aux prises un petit pêcheur du nord du Maroc au caà ̄d de la pègre locale. Prêchant une morale plutôt rare au cinéma, et fort louable, selon laquelle la force du pardon transcende la vengeance froide, le film est porté par de formidables acteurs et une bande originale du feu de Dieu, et chute sur une scène de combat mémorable comme on en filme rarement à la télé. Cela dit, Parfum de mer aurait gagné à être un téléfilm plutôt qu'un opus cinématographique, bien trop léger qu'il est pour soutenir la comparaison avec ses contemporains. «Les Anges de Satan» de Boulane désavoué par les musiciens qu'il défend Cela dit, en ce début d'année, les deux films marocains les plus attendus restent Wake up Morocco, de Narjiss Nejjar, et Les Anges de Satan, de Ahmed Boulane, prévus pour traà®ner dans leur sillage une bonne pelletée de polémique qui participe souvent, d'ailleurs, à la promotion d'un film. Auparavant, il y a Yasmine Kessari, et son Enfant endormi. Prête depuis plus de deux ans, cette production belgo-marocaine qui narre les tribulations d'une jeune montagnarde retardant, selon la croyance populaire, la venue au monde de son enfant le temps que son mari revienne d'une virée clandestine à l'étranger, a fait le tour des festivals de par le monde et décroché une palanquée de prix, sans avoir jamais été donnée à voir au public marocain. Jeudi 8 février a enfin eu lieu son avant-première à Casablanca, qui laisse donc augurer une sortie nationale prochaine. Pour le mois de mars était prévu le film de Farida Bourquia, Deux femmes sur la route, qui devait certainement coà ̄ncider avec la journée mondiale de la femme. Il semblerait que sa sortie soit ajournée, coiffée au poteau d'arrivée par un film qui devrait faire sensation le 7 mars, Les Anges de Satan de Ahmed Boulane. Second opus de ce réalisateur un brin déjanté après le bon Ali, Rabiaâ et les autres…, le film opère sur un mode mi-docu, mi-fiction, et reprend dans ses grandes lignes la tristement célèbre affaire des 14 jeunes musiciens arrêtés et jugés en février 2003 pour une abracadabrante histoire de satanisme. Servi par une pléiade de stars marocaines dont Driss Roukh et Younès Mégri, le film, «qui n'a reçu que deux millions de dirhams du fonds d'aide pour un budget total de huit millions en serrant les boulons», se plaint son auteur, sera tiré à neuf copies pour tout le Royaume. «On m'a conseillé d'en faire davantage eu égard au succès éventuel du film», ajoute Boulane, «mais je ne veux pas renouveler la mauvaise expérience vécue sur mon film précédent». Son film, en tout cas, part avec les faveurs du public et la promesse de sentir le soufre. Quelques-uns des anciens pseudo-«satanistes» ont désavoué le film pour cause d'image négative. Ce dont se défend Ahmed Boulane qui assure n'avoir fait que coucher sur pellicule la réalité des choses. Verdict le 7 mars. Autre film, autre polémique, Wake up Morocco de Narjiss Nejjar, qui a littéralement essuyé une volée de bois vert lors de sa projection au dernier FIFM. «Stalinien», «fascisant», «hypra-nationaliste pour être honnête», les superlatifs négatifs ont pullulé. Le film retrace les réminiscences de deux vieilles personnes, un footballeur qui rêve d'une finale qu'il aurait pu enlever s'il n'avait passé la nuit avec une femme, laquelle n'imagine pas la vie sans lui. Face à ce lynchage, le film, avec les impeccables Siham Assif et Raouia, aurait été remonté par sa réalisatrice afin qu'en soient expurgées les scènes incriminées. Il serait actuellement en traitement au laboratoire du CCM pour une sortie prochaine. Un remake de «Thelma et Louise» : «Deux femmes sur la route», signé Farida Bourquia Egalement sur la ligne de départ, le film de Farida Bourquia, Deux femmes sur la route, son deuxième après Al Jamra, commis en 1982, avec notamment le duo gagnant de l'époque, Mustapha Dassoukine et Mustapha Zaâri. Mouna Fettou joue dans ce nouvel opus oà1 il est question de deux femmes que tout oppose visiblement, et qui finissent par se rencontrer avant d'entreprendre ensemble un long chemin vers la ville du détroit, une virée initiatique pleine de péripéties et de rebondissements. L'affaire sent à plein nez le remake marocain d'un succès hollywoodien des années 1990, Thelma et Louise, de Ridley Scott. Pourquoi pas ? De son côté, le cinéaste Omar Chraà ̄bi s'apprête à effectuer un retour aux affaires après Rahma, avec son nouveau long métrage, Tissée de mains et d'étoffes. Il s'agit d'un jeune qui vit dans un tout petit village perdu au milieu de nulle part et qui a un rêve : devenir conteur. Ne sachant oà1 aller, il est dirigé vers une école de théâtre à Rabat. Pour une fois, le casting ne comporte aucune tête d'affiche mais des jeunes comédiens lancés dans le bain, à savoir Tarik Bakhari, Rim Chmaou et Zakaria Lahlou, promis, selon le cinéaste, à «un bel avenir». Comme pour la plupart des opus prévus, aucune date de sortie n'a encore été avancée, sinon que le film «sortira au printemps, le temps de trouver des salles pour l'accueillir, un phénomène devenu déprimant», aux dires d'Omar Chraà ̄bi. On attend impatiemment les premiers pas de Anouar Zyne au cinéma Quatre ou cinq long métrages sont également prévus pour animer la seconde partie de l'année, dont deux ou trois particulièrement attendus. On pense notamment au dernier Abdelkader Lagtaâ, Yasmine et les hommes, cinquième film du réalisateur qui a toujours fait sensation depuis ses débuts, que ce soit avec Un amour à Casablanca, Les Casablancais, La porte close (traitant de l'homosexualité latente au Maroc, il a été charcuté par la commission de censure), ou encore, plus récemment, Face-à -face. Cinéaste engagé, il prend le parti cette fois-ci de détisser les liens familiaux traditionnels en contant l'histoire d'une jeune femme qui décide de bouleverser son existence suite à un grave accident, et réalise qu'elle ne peut le faire qu'en chamboulant les codes familiaux en vigueur ici-bas. Et une fois encore, dans un rôle phare, son acteur fétiche, Younès Mégri, que l'on retrouvera dans plusieurs longs métrages durant cette année 2007. Une année qui marquera le baptême du feu pour quelques jeunes, Hamid Faridi par exemple, cinéaste issu de la pub aux trois courts-métrages remarqués, en passe de donner à voir son premier, Le vélo, ou l'histoire d'un père mourant qui s'inquiète pour l'avenir de ses deux jeunes filles, dont une malade, face à la vénalité d'un fils qui ne pensera qu'à faire main basse sur l'héritage une fois le père disparu. Si le rôle d'une des jeunes filles a été dévolu à Siham Assif, celui du fils indigne aurait échu au journaliste Anouar Zyne, dont on attend impatiemment de voir les premiers pas au cinéma. Sinon, Morrocan dream, de Jamal Belmejdoub, est en cours de finalisation, un film que les rares heureux qui ont pu le voir traitent d'exceptionnel au niveau du scénario, tout comme Al Kalb Al Mouchtaà ̄l du cinéaste Ahmed Maânouni, particulièrement connu pour deux travaux d'exception: la récente série documentaire sur le cinquantenaire de notre indépendance diffusée il y a quelques mois sur la seconde chaà®ne nationale, 2M. Mais aussi et surtout l'inoubliable film-documentaire sur Nass El Ghiwane produit par Izza Genini dans les années 1970, Transes, que les nouvelles générations gagneraient à (re)voir pour goûter à la somptuosité musicale de ce groupe marocain entré dans la légende. Enfin, on devrait une nouvelle fois retrouver Younès Mégri et la délicieuse Amal Ayouch dans le nouveau film de Driss Chouika intitulé Le jeu de l'amour, ou comment un jeune couple qui part en vacances prend le parti de «pimenter» sa relation par un jeu anodin, qui débouchera sur une radioscopie du mariage depuis sa genèse jusqu'à son crépuscule. Une dizaine de longs-métrages aux destinées et aux visions opposées, qui viendront donc nourrir une année faste pour le cinéma marocain qui commence à sortir des ornières, en attendant une généralisation du rythme des sorties que les professionnels du secteur souhaiteraient voir passer à douze, soit une par mois.