Les nouveaux entrants ont adopté une politique commerciale très agressive. Chacun cherche à ce que son produit soit proposé en priorité. Les avantages financiers accordés aux distributeurs et revendeurs représentent jusqu'à 50% du prix de vente final d'un smartphone. Samsung et Apple, les deux leaders incontestés du marché des smartphones à l'échelle mondiale, sont bousculés sur le marché local de la téléphonie. Et pour cause, de nouvelles marques, entre autres Huawei, Oppo et Infinix, sont présentes en force dans les magasins de distribution spécialisés modernes et traditionnels, ainsi que dans les points de vente des opérateurs télécoms, et jouissent d'une forte notoriété. «Bien qu'elles ne figurent pas toutes dans le classement des cabinets spécialisés, chacun de ces constructeurs arrive à écouler en moyenne plusieurs milliers d'unités par mois», estiment des professionnels qui confirment à l'unanimité que leurs parts de marché totales en volume frôle les 20% (d'après les chiffres d'Euromonitor, 900 000 smartphones ont été vendus en 2015 sur un marché global 2,58 millions d'unités, tous types d'appareils compris). Marges consistantes et commissions sont systématiquement accordées Tout porte à croire que le consommateur marocain est devenu averti puisqu'il ne cherche plus la marque, mais plutôt le très bon rapport technologie-design-prix. La réalité est tout autre. Le premier moteur des ventes est la communication. Les constructeurs n'ont pas lésiné sur les moyens. Ils ont beaucoup investi dans l'affichage et sont présents sur les médias alternatifs. C'est le cas de Oppo qui habille le tramway de Casablanca depuis quelques semaines. Infinix envisage pour sa part de lancer une campagne sur 2M pour toucher une plus large cible. Cette stratégie, un classique très appliqué à chaque lancement d'un produit grand public, entraîne souvent beaucoup d'achats spontanés. L'arme décisive est que les nouveaux entrants font preuve de beaucoup de largesse à l'égard des distributeurs et les revendeurs pour les inciter à vendre le maximum. «Ce sont les distributeurs qui représentent la principale force des constructeurs pour influencer le choix du client final», confirme Itkane Boudchiche, Brand manager chez Infinix. Concrètement, «chaque constructeur a un contrat de partenariat avec un distributeur local qui prend en charge l'importation de la marchandise et sa distribution sur le marché national», ajoute le brand manager. Ces importateurs écoulent la marchandise, notamment à travers trois circuits : les opérateurs télécoms, les enseignes de distribution moderne spécialisée et le marché traditionnel. A travers leurs offres et renouvellement d'abonnement, les volumes écoulés par les opérateurs télécoms représentent 20% du chiffre d'affaires des constructeurs. Cependant, «les opérateurs de télécommunication, au même titre que les autres distributeurs, mettent en avant les modèles des marques qui offrent les marges les plus importantes», déclare un professionnel du secteur. Et d'ajouter : «A cette marge s'ajoute un montant fixe pour chaque unité vendue». Outre l'entreprise, les constructeurs ont également un programme d'intéressement pour les collaborateurs des opérateurs télécoms. «Ils organisent des séances de formation au profit des téléopérateurs et conseillers de vente pour leur apprendre comment prescrire un modèle et convaincre un client à choisir leur marque quand il veut contracter un nouvel abonnement comprenant un terminal ou échanger ses points de fidélité contre un téléphone», confirme le professionnel. Pour chaque unité vendue, le collaborateur perçoit une commission. La même démarche est appliquée pour les GMS. «Outre la marge réalisée sur la vente, elles reçoivent des marges arrières allant de 5% à 10% du prix de vente final du téléphone. A cela s'ajoutent des cadeaux comme les voyages et les marchandises gratuites», déclare-t-on auprès d'un constructeur. La vraie guerre se joue surtout sur le segment traditionnel, à savoir Derb Ghalef, Bab El Had... Et pour cause, 60% des ventes des constructeurs sont réalisées sur ce circuit. Mais pour intégrer ces marchés, il faut respecter leurs codes. 60% des ventes réalisées sur le circuit traditionnel «A Derb Ghalef, à titre par exemple, ce sont cinq grossistes qui dominent. Pour pouvoir exposer leurs téléphones dans les magasins du souk, les constructeurs doivent obligatoirement passer par eux», explique le professionnel. Ces derniers négocient un prix d'achat en gros qui leur permet de réaliser au minimum une marge de 400 DH par unité. Ils distribuent ensuite la marchandise aux revendeurs qui, eux, réalisent une marge de 10%, soit 300 DH à 400DH pour des smartphones vendus entre 3000DH et 4000DH. En plus de cette marge, le revendeur perçoit auprès du constructeur de 80 à 100 DH par unité vendue. «Il y a trois stickers sur chaque emballage de smartphone (A,B et C). Le A reste collé sur l'emballage du téléphone vendu, le C reste chez l'importateur et le B chez le revendeur. Ce dernier fait office de justificatif à présenter à l'importateur pour recevoir la bonification sur la vente», explique le professionnel. En somme, certains constructeurs sont prêts à sacrifier leurs marges -on parle même de perte sur certains produits- pour pousser les revendeurs à proposer en priorité leurs produits. Un tel sacrifice sera bien évidemment rentabilisé une fois que la marque aura acquis une notoriété. Selon des observateurs, Oppo est la seule nouvelle marque qui ne rentre pas dans le système. Ces mêmes sources assurent que ce constructeur ne passe pas par les grossistes, il travaille directement avec les revendeurs moyennant une marge de 25%, hors commissions et intéressements. «C'est un mode de distribution qui est efficace, le constructeur expose ses produits dans quelques magasins qui commercialisent presque exclusivement ses modèles», explique une source du secteur. Les chargés de communication d'Oppo Maroc avancent pour leur part que la société table sur une stratégie de proximité. Ils expliquent en substance que la clé est de faire en sorte que les produits soient disponibles dans le canal de distribution le plus proche pour approcher le consommateur le plus rapidement possible. Concernant les marges importantes accordées aux revendeurs, ils répondent : «Nous valorisons les intérêts de nos partenaires commerciaux et sommes disposés à travailler avec chacun afin de développer davantage le business». Ils sont cependant discrets sur les avantages accordés qui, selon des experts, peuvent représenter, selon la marque, jusqu'à 50% du prix de vente final d'un appareil. Il est cependant certain que pour percer sur un marché très concurrentiel, il est impératif de bien «traiter» les distributeurs, des prescripteurs très décisifs sur le choix du client.