Dernièrement, de plus en plus de grosses entreprises misent sur Derb Ghallef pour une meilleure distribution de leurs produits. Elles ont, en effet, décidé de s'y implanter physiquement, soit en d'appuyant sur un réseau de revendeurs agréés, soit en y ouvrant leur propre magasin. Le jeu en vaut la chandelle. De par le chiffre d'affaires phénoménal qu'il brasse chaque année, Derb Ghallef s'impose comme un relais de commercialisation très important, voire incontournable pour de nombreuses grandes marques comme Samsung, Microsoft Mobile et Oppo. Si plus de 95% des produits écoulés au niveau de ce centre commercial sont importés, une grande partie est acheminée par voie de contrebande. C'est pour cette raison que des multinationales ont essayé de damer le pion aux contrebandiers en s'y implantant physiquement, soit en misant sur un réseau de revendeurs agréés, soit en y ouvrant leur propre magasin. Le jeu en vaut la chandelle. Coréens et Chinois à l'assaut du Derb En effet, le succès de la stratégie commerciale de la multinationale dépend parfois de l'implantation ou non dans ce type de marché où le business est très florissant. Malgré les contraintes, Microsoft Mobile a essayé de concurrencer les malins commerçants de Derb Ghallef. Pour ce faire, il a confié la distribution de ses téléphones Lumia et Microsoft à Comunivers, filiale de Dislog, un distributeur et logisticien marocain. Néanmoins, la tâche n'est pas si simple. «On subit énormément le poids du marché noir surtout en termes de prix. Les commerçants de Derb Ghallef ne paient ni la TVA ni les droits de douane ou encore les frais d'approche (transit et transport). Ces frais s'élèvent à 25% du prix du téléphone. Par conséquent, face à des commerçants qui s'approvisionnent dans les circuits informels du nord, de la frontière avec l'Algérie ou encore de celle avec la Mauritanie, nos marges sont très limitées et oscillent suivant l'offre et la demande», déplore Ali Bensabih, directeur commercial de Comunivers. Très souvent, les contrebandiers arrivent même à devancer les distributeurs agréés, particulièrement en matière de nouveautés. «Les premières commandes arrivent au Maroc en provenance des pays du pourtour méditerranéen car les commerçants de Derb Ghallef importent rapidement quelques unités par avion sous 24 ou 48h. Ces petites quantités leur permettent de tâter le marché pour pouvoir ensuite importer des volumes plus importants par voie illégale», reprend Bensabih. Pourtant, en cas de forte demande, les stocks de contrebande des commerçants de Derb Ghallef demeurent insuffisants. Les canaux légaux deviennent l'ultime recours, particulièrement pour Samsung. Grâce à sa force de frappe en marketing et communication, le géant coréen arrive à créer une demande phénoménale pour ses Galaxy phones, Galaxy tab et Galaxy Note. En plus de s'octroyer un réseau de revendeurs, la multinationale a même ouvert un Samsung store en plein Derb Ghallef en guise de vitrine pour la marque. Pour les professionnels, cette démarche est légale aux yeux de la loi. «Tant que le canal d'approvisionnement est légal, que le client reçoit une facture et une garantie pour retourner ou réparer son produit en cas d'anomalie, il n'y a pas de souci quant à la collaboration avec les revendeurs de Derb Ghallef et autres souks semblables», explique Moussa Imam, conseiller juridique. L'autre marque asiatique Oppo a suivi le même chemin. La marque chinoise implantée au Maroc depuis 2 mois seulement a choisi de distribuer ses téléphones également chez les revendeurs agréés de ce marché, c'est à dire par le biais du réseau «formel». Les Américains n'aiment pas «l'informel» Mais pour tâter le marché, la marque chinoise a lancé auparavant la vente de ses téléphones sur la plateforme e-commerce Jumia. «Outre les canaux que vous avez cités, nous avons opté pour des revendeurs agréés, à savoir 4 magasins Microchoix à Casablanca qui nous offrent des stands pour toute la gamme Oppo. Nous sommes également en négociation avec Cosmos et Electroplanet. De plus, Oppo a l'ambition de se doter de ses propres stores, mais en attendant, nous suivons la même stratégie de distribution dans les autres villes, à savoir Rabat, Mohammédia et bientôt Tanger», dévoile Fatim-Zahra Rafii, online marketing manager chez Oppo. Une présence physique dans le souk s'impose pour la marque chinoise encore inconnue auprès du public. Par contre, d'autres n'ont pas osé entrer «officiellement» à Derb Ghallef malgré le succès que connaissent leurs produits. C'est le cas d'Apple. D'après Brice Contassot, gérant de Diagone, distributeur exclusif des produits Apple au Maroc, il n'est pas prévu de s'allier à des revendeurs à Derb Ghallef. «Notre réseau de distributeurs est assez étoffé aujourd'hui, le marché est bien organisé en termes de revendeurs et retailers. Peut-être devrait-on s'améliorer dans des villes comme Tanger et Agadir mais notre couverture est assez bonne. Nous n'envisageons pas d'être présents officiellement dans un marché comme Derb Ghallef ni d'ouvrir un Apple Store pour le moment», explique Contassot. Les iPhones, iPad & co demeurent en effet très prisés au Maroc. Derb Ghallef a beaucoup contribué à bâtir sa réputation. Et à lui de poursuivre, "les commerçants du souk achètent aux Etats-Unis, en Chine ou encore à Dubaï, vendent sans facture et n'offrent pas de garantie. Il faut d'abord que le revendeur respecte le code du distributeur. Derb ghallef reste pourtant intéressant vu les remises octroyées à condition que le prix soit inférieur à 2.000 ou 3.000DH. Pour ce niveau de prix engagé, le client est moins déçu de se retrouver avec des copies de produits, de pièces changées sur le téléphone sans compter les risques liés aux articles d'occasion». Il n'en demeure pas moins que Derb Ghallef et les souks similaires restent très attractifs pour la clientèle marocaine. C'est ce qui explique d'ailleurs l'engouement des multinationales pour ce type de marché ayant besoin d'une réelle restructuration.