Il y a quarante ans presque jour pour jour, le défunt Roi Hassan II annonçait la décision du Maroc de porter l'affaire du Sahara devant la Cour de justice internationale (CIJ). Dans une conférence de presse, réunissant les publications nationales et internationales, organisée au mois de septembre 1974, il avait décidé d'informer la communauté mondiale de sa volonté de consulter la Cour de La Haye et demander son arrêt. Cette annonce n'avait rien de spectaculaire, ni de provocateur, mais s'inscrivait dans l'esprit du Souverain, homme de droit s'il en était. Elle survenait aussi après que les Nations unies eurent lancé l'idée d'un référendum au Sahara, elle exprimait pour ainsi dire la volonté du Maroc de faire le contrepoids aux manoeuvres dilatoires hispano-algériennes, avec la complicité de certains milieux de l'ONU. Immédiatement après, le Roi Hassan II dépêchait un certain nombre d'émissaires officiels et officieux auprès des capitales du monde, à Washington, aux Nations unies, Londres, Paris, Moscou, Pékin, Ryad, Dakar, Libreville, Abidjan, porteurs de lettres afin d'expliquer le bien-fondé de la position marocaine. Membres du cabinet royal, du gouvernement et leaders des partis, tous impliqués pour la cause nationale, sillonnaient le monde dans le cadre d'une campagne de communication que le Roi inaugurait d'ores et déjà. Le Maroc entendait opposer la règle juridique aux prétentions du général Franco, irréductible adversaire de la récupération par le Maroc de son Sahara, mais aussi aux suicidaires manoeuvres algériennes qui, à partir de cette année, apparaissaient d'autant plus ouvertement que le gouvernement algérien de Houari Boumediene semblait subitement abandonner son soutien proclamé au Maroc et changeait son fusil d'épaule contre ce dernier. L'année 1974 marqua le revirement spectaculaire de l'Algérie dans l'affaire du Sahara, quelques mois seulement après la tenue du Sommet arabe de Rabat, au cours duquel le président algérien annonça officiellement devant les 21 délégations des pays arabes «son soutien irréversible à la cause marocaine et à la marocanité du Sahara face à l'Espagne » ! Le document sonore de son discours est intact, consigné dans les archives de la Ligue arabe. L'année 1974 reste l'année où fut joué le sort stratégique du Sahara, parce que l'Algérie renia ses engagements, proclamés aux deux Sommets tripartites (Hassan II, Boumediene et le mauritanien Ould Daddah) de Nouadhibou le 14 septembre 1970 et d'Agadir le 23 juillet 1973. A ces deux rencontres, Houari Boumediene réitéra son soutien inconditionnel au Maroc et promit de s'engager à ses côtés. Or, plusieurs éléments étaient intervenus depuis où la main noire des services algériens était plus que probante : la création du polisario en mai 1973 et son encadrement par ces derniers, l'organisation de manifestations de jeunes sahraouis dans le territoire occupé et réclamant l'indépendance, prenant au demeurant un caractère hostile au Maroc , fomentées de surcroît par les mêmes services algériens...Perspicace, le Roi Hassan II mesurait le fossé cruel entre la parole et les actes d'une Algérie qui, déjà, donnait le ton de son ambivalence et de son double jeu. Il lui fallait couper court aux manoeuvres de mauvais aloi, rebondir sur le terrain de la légalité, dénoncer aussi par la même occasion les collisions algéro-espagnoles. Lucide et clairvoyant, le Roi a pris les devants, dessiné le cadre légal, et dans la foulée procédé à une mobilisation nationale qui a eu le mérite de faire taire les divergences internes avec l'opposition et de fédérer tous les courants politiques autour de la revendication du Maroc ! Une sorte d'union nationale s'est créée autour de la personne du Roi qui a pu mener à bien – indirectement bien sûr – et les débats de la Cour de La Haye et l'organisation en total secret de la Marche verte. Le 16 octobre 1975, la CIJ a prononcé son arrêt, affirmant que des «juridiques et historiques d'allégeance» ont bel et bien existé entre les populations du Sahara et les Rois du Maroc ! Verdict magistral, tombé comme un couperet...