Le Maroc commémore, ce mardi 14 août, le 33e anniversaire de la récupération de la province de Oued Eddahab. Ainsi, le 14 août 1979, les représentants de toutes les tribus de cette province s'étaient-ils rendus à Rabat accomplir l'acte d'allégeance au Roi du Maroc, feu Hassan II, ils scellaient définitivement leur retour à la mère patrie. Le roi Hassan II recevant les chefs des tribus de la province de Oued Eddahab le mardi 14 août 1979 au Palais royal de Rabat. Sur la photo, debout près du souverain et des princes, Moulay Hafid Alaoui, chef du protocole royal veille au grain. Dénommée Rio de Oro sous la colonisation, cette province méridionale du royaume avait été une première fois intégrée à la Mauritanie, suite à l'accord tripartite signé le 14 novembre 1975 par l'Espagne, le Maroc et la Mauritanie, soit quelques jours seulement après le succès de la Marche verte. Cet accord avait valeur de décolonisation. Ensuite, constamment menacée par le polisario qui avait pignon sur rue dans une Mauritanie fragilisée et surtout dont le gouvernement était devenu de plus en plus docile à l'Algérie, cette province était récupérée finalement par le Maroc. Le sens d'une allégeance La dimension politique, diplomatique, militaire et historique de ce retour au Maroc n'échappait à personne. Et surtout pas aux dirigeants algériens qui en conçurent de l'aigreur, tant il est vrai qu'après la Marche verte, ils furent de nouveau pris de court. En ce jour du 14 août 1979 , le Maroc parachevait désormais la réunification du Sahara, quatre ans après la Marche verte et l'accord de Madrid, un peu moins de deux ans que le fameux sommet de l'OUA (Organisation de l'unité africaine) tenu à Nairobi en 1980 au cours duquel, à la surprise générale, non sans mettre en exergue les droits historiques et juridiques du Maroc, le roi Hassan II annonça son accord de principe pour l'organisation d'un référendum au Sahara. Il prenait soin de préciser qu'il s'agirait d'un « référendum confirmatif » dont l'objectif, ni plus ni moins, devait ratifier le rattachement définitif du Sahara au royaume. On glosera à l'infini sur la relation de cause à effet entre l'accord tripartite de Madrid de 1975, le retour de Oued Eddahab en août 1979, le Sommet de Nairobi et les autres événements qui s'étaient succédé en cette période, marquée d'un côté par une réalité géopolitique nouvelle et, de l'autre, par les préparatifs que le gouvernement algérien mettait au point, aux niveaux diplomatique et militaire. Le retour de Oued Eddahab procédait d'une volonté rédhibitoire des populations dans leur totalité qui ne concevaient plus désormais leur existence et leur émancipation sous le régime de la Mauritanie. L'accord de Madrid, qui les avait exclus du giron marocain et leur imposait de vivre sous la houlette mauritanienne constituait pour eux la plus grande et douloureuse frustration. Le contexte géopolitique dans lequel survenait la cérémonie d'allégeance des tribus de Oued Eddahab ne prêtait à aucune confusion, il était dominé par une course contre la montre. Le pouvoir du président mauritanien, Mokhtar Ould Daddah, chancelait, d'autant plus que les nouveaux dirigeants algériens qui avaient succédé à Houari Boumedienne en décembre 1978 ne s'étaient guère écartés de la stratégie de pressions accablantes sur la Mauritanie accusée d'être l'alliée du Maroc. Un coup d'Etat militaire renversa en juillet 1978 le président Mokhtar Ould Daddah et le colonel Moustapha Ould Salek lui succéda sans encombres. Une donne nouvelle s'était instaurée au sud du Royaume, porteuse d'inquiétude et justifiant une réadaptation urgente. Le polisario s'était, armes et bagages , impunément installé à la frontière sud entre le Maroc et la Mauritanie. Il lançait désormais ses agressions à partir d'Akjoujt contre les populations de Oued Eddahab qui se sentaient à la fois déstabilisées et menacées et, élément déterminant, n'avaient de cesse de proclamer leur marocanité ancestrale. Une comparaison s'imposait d'emblée avec l'annexion en 1962 de Tindouf – ville marocaine - contre la volonté des populations qui affichaient leur attachement au Maroc et qui, manu militari, sans aucune forme de recours furent incorporées à l'Algérie. Le 08 mai 2010, le plus grand drapeau au monde a été dressé à Dakhla, chef-lieu de la province de Oued Eddahab. Un enjeu stratégique Une telle situation plus ou moins prévue ne pouvait échapper à la perspicacité du roi Hassan II qui, raison et droit historique obligent, ne pouvait l'admettre. Il en saisissait bel et bien l'enjeu stratégique régional et mesurait à quel point elle impliquait la traduction pure et simple du syndrome d'encerclement algérien. Il n'eut jamais pu s'accommoder de la présence dans cette région des séparatistes, à la solde du pouvoir algérien, une région qui était tout , sauf un « no man's land ».... Le spectre d'une occupation du Rio de Oro par le polisario le hantait obsessionnellement. De surcroît, il pesait sur les populations, devenues de plus en plus impatientes et agitées... Nous sommes le mardi 14 août 1979. Arrivés quelques jours à Rabat des villes de la province de Dakhla et de la région, les représentants de près d'une vingtaine de tribus et de sous tribus ( Ouled Dlim, Reguibat, Aït Lahcen , Lâaroussiyine, Izarguiyine, Oulad Cheikh Maa-alaïnine, Ouled Tidrarine, Aït Bâamrane, Mohamed Salem, Bark Allah, Assikab, Tindagha, Fikart et Amghrane ) avaient été reçus dans la cour du Palais royal de Rabat, inondé de lumières, à l'heure où un soleil torride finissait de se coucher...Hassan II, accompagné de ses deux fils, le prince héritier Sidi Mohammed et le prince Moulay Rachid, dominait de sa stature la grande cour au bout de laquelle, drapés dans leur tenue traditionnelle, se tenaient en face de lui les chefs des tribus...C'est Cheikh Ahmed Habib Allah Ould Bouh, doyen et Cadi de Dakhla, qui se fait le porte-parole et s'inscrit dans le cérémonial de ses ancêtres pour proclamer au nom de tous l'allégeance des populations de Oued Eddahab au roi du Maroc. De la même manière, la technologie en moins, que les tribus sahraouies l'avaient continuellement exprimée des siècles durant aux sultans, la geste et la solennité hissées, la conviction jamais démentie, enfin le sentiment d'appartenance au Royaume du Maroc affiché sur leur fronton. « Nous nous considérons désormais comme les partisans d'Amir Al Mouminine, son soutien et ses soldats (...) pour la noblesse de ses actes, pour ses efforts tendant à la libération de la patrie, à sa réunification et à la prospérité de ses sujets... » avait souligné Cheikh Ahmed Habib Allah. Une distribution de fusils symbolique Ce à quoi le roi Hassan II, tout à sa lucidité prémonitoire, répondra entre autres : « Nous nous faisons un devoir de garantir votre défense et votre sécurité et d'œuvrer sans relâche pour votre bien » ! Ce fut en vérité une manière de serment sacré, il s'inscrit dans le « Kassam d'al-Massira », irrévocable… Il convient de rappeler que cette cérémonie du 14 août 1979, n'avait pas seulement une dimension familiale et un caractère de retrouvailles, elle s'inscrivait dans un contexte politico-militaire interpellateur. Le polisario multipliait ses agressions et entendait occuper simplement Oued Eddahab. Le roi Hassan II, après avoir souligné la volonté du Maroc de ne pas laisser les « fils du Maroc » livrés à eux-mêmes procéda alors à la distribution d'armes, de fusils aux représentants des tribus de Oued Eddahab. Une manière de signifier qu'il n'est pas d'autre solution, en ces circonstances, que d'assurer aussi son autodéfense comme l'avaient fait depuis la nuit des temps les ancêtres...Le pacte d'allégeance réciproque avait pris alors, après ce geste, une signification qui avait valeur de symbole : il renouvelait le serment prêté par le roi et par les populations de Oued Eddahab. Oued Eddahab refondait ainsi le pacte de la Béiâa. Oued Eddahab, traduira toujours une sorte de retour aux sources des fondements. Les représentants des tribus du Sahara ont perpétué la tradition en l'occurrence et réitéré leur fidélité à la fois au principe de l'allégeance et au roi qui la leur rend bien à son tour. Car, l'allégeance procède d'une volonté partagée. Des siècles durant, et avant même que le colonialisme ne s'installât au Maroc, leurs arrières-parents et leurs parents quittaient le territoire et effectuaient pendant des semaines le voyage à Fès ou à Rabat pour faire acte d'allégeance au roi. C'est sur le principe de l'allégeance et des liens historiques et juridiques que le Maroc a fondé son argumentaire en posant en 1974 le problème du Sahara devant la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye et que celle-ci a rendu un verdict sans appel en octobre 1975...Il est clairement explicité qu'au moment de la colonisation par l'Espagne, des « liens juridiques d'allégeance » ont de tout temps existé entre les tribus du Sahara et le sultan du Maroc, quelles qu'en fussent les conditions et les circonstances. Or, l'allégeance illustre, à coup sûr, un pacte de droit , un acte de foi dont les fondements juridiques et partant historique ne se sont jamais, tant s'en faut, accommodés avec le droit occidental. Historiquement, et quelle qu'aient été les circonstances, l'allégeance a constitué le fil conducteur par lequel s'est pérennisée la relation de confiance entre les populations du Sahara et les sultans du Maroc, à commencer par les Almoravides, Berbères venus du Sud au XIème siècle qui avaient eu le mérite d'unifier le Maroc sous leur coupe, de mettre un terme aux dissidences, d'organiser un Etat centralisé dont les contours géographiques allaient de Tanger jusqu'au fleuve Sénégal. Il n'est pas rare de lire, encore aujourd'hui, qu'à ce titre, la prière du vendredi était dite au nom du sultan du Maroc, à Gao et Tombouctou...Le 5 août 1890, au moment où elles concevaient et mettaient en œuvre leur politique d'occupation coloniale du royaume, France et Espagne signaient une convention qui, paradoxalement, constitue une preuve à conviction de la marocanité irréversible des territoires convoités : à savoir les oasis du Touat, du Tidikelt, de Gourara, d'Igli et du Saoura à l'est, à proximité de l'Algérie et qui ont été incorporés par la suite à l'Algérie...Ensuite du Sahara occidental qui, au moment de son occupation par l'Espagne, n'était pas une « terra nullius », ce que la Cour de justice internationale reconnaîtra le 16 octobre 1975 en rendant son avis...Les signataires de la convention de 1890 parlaient d'un « Maroc dont les frontières s'étendaient de Figuig au Cap Blanc (Nouadhibou, en Mauritanie) et comprenant Saquia al-Hamra et Rio de Oro » (Oued Eddahab). Un retour historique et une visite mémorable C'est dire que les populations de Oued Eddahab, non contentes d'avoir appartenu depuis des lustres au Maroc, d'avoir façonné son histoire méridionale – au même titre que les légendaires Mâa al-Aïnine, les Hiba à Smara, ou Moha ou Hammou Zayani dans le nord – , ont toujours eu à cœur d'affirmer leur attachement au royaume du Maroc. La colonisation espagnole les en a empêchés pendant quelques décennies, peut-être, mais elle n'est jamais parvenue , pour autant, à détruire leur sentiment. Les tribus qui composent les populations de Oued Eddahab, notamment les Ouled Dlim, avaient des attaches irréversibles dans le nord, à Sidi Kacem et dans le Maroc du Nord. Quand l'Espagne s'empara de Rio Oro en 1884 pour y créer la Sociedad de Africanistas y colonistas et s'installa officiellement à Villa Cisneros ( Dakhla) les Ouled Dlim se soulevèrent pendant dix ans en signe de révolte contre cette présence et en écho à la lutte menée plus loin par un certain Ma al-Aïnine à Tidjijka... Oued Eddahab constituait le dernier territoire saharien à être décolonisé et réintégré au royaume du Maroc. La cérémonie du 14 août 1979 officialisait ce retour, parce que la Béiâa que les tribus ont présentée ce jour-là au roi du Maroc signifiait ni plus ni moins un référendum confirmatif, le libre choix et l'option irréversible d'exprimer leur attachement définitif au Maroc. Quelque sept mois plus tard, en mars 1980, le roi Hassan II s'était rendu à Dakhla pour une visite historique où il avait reçu un accueil plus que chaleureux, délirant et enthousiaste...Cette visite mémorable, accomplie dans la tradition d'un Moulay Ismaïl et d'un Hassan 1er, traduisait ainsi sa volonté de défendre cette province , ses populations et le patrimoine historique du Maroc... * Tweet * *