Quelques jours après l'entrée en vigueur des nouvelles grilles douanières imposées par l'Administration Trump, incluant une taxe de 10% sur les produits marocains, Washington a réitéré sans équivoque sa reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara. Un rappel qui n'a pas manqué de susciter l'ire d'Alger, plus isolée que jamais sur la scène internationale. Tout au long du mandat de l'Administration Biden, la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara, décidée sous Trump, n'avait jamais été remise en cause, mais le langage diplomatique se voulait mesuré. Cette retenue s'est, toutefois, dissipée mardi, à l'occasion de la visite du ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, à Washington, où il a été reçu par le Secrétaire d'Etat Marco Rubio. Alors que l'on s'attendait à des annonces principalement axées sur les nouvelles dispositions douanières, Rubio a saisi l'occasion pour réaffirmer avec force la position constante des Etats-Unis sur la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara et le soutien au plan d'autonomie comme seule voie possible vers une résolution du conflit. «Les Etats-Unis continuent de croire qu'une véritable autonomie sous souveraineté marocaine est la seule solution possible», a martelé dans ce sillage le Département d'Etat dans un communiqué officiel, publié à quelques semaines du traditionnel briefing de l'Envoyé personnel du Secrétaire Général des Nations Unies, Staffan de Mistura, devant les membres du Conseil de Sécurité. Le Secrétaire d'Etat a également soutenu l'appel lancé par l'ex-président Trump en faveur de négociations immédiates entre les parties concernées, en prenant le plan d'autonomie comme cadre unique de discussion, dans l'objectif d'une solution mutuellement acceptable.
Hystérie algérienne !
Une déclaration qui a vivement déplu à Alger, qui espérait encore infléchir la position américaine après de nombreuses tentatives infructueuses auprès de l'Administration démocrate. Dans un communiqué publié mercredi, les autorités algériennes, visiblement piquées au vif, ont exprimé leur «regret» face à cette position, critiquant le comportement d'un «membre permanent du Conseil de Sécurité» dont il serait attendu qu'il respecte la légalité internationale. Un argument non tenable, du moment que la Charte des Nations Unies ne régit que le comportement des Etats membres dans le cadre des activités de l'ONU, notamment celles liées au Conseil de Sécurité, à l'Assemblée Générale, à la Cour Internationale de Justice, etc. En clair, elle ne prévoit aucun mécanisme contraignant pour forcer un Etat à adopter une certaine politique étrangère ou à se conformer à une ligne définie par l'ONU (sauf via des Résolutions contraignantes du Conseil de Sécurité, qui nécessitent justement l'accord des membres permanents). Pour le congressman américain Mario Díaz-Balart, qui défend la légalité de cette mesure, les Etats-Unis consacrent à cet effet «la constance» de leur position, tout en saluant le rôle du Maroc pour la paix et la prospérité, sous le leadership de SM le Roi Mohammed VI.
De son côté, le politologue français Christophe Boutin estime, dans une déclaration à l'Agence MAP, que ce retour au langage de 2020 relève de l'évidence, rappelant que la position américaine avait eu des répercussions positives sur l'évolution de ce dossier sur la scène internationale, «puisque, dans les années qui suivirent, on a vu évoluer les positions d'autres Etats, soit pour prendre leurs distances face à ceux qui continuent de nier la réalité de la marocanité du Sahara, soit pour faire un pas de plus dans la reconnaissance de la souveraineté marocaine – avec au premier rang de ces derniers l'Allemagne et la France». Pour Boutin, cette réitération de la position américaine aura de nouveaux effets dans le même sens. Position partagée par le géopolitologue français et ancien député européen Aymeric Chauprade, qui affirme que ce rappel de la position américaine est un message fort envoyé au monde, qui «devrait encourager d'autres Etats à appuyer la dynamique en cours de reconnaissance de la marocanité du Sahara et à comprendre que le Royaume est un élément essentiel de stabilité pour le Maghreb et la Méditerranée occidentale».
C'est dire que la prochaine réunion à huis clos au Conseil de Sécurité intervient dans un contexte favorable au Maroc. On parle même d'un alignement des étoiles au moment où il y a une volonté des puissances qui pèsent dans ce dossier de mettre fin à un conflit qui n'a que trop duré. Le Chef de la diplomatie espagnole, José Manuel Albares, s'est fait écho de cette aspiration en faisant savoir au micro de «La Cafetera» qu'il est temps de mettre fin à 50 ans d'impasse. Actuellement, le contexte est de plus en plus propice. Deux membres permanents (la France et les Etats-Unis) soutiennent sans réserve la souveraineté marocaine, tandis que le Royaume-Uni s'apprête à franchir le Rubicon, comme l'a laissé entendre, le 1er avril, le ministre des Affaires étrangères, David Lammy, au Parlement de Westminster. Il n'a pas exclu un éventuel soutien au plan d'autonomie. Ceci fait l'objet de discussions en coulisses avec les autorités marocaines. «Les Britanniques sont tentés de le faire mais ils attendent le moment opportun», explique Emmanuel Dupuy, président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE). Position partagée par Dr Rajae Naji Mekkaoui, Ambassadrice de SM le Roi près le Saint-Siège et l'Ordre souverain militaire de Malte, qui estime que l'alignement du Royaume-Uni n'est «qu'une question de temps», du moment que la société civile, partisane, voire le Gouvernement (en autorisant ou incitant les entreprises britanniques à investir et à mener des activités économiques dans la région du Sahara, sans la moindre restriction...), ne cessent de jalonner et d'aplanir le chemin.
Le Sahara, mais aussi le business
La visite de Nasser Bourita a également abordé des enjeux économiques majeurs, en particulier les accords d'Abraham et les perspectives d'approfondissement de la coopération commerciale. Le ministre marocain a eu des échanges avec Mike Waltz, conseiller influent à la Sécurité nationale sous l'Administration Trump, un entretien qui ouvre la voie à des opportunités prometteuses pour le Maroc dans les domaines de la défense et de l'armement. Bien que les échanges commerciaux entre les deux pays aient connu une progression significative, passant de 1,3 milliard de dollars en 2006 à 5,5 milliards en 2023, soit une augmentation de plus de quatre fois en dix-sept ans, les Etats-Unis demeurent encore relativement marginaux dans le commerce extérieur marocain, ne représentant que 3,3% des exportations marocaines et 7,4% de ses importations. Cette réalité, tout en rendant le Maroc moins vulnérable aux fluctuations douanières imposées par l'Administration Trump, ne l'empêche cependant pas d'envisager un renforcement de ses échanges commerciaux dans une dynamique gagnant-gagnant.
Vers le «shutdown» des Casques bleus ? L'érosion progressive de la crédibilité des bons offices de l'ONU jette une ombre grandissante sur ses missions de maintien de la paix, dont la légitimité se trouve de plus en plus contestée. Trente-quatre ans après sa création, la MINURSO traverse l'une des périodes les plus critiques de son existence, alors que les Etats-Unis envisagent sérieusement de suspendre leur contribution financière. Le think-tank américain Enterprise Institute, proche des cercles décisionnels de l'Administration Trump, a même recommandé de couper le financement de la mission. Ce scénario apparaît d'autant plus plausible que le président américain affiche publiquement son hostilité envers l'ONU, qu'il considère comme inefficace. Au sein des quartiers généraux des Casques bleus, l'éventualité d'un "shutdown" n'est plus une hypothèse, mais une menace concrète : les contrats des employés dits «contractuels» n'ont pas été renouvelés, et aucun remplacement par des agents étrangers n'a été engagé. «Il va sans dire que l'Administration américaine actuelle ne croit absolument pas aux missions de maintien de la paix», souligne à ce propos Emmanuel Dupuy.