Le cabinet Cejefic consulting a livré et présenté une deuxième étude sur un total de 7 qu'il doit réaliser sur le marché financier marocain. Cette étude se concentre sur le marché de la dette obligataire privée en particulier et sur le marché des taux de manière générale. Comment se comporte ce marché ? Quels sont les freins à son amélioration et quelles sont les principales pistes d'améliorations suggérées par les professionnels rencontrés lors de la réalisation de l'étude ? Les réponses de Brahim Sentissi, principal responsable de l'étude. Après le marché des actions, la loupe des analystes de Cejefic consulting est venue se poser sur le marché obligataire. Un marché qui a enregistré 432 Mds de dirhams de levées privées pendant ces 10 dernières années et où les trois-quarts des actifs sous gestion des OPCVM sont investis. Un marché caractérisé par deux grandes tendances La première commence en 2005 où la dette privée était en expansion, profitant d'un excédent de liquidités dans l'économie. De plus, les niveaux de taux d'intérêt des bons du Trésor étaient assez bas, ce qui a poussé les investisseurs à chercher des supports d'investissement avec un rendement plus intéressant que le taux sans risque et donc à investir dans des titres de dette privée. Les émetteurs ont également profité de taux de financement bon marché par rapport aux emprunts bancaires. Ensuite, et depuis 2009, la croissance des émissions a ralenti. Les défauts de paiement de Financière Hatt et de Mediaco sont passés par là, ce qui a «haché» l'appétit des investisseurs. En 2013, la hausse sur ce marché l'a rendu moins attractif. Une hausse des taux provoquée, entre autres, par les sorties du Trésor dont a résulté le fameux effet d'éviction. L'assèchement des liquidités dans l'économie a, à son tour, provoqué ce ralentissement car les OPCVM, principaux investisseurs sur ce marché, disposaient de moins de cash à investir. Un marché qui profite principalement aux banques Entre 2003 et 2013, 51% des émissions des obligations sont le fait des banques et des établissements et entreprises publics (EEP). Les banques ont émis des montants importants, que ce soit sous forme de certificats de dépôt ou d'obligations (subordonnées le plus souvent) pour faire face à un manque croissant de liquidité. Elles représentent à elles seules, 64% des émissions (TCN et obligations confondues) avec un montant de près de 275 Mds de dirhams. A noter que deux banques (Attijariwafa bank et BMCE Bank) se sont accaparées 63% des montants émis par les banques sur le marché obligataire. Les EEP permettent, pour leur part, de mettre en oeuvre les stratégies sectorielles du gouvernement. Les émissions les plus importantes sont naturellement celles associées aux projets d'infrastructure, très capitalistiques, notamment celles de la Société nationale des autoroutes du Maroc (plusieurs autoroutes livrées ces dernières années comme Casablanca - Marrakech - Agadir et trois en cours comme l'autoroute de contournement de Rabat). Les principaux autres secteurs concernés sont le transport (ONCF) ainsi que les infrastructures portuaires et aéroportuaires. Une situation que Sentissi résume bien : «il est drôle de constater que ce sont les banques qui font le plus appel à ce marché pour financer leurs clients. Il n'y a finalement pas de désintermédiation bancaire au Maroc, malgré le fait que la hausse des volumes sur les marchés financiers laisse penser le contraire». La désintermédiation passerait peut-être par des redirections des clients des banques directement sur le marché de la dette. Un marché peu liquide, opaque et inaccessible Les professionnels présents à l'évènement (nombreux et au niveau relevé) n'ont pas manqué de rappeler que le rééchelonnement de la dette de Maghreb Steel n'avait eu aucun impact sur sa prime de risque. Une aberration qui témoigne, entre autres, du manque de liquidité sur ce marché. Un marché tout aussi opaque et inaccessible à cause du manque d'informations sur l'évolution des cours et du manque de statistiques sur les dettes émises. La presse et les analystes n'y ont pas accès, ce qui augmente la distance entre ce marché et les investisseurs. Trois grandes familles de solutions existent, dont certaines peuvent prendre effet immédiatement. Il s'agit par exemple de la stimulation du marché à travers la publication de données statistiques via un organisme accepté par les opérateurs. Cela augmentera la visibilité de ce marché. La sensibilisation des émetteurs sur l'attrait de ce marché tout en faisant preuve d'ingéniosité dans la structuration des produits est également une piste exploitable rapidement. La gestion du risque est également nécessaire pour répondre à une aversion de plus en plus accrue des investisseurs en privilégiant la notation des dettes et des entreprises et en introduisant des clauses de sécurité lors des levées de dettes. Plus techniques, d'autres solutions consistent à rendre le marché de la dette plus liquide et plus attrayant. Il s'agit d'aller vers un marché dirigé par les prix et l'introduction du market making, ces acteurs qui sont constamment positionnés à l'achat et à la vente pour permettre aux opérateurs de se positionner à n'importe quel moment sur ce marché. Là aussi, la nature du market maker et ses rôles doivent être précis et surtout acceptés par les opérateurs du marché pour qu'il puisse mener à bien sa mission.