La SRM Casablanca-Settat réalise deux stations monoblocs de déminéralisation à Settat dans le cadre de la sécurisation de l'alimentation de la ville en eau potable    Dislog Group expands its healthcare portfolio with the acquisition of 75% of Megaflex    Les Américains se rendent aux urnes pour choisir leur 47e président    En plein génocide des Palestiniens, un groupe de journalistes marocains se rend en Israël    La tenue du Mondial 2030 pourrait rapporter plus de 10 MM$    L'opposition accuse Aziz Akhannouch de «népotisme tarifaire» et de «ramener le pays vingt-cinq ans en arrière»    49ème Anniversaire de la Marche Verte : Elan fondateur d'un Maroc souverain    RNI : L'engagement social au cœur des priorités    Energies renouvelables, infrastructures gazières, gazoduc Maroc-Nigéria… Leila Benali détaille son plan d'action    Business Forum ZLECAF, un pas de plus pour stimuler le commerce Intra-Afrique    Détection de faux billets à Tanger : BAM dément formellement    Officiellement, Naziha Belkeziz est nommée PDG de la BCP    CNSS. Contrôle de vie simplifié pour les retraités au Maroc    La Cour des comptes renforce sa stratégie de transition numérique    «Je ne permettrai jamais l'établissement d'un Etat fantoche au Sahara (1974)» : le roi Hassan II face au monde pour unifier le Maroc, selon les câbles déclassifiés de la CIA    La politique d'abord !    Présidentielle US : Trump ou Harris, un choix difficile pour les Américains    Manouvres militaires communes entre Washington, Séoul et Tokyo    Par Dr Anwar CHERKAOU et Dr Bounhir BOUMEHDI, Médecin Radiologue    Boeing : Les ouvriers arrachent 38% d'augmentation et arrêtent la grève    Présidentielle américaine: Un chercheur marocain dévoile une méthode pour prédire les tendances de vote    Maroc-Etats-Unis : Youssef Amrani salue l'ascension notable d'une alliance d'exception    Un retour à la tanière se dessine pour Zakaria Aboukhlal    À 18 ans, l'international marocain Adam Aznou brille de mille feux au Bayern    SAR la Princesse Lalla Hasnaa, accompagnée de S.E. Sheikha Al Mayassa Bint Hamad Al-Thani, inaugure le pavillon marocain « Dar Al Maghreb » à Doha    Rallye Dakhla-El Guerguarat 2024 : un final en apothéose [Vidéo]    Naima Ben Yahya présente les priorités du ministère de la Solidarité en 2025    Morocco Berry Conference 2024 : rencontre internationale pour le secteur des fruits rouges le 14 novembre    Boujdour : la deuxième tranche de l'aménagement hydroagricole d'Oudiyat Tious lancée    Les Marocains en tête de la population carcérale étrangère en Espagne    Chambre des représentants : Projet de loi approuvé pour réorganiser le CCM    Célébration du 10e anniversaire du Musée Mohammed VI d'art moderne et contemporain    Le caftan marocain brille de mille feux à l'Unesco    Oriental : Taforalt, berceau mondial de la phytothérapie ?    Coopération. Dakhla et Bissau villes jumelles    Foot: « Deux semaines minimum » d'indisponibilité pour Neymar    Températures prévues pour le mercredi 6 novembre 2024    New head with Moroccan roots appointed to lead Israeli liaison office in Morocco    Moroccan caftan shines at UNESCO's first Arab Week in Paris    Morocco's Royal Navy foils migrant hijacking attempt off Tan-Tan    Football. La Ligue des Champions féminine en novembre au Maroc    Inondations en Espagne: Le match de Valence en Coupe du Roi reporté    Inondations en Espagne: Le gouvernement approuve un plan d'urgence de 10,6 milliards d'euros    Bangkok: Mme Akharbach plaide pour une régulation du numérique    Oriental: Découverte de la plus ancienne utilisation médicinale des plantes au monde à Taforalt    Festival international du film du Caire : plusieurs films marocains en lice    Dixième anniversaire du MMVI : Une décennie de culture et d'innovation    Kamel Daoud, lauréat du Goncourt pour son roman Houris, censuré en Algérie    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Dominique Caubet : «La darija a vu son statut évoluer dans la société civile»
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 09 - 07 - 2010

Selon Dominique Caubet, la linguiste et chercheuse à l'Institut national des langues et civilisations orientales, le Maroc est plurilingue et cela ne peut être qu'une chance et une richesse, et non un manque ou un défaut.
ALM: Que pensez-vous du débat qui anime actuellement la scène socio-politique au Maroc sur les langues?
Dominique Caubet : Je vous remercie de m'avoir posé cette question qui m'intéresse, mais je dois commencer par dire que je ne suis pas marocaine, et que je peux répondre qu'en tant que linguiste et qu'observatrice de la société marocaine, et pas comme pourraient le faire des Marocains, en tant que citoyens participant à une débat politique. Je pense que beaucoup de choses ont changé depuis cinq ans dans la société civile marocaine et que c'est peut-être seulement aujourd'hui que la classe politique en prend conscience et essaye d'intervenir sur des choses très difficilement contrôlables : les choix linguistiques des individus et des familles qui vivent de facto en situation plurilingue. Peut-on contrôler la langue parlée à la maison dans les familles ? Peut-on empêcher les parents d'envoyer leurs enfants dans des écoles privées ou des cours du soir pour apprendre les langues étrangères que l'école publique ne leur offre pas et qui sont pourtant nécessaires pour le marché du travail ?
Le statut de la darija a-t-il évolué ?
Récemment, la darija qui avait été longtemps associée à l'analphabétisme et au sous-développement a vu son statut évoluer dans la société civile. Elle n'est plus considérée avec mépris, mais vue par certains comme une des composantes importantes de l'identité marocaine, une langue de création, capable de s'adapter à la modernité. De plus, elle a connu un développement très récent avec son utilisation régulière dans les nouveaux médias: notamment les radios, dans les émissions en direct, les débats et y compris pour les informations ; dans la presse écrite, avec Nichane, par exemple, qui fait un usage important de la darija dans ses titres ; et enfin, avec les nouvelles technologies où la darija a connu un passage à l'écrit massif avec l'écriture sur clavier d'ordinateur et de portables (des millions de SMS sont envoyés en darija quotidiennement et des millions de pages sont écrites sur MSN, facebook, dans des forums et dans des mails….). Comme le dit N. Kerbal (député PJD) au Parlement en juin 2010, la langue «officielle» (rasmiya) du Maroc est «la langue arabe». Je remarque au passage qu'il fait son intervention en darija. Personne ne songe à mettre en doute cela.
Peut-on dire que le Maroc est «plurilingue» ?
Mais on ne peut que constater –qu'on s'en réjouisse ou qu'on le regrette- que le Maroc est plurilingue, et je pense personnellement –moi qui parle quatre ou cinq langues, dont la darija- que c'est une chance et une richesse, et non pas un manque ou un défaut. Plusieurs langues sont présentes. Il y a les langues maternelles qui sont la darija et l'amazigh ; de plus la darija est souvent acquise très tôt par les amazighophones (c'est parfois aussi l'inverse, mais plus rarement) qui en ont une connaissance native. Il y a des langues qu'on parle à la maison qui sont parfois différentes des langues maternelles, et qui peuvent être aussi dans certains milieux minoritaires moins influentes en l'occurrence le français, l'espagnol ou l'anglais, il faudrait se demander qu'elle est la raison de ces politiques linguistiques familiales (on a l'impression qu'on essaie de donner aux enfants des cartes en plus dès la très petite enfance). Je cite aussi la langue de l'école publique qui est la langue arabe; les écoles privées initient des enseignements bilingues avec outre l'arabe, le français, l'espagnol ou l'anglais. Le français est aussi une langue d'étude au niveau universitaire pour les matières scientifiques, etc. et une langue de travail dans certains domaines techniques, à côté de l'anglais.
Comment agir avec la diversité linguistique au Maroc ?
Si l'on part du principe que cette diversité est une richesse, il faut donner accès à toutes ces langues à une majorité de personnes et ne pas laisser ce privilège aux classes dominantes.
Les Marocains sont réputés pour leur capacité à parler plusieurs langues et ce serait dommage de brider leurs talents. La diversité est déjà là…. Peut-être serait-il bien d'en faire bénéficier aussi l'école publique et d'élargir l'offre ?
Quelle place faut-il accorder à la «darija» ?
Je ne peux pas donner de conseils sur cette question, c'est à la société marocaine de décider. Cette langue à laquelle une bonne proportion de jeunes Marocains on été façonnés a besoin de respect et non de mépris. C'est déjà le cas au Maroc depuis 7 ou 8 ans, et c'est une bonne chose que de se réconcilier avec sa ou ses langue(s) maternelle(s) ; cela permet un bon départ dans la vie. On pourrait utiliser sa connaissance pour accélérer les processus d'apprentissage d'autres langues, avec en premier lieu la langue arabe.
Certaines voix appellent à la reconnaissance de la langue maternelle. Qu'en pensez-vous?
Beaucoup de sociétés se sont construites avec une langue officielle et des langues nationales, sans rien y perdre au contraire. Le Maroc a une langue officielle : la langue arabe. On peut donc penser que les deux langues maternelles du Maroc, la darija et l'amazigh, pourraient être reconnues comme langues nationales, mais j'ai l'impression que la classe politique n'est pas encore prête, et c'est sans doute tout l'objet du présent débat, de façon sous-jacente ou à mots ouverts.
Certains appellent à la «création» d'une langue arabe moderne mêlant la langue écrite et orale. Quel est votre avis ?
Je suis plutôt pour l'évolution naturelle des langues. De plus pourquoi créer encore une langue alors que le Maroc est largement plurilingue. Créer une langue, les Israéliens l'ont fait au 20è siècle avec la création de l'hébreu moderne qui est devenu depuis langue maternelle pour asseoir l'existence de leur Etat. Je ne suis pas sûre qu'il faut suivre leur exemple, les besoins n'étant certainement pas les mêmes dans le Maroc des années 2000.
Que pensez-vous de l'utilisation exclusive de l'arabe classique dans la justice et l'enseignement ?
Je ne peux que constater qu'il y a des problèmes de compréhension graves pour ce qui est du domaine de la justice, et parfois aussi de la médecine, quand les prévenus ou les patients ne comprennent pas ce que leur dit ou leur lit, le juge, l'avocat ou les médecins. Ces derniers ont été amenés à faire de gros efforts pour soigner leurs patients monolingues. On constate des échecs terribles dans l'enseignement, surtout si on le met en rapport avec le budget qui lui est consacré. L'enseignement du français a été très réduit depuis l'arabisation du primaire et du secondaire au milieu des années 70 ; il est enseigné comme une langue en soi, et n'est plus utilisé comme langue d'enseignement d'autres matières. On comprend donc les raisons de son déclin ; mais ce qui est le plus étonnant et qui mériterait d'être éclairci, c'est que la langue qui reçoit toutes les attentions, tous les moyens et toutes les valorisations dans le discours politique et religieux, c'est-à-dire la langue arabe, connaît elle aussi de graves problèmes d'apprentissage et là, on a du mal à comprendre. D'où vient ce décalage ?


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.