Le président de la Fondation Zakoura pour l'éducation, Noureddine Ayouch, estime qu'il faut revoir l'enseignement des langues au Maroc et reconnaître la darija et l'amazigh comme des langues nationales. ALM : Le colloque international sur les langues a suscité de vives réactions notamment du côté des islamistes.Que répondez-vous ? Noureddine Ayouch : Cette situation s'explique par le fait que les islamistes n'avaient pas pris connaissance du rapport de synthèse contenant les recommandations des deux journées du colloque. Ils pensaient que nous voulions remplacer l'arabe classique par l'arabe dialectal. Ce qui est totalement faux. Nous n'avons jamais eu l'intention de remplacer une langue par une autre. Il n'est pas question de détruire une langue et de mettre en avant une autre. Nous n'appelons pas à la confrontation entre les langues mais à la convergence et à l'amour des langues. Que pensez-vous du débat sur les langues qui anime actuellement la scène socio-politique au Maroc ? Je parlerai plutôt de la scène sociale que politique. Il était temps que cette problématique se pose avec tant d'acuité et que tout le monde s'y intéresse. Le constat est là : les étudiants marocains même après avoir terminé leurs études ne maîtrisent ni l'arabe, ni le français, ni l'anglais. C'est pourquoi, il faut revoir l'enseignement des langues au Maroc et renouveler les méthodes pédagogiques. Pourquoi ne pas enseigner les langues au moyen de l'audiovisuel comme c'est le cas en Europe. Au Maroc, nous sommes confrontés au phénomène de la diglossie. Nous parlons une langue, à savoir l'arabe dialectal et nous écrivons avec une autre langue (l'arabe classique). Ce qui pose un problème de communication et d'efficacité au niveau des études. Il faut enseigner aux élèves l'arabe dialectal durant les premières années de la scolarité. Comment agir avec la diversité linguistique au Maroc ? La diversité linguistique est une richesse. Il faut la renforcer et non la détruire. Il est impératif aujourd'hui de renforcer l'enseignement des langues étrangères. Si le français constitue par excellence la première langue étrangère, il est indispensable de développer l'enseignement d'autres langues notamment l'anglais et le chinois qui deviendra bientôt une langue incontournable. Il est aussi question d'améliorer la qualité de l'enseignement des langues étrangères pour en faire un enseignement plus vivant. Quelle place faut-il accorder à la darija ? La langue arabe classique est la langue officielle au Maroc. La darija et l'amazigh doivent devenir des langues nationales. Il est important de noter que plus de 90% des Marocains parlent l'arabe dialectal et 35% l'amazigh. Parmi les Amazighs, une grande partie parle l'arabe dialectal. La darija a fait une percée remarquable. Elle est utilisée par la majorité de la population mais aussi dans les médias ( télé, radio), les pubs, les séries mexicaines et turques…Cette langue pratiquée par tout le monde doit avoir un statut. Que pensez-vous de l'enseignement de l'arabe classique dans les écoles et dans le secteur de la justice ? L'enseignement au Maroc doit commencer par la langue arabe maternelle. Pour ce qui est de la justice, les jugements doivent être rendus en arabe dialectal et non en arabe classique dans la mesure où un grand nombre de justiciables sont analphabètes. Ce défaut de communication entre les professionnels de la justice et les justiciables peut engendrer des conséquences très graves.