Un colloque de sociolinguistique, musique et pratiques urbaines, s'est déroulé durant trois jours (16-18 avril) à Casablanca. Dominique Caubet, l'une des modératrices de cette rencontre, s'exprime sur la manifestation. Entretien. ALM : D'où est venu l'idée d'organiser un colloque de trois jours sur la musique et les pratiques urbaines au Maroc ? Dominique Caubet : Je suis venue au Maroc l'année dernière dans le cadre d'une résidence de recherche sur la nouvelle scène marocaine. En rencontrant plusieurs acteurs de la scène musicale, et en discutant avec eux, j'ai pu découvrir qu'il y avait un véritable bouillonnement culturel. La Darija était intégrée à part entière dans ce mouvement. En rentrant en France, j'en ai discuté avec plusieurs de mes collègues chercheurs à l'Institut national de langue et de civilisation orientale (INALCO). Nous avons ainsi constitué un réseau de sociolinguistes et nous avons pensé à organiser ce colloque à Casablanca avec les gens du Boulevard des jeunes musiciens. L'idée, c'était d'impliquer tous types de public et ne pas faire appel uniquement aux spécialistes. Nous avons veillé à l'unanimité à ce que tous les intervenants puissent utiliser des termes simples et accessibles au public en assortissant les tables rondes avec les concerts. Avez-vous réussi à relever ce défi pendant les deux premiers jours ? Avant même la fin du colloque, nous pouvons déjà faire un bilan des deux premiers jours. Nous sommes très satisfaits du résultat. Nous avons assisté à d'excellentes réactions de la part du public présent. Il y a eu de véritables échanges et les débats ont non seulement concerné le Maroc, mais également des pays comme l'Egypte, l'Algérie et la Palestine. Les rappeurs et les danseurs ont tous participé aux discussions. Vous préparez la sortie de votre prochain ouvrage sur la movida marocaine. A quel stade êtes-vous dans vos recherches ? Nous sommes en train de réfléchir à la formule adéquate qui pourrait accompagner la publication de ce nouveau travail de recherche. Il est fort probable qu'on publie un livret scientifique sur le bouillonnement que vit la nouvelle scène musicale marocaine. Ce livret sera accompagné d'un DVD. En plus du livre il y aura également un film qui illustre ce phénomène. Le scénario est presque finalisé et le tournage devrait commencer au mois de juillet prochain. Qu'est-ce qui motive votre intérêt envers la culture et la création marocaine ? Cela fait très longtemps que je viens au Maroc et que j'observe tous les changements. Mon travail de linguiste m'a poussé à faire des recherches dans ce sens et j'ai publié petit à petit «Les mots du bled» et «Shouf Shouf Hollanda» où je raconte la mutation dans la culture de plusieurs pays du Maghreb dont le Maroc. Vous êtes en faveur de la langue Darija. Que pensez-vous des scepticismes qui existent autour de la promotion du dialecte marocain ? Il suffit juste de regarder autour de nous pour se rendre compte que la Darija est ancrée dans le quotidien et dans les mœurs. Il y a une multitude de production littéraire et musicale en Darija. Bien avant la naissance de ce qu'on appelle aujourd'hui la nouvelle scène marocaine, il existe tout un patrimoine ancestral comme le Zajal et le Melhoun qui sont basés sur la Darija. Le discours ambiant sur la Darija n'est qu'une manière pour que ce dialecte soit reconnu comme une langue en bonne et due forme. L'arabe classique a également sa place, il ne s'agit pas de favoriser la Darija au détriment de cette langue, mais il faut trouver un équilibre. De quelle manière peut-on atteindre cet équilibre, je ne suis pas capable de le dire. En tant que chercheur j'ai le devoir d'observer et de rendre compte de mes analyses, mais je ne suis pas marocaine, je ne peux pas prendre des décisions.