La presse avait fait ses choux gras sur un président américain qui ne voulait pas être reçu à sa descente d'avion par Nicolas Sarkozy et qui préfère dormir dans la résidence de l'ambassadeur américain juste derrière l'Elysée. Il y a avait, sinon de la réconciliation en l'air, du moins du rabibochage, en tous cas un exercice certain de communication pour séduire et rassurer sur la qualité de leur relations. Nicolas Sarkozy et Barack Obama se sont livrés à un tel assaut d'amabilités entre eux, à deux grosses œillades sur la sincérité et la qualité de leurs relations que pendant un moment il était difficile de savoir si les deux hommes avaient fait le déplacement en Normandie pour célébrer le 65ième anniversaire du débarquement allié ou pour tenter de reconfigurer leurs liens qu'on dit distendus, évanescents et sans éclats sauf celui du froid et du dépit. Il faut dire que Nicolas Sarkozy et Barack Obama revenaient de loin. La presse avait fait ses choux gras sur un président américain qui ne voulait pas être reçu à sa descente d'avion par Nicolas Sarkozy, qui préfère dormir dans la résidence de l'ambassadeur américain juste derrière l'Elysée sans voir ni sortir au restaurant avec son locataire et que pendant une visite de presque trois jours, l'agenda des deux présidents ne montrait qu'une brève rencontre en tête-à-tête de vingt minutes. Les plus magnanimes disaient que le président américain ne voulait pas se laisser instrumentaliser par Nicolas Sarkozy à la veille du scrutin européen. Les plus cyniques affirment que l'alchimie entre les deux hommes est en panne. Et là, les analyses partent en conjecture : le démocrate Obama n'aurait pas pardonné à Nicolas Sarkozy sa période d'amour excessif et souvent exagérément exhibé pour le républicain George W. Bush. Il n'aurait pas compris cette attitude de premier de la classe qui tire inlassablement la couverture vers lui qu'adopte, avec un certain succès, depuis son élection Nicolas Sarkozy sur de nombreux dossier internationaux. Il n'aurait pas apprécié cette posture de moralisateur qui sait toujours ce qu'il faut faire et qui donne ordres et conseils. Il était donc facile de mettre cette apparente distorsion entre les deux hommes sur le compte de la confrontation naturelle des ambitions, du choc inévitable des ego. Le D-Day était l'occasion obligée de tenter de réduire le fossé et de corriger cette image qui devenait désastreuse pour les deux présidents. L'Elysée tenta de crever cet abcès en deux temps : d'abord en affirmant, par la voix de l'influent conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy, Jean-David Levitte, que toute cette affaire était une création de journalistes. N'avait-on pas lourdement glosé sur les mauvaises relations qu'entretenaient le président de la république et la chancelière allemande Angela Merkel? Est-ce réellement le cas aujourd'hui alors que rien de décisif ne se fait sans l'entente assumée du couple franco-allemand ? Cet épais argument de bois laisse dubitatif. La seconde phase de cette stratégie de gommer cette dangereuse illusion d'un divorce entre les deux présidents fut donnée lors de l'unique conférence de presse tenue dans la préfecture du Calvados, dans la charmante ville de Caen. Les deux hommes l'ont joué tactile comme deux vieux potes de lycées qui se retrouvent et qui se tripotent de manière affective. Le tout enrobé de regards entendus et de larges sourires. Et quand Barack Obama fut questionné sur le peu de place accordée à Nicolas Sarkozy dans cette visite, il invoque un agenda présidentiel extrêmement tendu avec cette argument qui ne lève le voile sur rien : «les bons amis ne s'inquiètent pas des symboles, des conventions et du protocole (…) Je considère personnellement Nicolas Sarkozy comme un ami. Comme je sais que je peux toujours prendre mon téléphone pour lui parler, il n'est pas nécessaire pour moi de passer un long moment ici». Non satisfait de cette réponse qui peut prêter à confusion, Nicolas Sarkozy claqua la sienne qui en dit long sur tout le travail de communication élaboré la veille par son équipe pour dégoupiller ce malentendu avec Obama : « Vous croyez qu'on n'a pas autre chose à faire que de faire des belles photos sur papier glacé ? Vous pensez qu'avec la crise économique internationale, le chômage aux Etats-Unis, le chômage en France, le chômage en Europe, le problème de l'Iran, on n'a que ça à faire de calculer, est-ce qu'on va prendre un bon restaurant ensemble ou est-ce qu'il va passer une nuit de plus ici ? »