Le président français Nicolas Sarkozy a entamé, hier, une visite aux états-Unis. L'occasion de «réchauffer» les relations bilatérales. Depuis bien longtemps, jamais visite d'un président français aux Etats-Unis n'aura fait couler autant d'encre admiratif et suscité autant d'espoirs de retrouvailles. Celle qu'effectue Nicolas Sarkozy à Washington est en principe destinée à entrer dans l'histoire comme l'occasion de consacrer la réconciliation entre les deux pays. La presse américaine écrit, de manière lyrique, que le président Sarkozy sera reçu avec le plus chaleureux accueil jamais réservé à une personnalité française depuis celui accordé à Lafayette en 1777 lorsqu'il débarqua en Amérique pour se joindre à George Washington dans sa guerre contre les Britanniques. C'est que, sans être des ennemis déclarés, la France de Jacques Chirac et l'Amérique de George Bush frôlaient la rupture et la confrontation, la guerre en Irak ayant été l'étincelle qui avait fait exploser l'incompréhension et la mésentente. D'ou le grand soulagement américain que résume le sous-secrétaire d'Etat américain pour les Affaires politiques lorsqu'il dresse ce panégyrique de Nicolas Sarkozy : «Nous admirons la manière avec laquelle il s'est ouvert à notre pays. Nous admirons la clarté de ses choix et de sa politique sur l'Iran, l'Afghanistan et le Kosovo et ses relation avec notre pays. Il a apporté beaucoup d'air frais». Depuis son arrivée à l'Elysée, Nicolas Sarkozy était sommé de s'expliquer sur son américanophilie supposée qui tranche singulièrement avec la posture gaulliste aux relents indépendantistes qui avait distingué ses prédécesseurs, y compris le socialiste François Mitterrand : «Le procès est ouvert: je serai un ami des Américains. Eh bien oui, c'est vrai, ne me torturez plus, j'avoue», avait-il ironisé lors de sa visite d'Etat au Maroc. «Je ne vois d'ailleurs pas pourquoi je devrais être un ennemi des Américains. Quelle drôle d'idée! Voici, un pays, l'un des seuls à travers le monde, avec la Pologne, avec qui nous n'avons jamais été en guerre. Ce n'est quand même pas une raison pour se détester». Même si l'Administration Bush sort le grand jeu et mobilise les symboles historiques les plus parlants dans la singulière relation franco-américaine pour bien marquer le début de l'ère nouvelle qui s'annonce, de nombreux observateurs font marquer malicieusement que la changement opéré à Paris à l'égard de Washington est davantage une affaire de style qu'un changement réel de stratégie. Nicolas Sarkozy excelle dans la déclamation d'amitié et dans l'exaltation du relationnel. Et alors que les relations entre les deux pays étaient au bord du gouffre, les intonations câlines que l'on retrouve parsemées dans le discours américain de Nicolas Sarkozy font croire à une vraie rupture. Sur les sujets supposés fondateurs du nouvel axe Paris-Washington comme l'Otan et l'Irak ou l'adhésion de la Turquie à l'UE, l'antagonisme franco-américain demeure entier. Sur l'Otan, la conditionnalité française d'intégrer physiquement le haut commandement militaire à des postes à la hauteur des ses ambitions paraît difficile à satisfaire. Sur le bourbier irakien, l'évaluation française de la situation n'a pas bougé d'un iota au point que l'actuel président de la république pourrait très bien reprendre à son compte les envolées lyriques sur le sujet son ennemi intime, l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin. Seule la crise iranienne semble rapprocher les deux pays sans toutefois savoir si réellement ils partagent la même thérapie guerrière. Il faut dire que Nicolas Sarkozy ne s'est pas laissé enfermer dans une logique de solidarité automatique, semblable à celle qui avait ligoté les mains de l'ancien Premier ministre britannique Tony Blair et limité sérieusement sa marge de manœuvre. Le président français s'est intelligemment ménagé une porte de sortie lorsqu'il touche l'enthousiasme des atlantistes de son entourage : «Alliés ne veut pas dire alignés (…) Je me sens parfaitement libre d'exprimer nos accords comme nos désaccords, sans complaisance ni tabou». Un autre élément providentiel qui aidera Nicolas Sarkozy à doser davantage son discours et la profondeur de ses engagements immédiats, est à trouver dans l'agenda politique domestique américain. Dans un an, presque jour pour jour, les républicains devront, sauf miracle, se retrouver dans l'opposition après deux mandats successifs de George Bush.