On peut gloser à linfini sur le sens du «dîner privé» que Barack et Michèle Obama ont offert ce 30 mars à Nicolas Sarkozy et à son épouse Carla lors de leur première rencontre bilatérale à Washington. Faut-il y voir, comme le claironne lElysée, un «témoignage damitié particulier qui a dissipé toute froideur» entre les deux hommes ? Ou le chef de lexécutif américain a-t-il évité un «dîner dEtat» pour ne pas donner trop dimportance à cette entrevue attendue depuis longtemps par son homologue français ? Si ces détails protocolaires ne relèvent pas des seuls magazine people, cest quils recouvrent une réalité plus profonde : le courant passait mal entre deux hommes que leur positionnement politique respectif aurait dû rapprocher demblée. Nicolas Sarkozy est en effet le président le plus atlantiste quune France volontiers américanophobe ait connu depuis longtemps. Quant au multilatéralisme affiché par son homologue américain, il a séduit la France et les Européens jusquà ce que ces derniers se sentent trahis en découvrant que Obama était avant tout «président des Etats-Unis»! Du coup, Paris reproche au successeur de George Bush de trop regarder vers lAsie sans tenir assez compte de limportance de la relation transatlantique. «Il faut écouter lEurope», a dailleurs insisté Sarkozy à Washington. Accord sur lIran Mais cest surtout sur le plan personnel que le courant a des ratées. Obama a peu apprécié la volonté de son homologue français de prendre le leadership mondial dans les derniers jours de la présidence Bush. Et Nicolas Sarkozy a toujours mal caché son agacement face à une Obamania qui perdure en dépit dun échec au Proche-Orient et de la confrontation avec une réalité et une opposition très dures aux Etats-Unis même. Cette irritation na pu que sexacerber chez un président français au plus bas de sa popularité au moment où son homologue américain, fort de sa réussite sur la réforme de la santé, se réinvestit sur la scène internationale pour en finir avec limpression dimpuissance quil a donné notamment sur le Proche-Orient. Non sans succès. La conclusion avec Moscou du nouveau traité Start de réduction des armements stratégiques est une étape importante pour un Obama qui a placé le désarmement au coeur de sa diplomatie. Sa visite surprise à Kaboul a ensuite signifié quil entend désormais assumer pleinement son rôle de chef de la coalition internationale en Afghanistan. Sur le plan strictement politique, lanalyse faite à Paris et à Washington sur la plupart des grands dossiers nest pas si éloignée. Les Français assurent quaprès la visite aux Etats-Unis, les deux capitales sont sur la même longueur donde. Notamment sur le nucléaire iranien où elles estiment que le temps dun durcissement des sanctions est arrivé. Bonne nouvelle pour une France qui, nayant jamais cru à la politique de la main tendue de Obama au régime islamique, regrettait sa prudence en la matière. Sur lAfghanistan, on ignore si Nicolas Sarkozy a accepté denvoyer plus dhommes, ce quil a jusquici catégoriquement refusé, opinion publique oblige. Un souci que na pas Obama quand 53% des Américains approuvent sa politique en Afghanistan. Booster Sarkozy Le désarmement nucléaire demeure par contre un litige. Paris voit dans lambition dun monde sans armes nucléaires prôné par le président américain une sorte dutopie dangereuse. Surtout en ces temps de prolifération. Mais cette position française serait plus crédible si Paris ne cherchait pas à vendre du nucléaire civil tous azimuts. Reste le sujet qui fâche vraiment : le contentieux des 179 «avions ravitailleurs» qui a donné lieu à une formidable bagarre de lobbies entre le groupe européen EADS et Boeing. Obama, conscient que lEurope pour une fois unie a vu en cette affaire une manifestation du protectionnisme américain, a assuré que le nouvel appel doffres se ferait «dans une totale transparence». Lavenir dira ce quil en est. En attendant, cela suffit à Sarkozy pour montrer quil a été entendu. Cest le souci majeur dun président dont le pays na, au fond, pas grand chose à apporter aux grands problèmes que Obama doit affronter, de la Chine au Moyen Orient en passant par lAfghanistan. Dautant que la France, compte tenu des divisions au sein de lEurope, ne peut même pas safficher comme le représentant dune Europe puissante. On le voit : le «dîner privé» et très médiatisé avec Obama avait surtout de quoi booster un Nicolas Sarkozy sonné par sa défaite électorale aux dernières régionales.