Les observateurs ont noté que cette escalade verbale française sur la crise iranienne s'est accrue de manière visible depuis la rencontre estivale entre les présidents George Bush et Nicolas Sarkozy. Et si la vraie rupture tant invoquée par Nicolas Sarkozy, lors de son ascension, est en train de s'opérer sur des sujets brulants de politique internationale comme l'Iran? La dernière bourrasque politico-médiatique provoquée par le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, indique un vrai changement de ton et de style. En appelant à se «préparer au pire», c'est-à-dire à une possible «guerre» avec l'Iran, il a provoqué une petit séisme dans les chancelleries. Mais ce qui a donné une dimension supplémentaire de gravité à cette rhétorique de guerre, c'est le commentaire du Premier ministre François Fillon. Habituellement inaudible sur les préoccupations françaises les plus domestiques, le voilà qui rajoute son exégète planétaire à cette crise: «Je crois que les Iraniens doivent comprendre que la tension est à son extrême et en particulier dans la région, dans la relation entre l'Iran et ses voisins, dans la relation entre l'Iran et Israël. Nous sommes dans une situation de très grande tension». Après Nicolas Sarkozy et son «alternative catastrophique: la bombe iranienne ou le bombardement de l'Iran» lancé le 27 aout dernier, maintenant Kouchner et Fillon, les signaux politiques émis depuis Paris ressemblent fort à une musique guerrière en préparation et à des bruits de bottes qui s'approchent. Les observateurs ont noté que cette escalade verbale française sur la crise iranienne s'est accrue de manière visible depuis la rencontre estivale entre les présidents George Bush et Nicolas Sarkozy. Ce qui a donné lieu à cette interrogation principale : ou les français disposent d'informations et données fiables sur une inévitable guerre américaine contre l'Iran, et ces déclarations «en treillis» ont pour but de préparer l'opinion française au pire des scenarios, ou le choix a été simplement fait de profiter du dossier iranien qui donne des insomnies à l'administration Bush pour envoyer des signaux de solidarité et de réconciliation avec la Maison-Blanche. L'opération séduction et rabibochage avec les Américains avait déjà touché d'autres sujets comme l'Irak, la Turquie ou le rapport à l'OTAN. Ce qui a fait dire à des spécialistes de la question qu' «Il y a une inflexion sur le fond et sur la forme qui met la France davantage en phase avec la politique américaine». En tout cas, cette démarche détonne avec l'approche modérée et prudente que l'ancien couple dirigeant de l'exécutif français Jacques Chirac et Dominique de Villepin avait érigée en style de gouvernement. D'ailleurs l'ancien Premier ministre français, englué dans l'affaire Clearstream, n'a pas manqué de faire la leçon à son éternel rival Nicolas Sarkozy :«Je crois qu'il faut éviter dans cette période de donner de mauvais signaux à l'administration Bush. Elle n'a pas besoin de nous pour être encouragée plus avant vers la guerre». Un autre tireur embusqué, François Bayrou le leader centriste, a dégainé «La politique de Nicolas Sarkozy est un tournant sans précédent qui va faire que la France abandonne la vocation d'équilibre qui était la sienne, la possibilité de parler avec tout le monde, pour s'aligner sur les plus durs des plus durs de l'administration américaine». Pour sa part, le premier secrétaire du Parti Socialiste François Hollande a estimé «qu'un débat au Parlement s'impose. Il faut que tout soit mis sur la table». Cette offensive française et son ton qualifié de martial n'ont pas plu à tout le monde. D'abord à Vienne où , le directeur général de l'AIEA, Mohamed ElBaradei, chargé de contrôler le programme nucléaire iranien, a laissé percer son agacement et son refus de cette logique guerrière :«Nous avons affaire à un dossier très lié à la paix, à la sécurité et à la stabilité régionale au Proche-Orient et c'est pourquoi je demanderai à tout le monde de ne pas se laisser emporter jusqu'à ce que nous soyons parvenus au bout de la procédure». Ensuite à Téhéran où Ahmadinejad a dit ne pas prendre «au sérieux» les déclarations de Bernard Kouchner, un éditorial de l'agence officielle IRNA a reproché au «nouveau locataire de l'Elysée (de vouloir) aujourd'hui copier la Maison-Blanche (…) cet Européen s'est mis dans la peau des Américains et imite leurs hurlements». La Chine est sortie de son silence pour s'opposer à «ces menaces incessantes d'interventions militaires» que la Russie qualifie «d'erreur politique aux conséquences catastrophiques».