La mue atlantiste de Nicolas Sarkozy ne s'est pas faite en un jour. Depuis son accession à l'Elysée, de nombreuses déclarations et prises de position ont dessiné la nouvelle approche française de cette question. Il paraît déjà acquis dans les esprits que Nicolas Sarkozy sera la vraie star du somment de l'Otan qui se tient à partir d'aujourd'hui à Bucarest. Et ce, pour plusieurs raisons. La première est que la France est l'un des rares pays qui s'apprête à dévoiler sa décision majeure d'envoyer des troupes supplémentaires, le chiffre de 1000 hommes est régulièrement évoqué, en Afghanistan pour empêcher le retour des Talibans et d'Al Qaïda au pouvoir à Kaboul. La seconde est que la France de Nicolas Sarkozy amorce un virage vers sa réintégration des structures de l'Otan après l'avoir quittée sous le Général De Gaulle en 1966 et observé une distance politique et militaire réglementaire sous François Mitterrand et Jacques Chirac. Ses deux raisons sont si intrinsèquement imbriquées que le débat parlementaire sur l'envoi de militaires français en Afghanistan cache en réalité le vrai débat qui n'a pas encore eu lieu et qui interroge les tentatives de rapprochement de Nicolas Sarkozy avec l'Organisation de l'alliance atlantique. Il faut dire que les approches françaises en direction de l'Otan ne sont pas réellement nouvelles. Lors de sa tentative de se rapprocher de l'Otan en 1995, Jacques Chirac avait posé deux conditions vite balayées par l'Administration américaine. La première est que le commandement de l'Otan basé à Naples soit confié à un officier européen, le seconde est la volonté de Jacques Chirac de créer une « défense européenne autonome ». Deux préalables qui avait rendu impossible tout dialogue entre Paris et Washington. La mue atlantiste de Nicolas Sarkozy ne s'est pas faite en un jour. Depuis son accession à l'Elysée, de nombreuses déclarations et prises de position ont dessiné la nouvelle approche française de cette question, à commencer par le vrai travail de réconciliation lancé en direction de Washington pour tenter d'effacer le déchirement des deux pays sur l'Irak. Objectif réussi de Nicolas Sarkozy puisque George Bush, traditionnellement méprisant à l'égard de Paris, ne tarit plus d'éloges sur le président français : «Il n'y a pas de doute, les relations sont en train de changer pour le meilleur et le mérite en revient pour beaucoup au président Sarkozy (…) Je l'aime bien personnellement. C'est un homme intéressant (...) une personne énergique, résolue qui ne cherche pas à créer des divisions dans l'alliance atlantique mais à faire comprendre que non seulement les relations bilatérales sont bonnes mais que l'alliance atlantique est confrontée à des menaces». Pour de nombreux observateurs, la véritable rupture de Nicolas Sarkozy par rapport à Jacques Chirac tourne autour deux points essentiels : l'abandon de la revendication napolitaine et la reformulation d'une Europe de la défense différente de celle imaginée par Jacques Chirac. Nicolas Sarkozy l'avait dit clairement : «Dans notre esprit, l'Europe de la défense n'est pas un substitut à l'Otan». Les américains sont si rassuré sur ce point particuliers qu'ils ne cessent d'apporter leur soutien à la création d'une Politique européenne de sécurité et de défense (PESD). De son côté, Nicolas Sarkozy ne se rapproche pas aveuglément de l'Otan sans formuler quelques critiques. Il laisse parler son ministre de la Défense Hervé Morin qui, dans une tribune publiée le 20 mars dans le journal « La Croix » tourne presque en dérision cette grande machine de l'Otan qui compte «plus de 22.000 personnes employées à plein-temps (pour 66.000 hommes en opérations ), près de 320 comités divers (…) Nous avons besoin d'une Alliance plus réactive et flexible». Si la gauche a déjà dénoncé l'atlantisme forcené de Nicolas Sarkozy, le président de la république court le risque de heurter sa propre famille politique travaillée par un fort courant gaulliste. De nombreuses voix de l'UMP commencent à briser le silence comme le député Jacques Myard qui n'hésite pas à ruer dans les brancards : «Cette décision ( envoyer des soldats en Afghanistan) apparaît à l'évidence comme un alignement atlantiste sur les positions américaines alors même que la politique étrangère de Washington est un échec quasi-total». Une autre voix , celle de Nicolas Dupont-Aignan, gaulliste et souverainiste, président de «Debout la République» se fait plus agressive : «On a affaire à un double reniement», par rapport aux déclarations du candidat Sarkozy annonçant qu'il «poursuivrait» le rapatriement des forces françaises d'Afghanistan, et par rapport à la «diplomatie pluriséculaire de la France traditionnellement réfractaire aux logiques de blocs impérialistes».