Il est rare qu'un chantier initié par les pouvoirs publics soit effectué dans les délais impartis, c'est un vrai problème d'efficience qui génère des surcoûts directs ou indirects. Casablanca du temps de Slimani avait sa spécialité. Des chantiers pharaoniques qui constituaient de vrais gouffres sans voir le jour. De mémoire, comme ça, on peut citer le stade Philippe, qui ne sert plus qu'à abriter quelques SDF et dont la réfection a coûté 13 milliards de centimes. Aujourd'hui, c'est une installation sportive en moins, sans que nul responsable ne soit inquiété, même pas le Bureau d'études, qui a suivi les travaux qui ont abouti à cette catastrophe. Un peu plus loin, aux Roches-Noires, c'est un théâtre qui a englouti une dizaine de milliards. Les entreprises ont été payées, sans que les travaux soient achevés, un directeur est nommé depuis longtemps, l'édifice est debout et bizarrerie, les fauteuils sont là, ils ont coûté 4 millions de dirhams et sont transformés en gruyère par les rats. Selon un architecte, les travaux n'ont été effectués qu'à hauteur de 50% ; selon la comptabilité, ils le sont à hauteur de 80%. L'argent n'est pas perdu pour tout le monde, mais ce n'est pas demain que ce théâtre ouvrira, et il faudra renouveler les fauteuils. Actuellement, il n'y a pas de dossiers de ce genre, en tous cas pas sur la place publique, mais les prestataires de services ne brillent pas par leur célérité. Le boulevard d'Anfa est en chantier depuis 6 mois. Elargir la voie et refaire les trottoirs sur un kilomètre ne sont pourtant pas un fait titanesque. Ce boulevard est l'une des artères les plus encombrées de Casablanca, ce qui justifie son élargissement, mais ce chantier, qui s'éternise, cause une gêne énorme à tout l'entourage. Au-delà de ce cas précis, il y a lieu de relever que dès que le donneur d'ordres est une commune ou une administration, les travaux durent beaucoup plus longtemps. Il faut se poser la question du pourquoi, est-ce la faiblesse du contrôle ou est-ce, au contraire, l'aspect tatillon de l'Administration qui cause ce retard ? Certains entrepreneurs mettent en cause les procédures de règlement des décomptes partiels. Selon leur version, les retards de paiement des décomptes causent l'arrêt des chantiers parce que les entreprises ne peuvent pas financer le reste. De manière générale et sur tout le territoire national, il est rare qu'un chantier initié par les pouvoirs publics soit effectué dans les délais impartis, c'est un vrai problème d'efficience qui génère des surcoûts directs ou indirects. Pour revenir aux scandales de Casablanca, il ne s'agit pas simplement de les dénoncer, il faut trouver des solutions pour préserver le patrimoine communautaire. Ainsi, il faut trouver un usage rémunérateur au stade Philippe, qui, malheureusement, ne peut accueillir ni manifestations sportives ni concerts, puisque ses tribunes sont «insécurisées», le seul acquis, c'est le terrain en plein centre de Casablanca qui vaut une fortune. Quant au théâtre, il faut bien évidemment ouvrir une enquête, parce qu'il y a délit. Des fonds publics ont été déboursés sans qu'il ait service en contrepartie. Mais s'arrêter là, c'est accepter la déperdition d'une dizaine de milliards. La rationalité voudrait qu'on établisse un diagnostic et qu'on remette ce chantier en état de marche. Au final, le théâtre coûtera plus que prévu, mais existera. Il est important qu'il existe parce que Casablanca n'a pas de théâtre. Cela n'empêche nullement la justice de faire son travail et de sanctionner les indélicatesses s'il y a lieu. L'attitude actuelle avec des chantiers à l'arrêt depuis des années, livrés aux aléas du climat et à la hargne des casseurs, est irresponsable, parce qu'elle aggrave les pertes pour la collectivité, sans d'ailleurs engager aucune procédure contre les responsables.