Le gouvernement Jettou, qui inscrit son action dans l'urgence des réformes économiques et sociales, sera notamment jugé sur sa capacité à initier et à mener à bien la mise à niveau du tissu économique national. Une vaste entreprise qui suppose un changement radical des mentalités des opérateurs et une mobilisation tous azimuts de toutes les potentialités. Il est plus qu'évident que le gouvernement Jettou se veut un commando économique chargé de s'attaquer aux problèmes de l'investissement, de la mise à niveau et par conséquent du dopage de la croissance. Cette mission lui a été confiée par des instructions Royales claires, précises, prioritaires et délimitées dans le temps et dans l'espace. Le discours de SM le Roi à l'ouverture du nouveau mandat parlementaire en a fixé les orientations, les objectifs et les échéances. La déclaration gouvernementale prononcée par le Premier ministre, Driss Jettou, devant le Parlement est venue corroborer la prédominance de la mise à niveau de l'économie nationale. D'ailleurs dans l'organigramme du gouvernement, on recense au moins treize ministères dont les prérogatives sont liées directement au développement économique. Soit exactement le tiers du cabinet Jettou qui est lui-même un homme d'affaires et un opérateur économique issu de la famille patronale. C'est dire que toute la politique gouvernementale sera centrée sur les chantiers économiques qu'ils soient structurels, fonctionnels, juridiques ou institutionnels. L'objectif étant de permettre le décollage de l'économie nationale sur une piste balisée qui puisse générer la croissance et par conséquent la création d'emplois et la promotion sociale des citoyens les plus défavorisés. Mais tout cet arsenal ne peut être réalisé sans une politique de restructuration radicale des instruments de notre économie qui tarde à prendre le train de la mondialisation, de la libéralisation et du démantèlement douanier. Les échéances de ces ouvertures ne pardonnent pas et c'est à juste raison que le ministère délégué chargé des affaires économiques et de la mise à niveau a été crée. Ce n'est pas par hasard, aussi, qu'on a installé à sa tête un homme de la trempe d'Abderrazak ElMossadeq. Un homme qui s'est distingué dans les différents postes qu'il a occupés par sa compétence, sa rigueur, son professionnalisme et un grand esprit de communication. Il rencontre d'ailleurs aujourd'hui des journalistes pour leur expliquer la politique qu'il compte mener dans son département où la mise à niveau est le maître mot. Ce qui est tout à fait logique quand on sait que notre économie a pris un grand retard à ce niveau qui lui a causé beaucoup de préjudices. La tache d'El Mossadeq sera longue et difficile quand on sait que la mise à niveau comptable a buté sur un échec malgré les mesures incitatives de l'Etat. L'amnistie fiscale, l'annulation des charges sociales patronales, la suppression des amendes cumulées, la création du comité d'éthique à la CGEM n'ont pas suffi à la plupart des entreprises de redresser la barre d'une gestion hasardeuse. De l'aveu même du patronat, à part quelques entreprises, les mêmes pratiques malsaines et frauduleuses continuent à caractériser les comptes comptables. Aujourd'hui la mise à niveau ne concerne pas seulement la gestion comptable, mais elle est axée aussi et surtout sur la modernisation de la machine de production, la formation des ouvriers qualifiés et la promotion d'un marketing plus agressif en matière d'exportation. Or il s'est avéré depuis longtemps que les chefs d'entreprise rechignent à investir dans la rénovation de leurs machines qu'ils continuent à user très longtemps après leur amortissement. Pourtant ils savent mieux que d'autres que la vétusté de l'outil de production influe directement sur la qualité du produit fabriqué. Ce faisant la société devient de moins en moins compétitive, voire dans certains cas, cette carence engendre des risques pour la sécurité de l'immobilier et du personnel. Le drame de la raffinerie la SAMIR est un cas édifiant de ce que peut advenir d'une entreprise quand elle néglige la mise à niveau de son outil de production. Il est vrai que tout gestionnaire cherche la rentabilité, mais il est tout aussi évident que la recherche du profit ne peut se faire au détriment de la sécurité de l'entreprise, de son personnel et de son environnement. D'autant plus que l'Etat a consenti beaucoup d'efforts financiers dans l'octroi des mesures incitatives aux opérateurs économiques pour l'investissement et le réinvestissement. Il est évident que ces encouragements restent en déca des doléances du patronat notamment en matière fiscale et législative qui affectent réellement leur compétitivité. Mais il faut reconnaître aussi que la CGEM ne peut obliger ses adhérents aux exigences d'une mise à niveau radicale et durable. Pour relancer l'économie nationale, il est nécessaire que tout le monde y contribue depuis les chefs d'entreprises en passant par l'Etat et les partenaires sociaux. Les pouvoirs publics doivent accompagner le patronat dans la mise à niveau des secteurs vitaux de l'économie nationale. Il est aberrant, par exemple, que le code du travail et la loi organique relative au droit de grève soient bloqués aussi longtemps dans le Parlement pour des divergences bénignes. L'Etat doit, comme le réclame le patronat depuis des lustres, procéder à la réforme de la fiscalité marocaine dont le volume est supérieur à celui des pays concurrents du Maroc. Voire tout le monde s'accorde à dire que l'assiette fiscale marocaine compte parmi les plus lourdes du monde. Un surcoût qui augmente le prix de revient des produits marocains et influe directement sur la compétitivité des entreprises sur le marché international. Les pouvoirs publics doivent aussi opérer une mise à niveau qu'on oublie souvent qui est celle de la main d'œuvre qualifiée par une réforme qualitative de la formation professionnelle. C'est dire que les chantiers à ouvrir sont énormes mais pas infranchissables à condition que tout le monde s'y attelle en respectant le cahier de charges de la mise à niveau.