Ce dimanche, Jacques Chirac entame une visite de quatre jours en Algérie pour renforcer des liens bilatéraux affaiblis ces dernières années. Précieuse pour Alger, cette « refondation » politico-économique est aussi cruciale pour Paris. La première visite du dirigeant français, en novembre 2001, avait été très symbolique puisqu'elle était intervenue au moment des meurtrières inondations (700 morts) dans la région d'Alger. Très court – six heures – ce geste présidentiel, le premier depuis François Mitterrand en 1989, avait été perçu comme un signe fort des retrouvailles franco-algériennes. Axée sur la solidarité à l'égard des sinistrés, notamment ceux de Bab el Oued, elle était intervenue dans un contexte de détente bilatérale amorcée par la venue, en juin 2000, du président algérien en France. Entre ce signe de « normalisation » - qui s'est traduit par l'idée d'organiser l'Année de l'Algérie en France en 2003 - et la visite de Jacques Chirac dimanche, beaucoup de va-et-vient diplomatiques ont d'ailleurs eu lieu. En juillet 1999, le chef de la diplomatie française d'alors, le socialiste Hubert Védrine, avait qualifié sa venue à Alger d'« extrêmement cordiale ». Celle-ci avait été suivie par la visite en février 2000 de 120 chefs d'entreprises emmenés par le MEDEF. En décembre dernier, le ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin s'était aussi rendu dans la capitale algérienne. A la mi-janvier, le Premier ministre, Ali Benflis avait été reçu par son homologue Jean-Pierre Raffarin à Paris. On avait alors insisté sur la «relance», la «refondation» des rapports bilatéraux. Enfin, il y a eu cette visite de travail de M. Bouteflika le mois dernier. L'Elysée avait alors expliqué que les discussions étaient destinées à «fixer le cadre » du séjour de M. Chirac. Depuis quand, un président se déplace chez un autre pour « préparer » sa venue ?, s'était indignée la presse algérienne. A l'issue de leur entrevue, les deux dirigeants avaient réaffirmé leur souhait d'établir des relations «confiantes et amicales» après plusieurs années de rupture et d'éloignement. Cette prise de distance de la France qui est tout de même restée le premier partenaire économique de l'Algérie s'était faite au profit de Madrid et de Washington. C'est pour cela, commentait récemment “Libération”, que «construire une relation nouvelle» avec Alger s'inscrit dans un cadre plus large des rapports de Paris avec la région du Maghreb. Toujours d'après le quotidien français, un «geste d'ouverture» d'Abdelaziz Bouteflika concernant la question du Sahara est même espéré du côté de l'Elysée… Dans une interview accordée jeudi au journal algérien “La Tribune”, le chef de la diplomatie, Abdelaziz Belkhadem, soulignait, quant à lui, que l'heure était désormais à «la construction d'un partenariat stratégique qui se distingue de tout autre par la densité de la relation, humaine et culturelle, par des affinités multiples entre les deux peuples». Selon le ministre algérien des Affaires étrangères, son pays a même «renoué avec la sécurité et la stabilité» et il est donc «dans l'ordre des choses que les opérateurs économiques revoient leurs calculs» pour investir en Algérie. «La qualité, la densité, la fécondité de la relation algéro-française sont des facteurs déterminants pour la construction d'une zone de coopération de sécurité et de prospérité partagées (en Méditerranée), au bénéfice des deux pays et des ensembles auxquels ils appartiennent», concluait M. Belkhadem. Les deux capitales ont en effet montré qu'elles souhaitaient dépasser le temps des tensions et des malentendus. En 2001, la France a lancé le débat sur son passé colonial et la «guerre d'Algérie» est venue remplacer les «événements». Un travail de mémoire qui a ses revers. Les autorités se sont récemment abstenues de commenter l'affaire du groupe algérien Khalifa, largement relayée par les médias, tout comme le documentaire (sur Canal +) réouvrant le dossier des attentats islamistes de Paris en 1995, et la mise en cause des pouvoirs civil et militaire algériens. Mais l'heure n'est plus aux reproches. Alger attend de son ex-puissance coloniale qu'elle investisse. A la conversion de sa dette en investissements, le pays – qui compte pas moins de trois millions de chômeurs , souhaite attirer les entreprises mais aussi - pourquoi pas – que l'embargo sur les armes soit levé par la France. Abdelaziz Bouteflika l'a souvent répété : toute l'économie nationale, y compris le secteur pétrolier, est ouverte aux investisseurs étrangers. M. Chirac arrivera d'ailleurs dimanche, au lendemain de deux jours de grève générale largement suivie et axée sur la dénonciation de la privatisation à outrance et de la faiblesses des revenus. Il sera aussi certainement interpellé sur la question des visas, celle des 7.000 disparus depuis les violences de 1992 soulevée par Human Right Watch jeudi. Les délégués du mouvement kabyle ont quant à eux prévu de manifester dimanche dans la capitale et de protester contre le «soutien» de la France à «un Pouvoir algérien mafieux et assassin». Qu'apportera «Noël Chirac» dans sa hotte dimanche? Le Matin prédisait déjà, jeudi, qu'«au réveil, (les Algériens) ne trouveront au pied du sapin ni visas, ni argent, ni Airbus, ni Zidane»…