L'ex SG adjoint de l'ONU, Julian Harston à propos du Sahara marocain : «La souveraineté du Maroc est légitime et incontestable»    Création à Madrid de l'Association des étudiants marocains en Espagne    COP29 : La JBIC soutient les efforts du Maroc en matière de neutralité carbone    OCP Nutricrops et QatarEnergy signent un partenariat d'approvisionnement en soufre    L'Office des Changes et la CGEM s'allient pour la mise en place d'un cadre formalisé d'échange et de coopération    Revue de presse de ce vendredi 15 novembre 2024    Transition énergétique. La RDC concrétise sa vision    Inondations en Espagne : Le Maroc mobilise un dispositif logistique significatif    Trump désigne Doug Burgum ministre de l'Intérieur    Baisse inédite des naissances en France depuis la fin du baby-boom    Le Sénégal renforce ses infrastructures sportives    Regragui: Le match contre le Gabon sera une confrontation "très ouverte et offensive"    Le diabète, une urgence sanitaire et économique au Maroc    Restauration du couvert forestier. Une priorité ivoirienne    L'Association internationale de la mutualité (AIM) intègre officiellement la Fondation Mohammed VI des sciences et de la santé comme membre partenaire    Températures prévues pour le samedi 16 novembre 2024    Le festival Visa For Music revient pour une 11ème édition à Rabat    Oscars 2025 : "Everybody Loves Touda" de Nabil Ayouch éligible à toutes les catégories    Edito. Quinze ans, passionnément !    UNAF U17. Maroc 24 / J2: Jeudi, c'était sans les Lionceaux    LDC (F) Maroc 24: L'AS FAR vise la tête du groupe en fin d'après-midi !    Gabon-Maroc : à quelle heure et sur quelle chaîne suivre le match ?    Mike Tyson vs Jake Paul : à quelle heure et sur quelle chaîne voir le combat en direct ?    La chambre des représentants adopte à la majorité la première partie du PLF 2025    644 cyberattaques signalées au Maroc en 2024, déclare Abdellatif Loudiyi    La visite d'un responsable iranien au Maroc : Est-ce un pas vers l'ouverture des négociations pour la réconciliation des relations entre les deux pays ?    Rabat-Salé-Kénitra : Le CRI commande une étude sur les chaines de valeur de cinq secteurs    Atlas Lions coach Regragui previews «open and offensive» clash as Morocco faces Gabon    Morocco's Abdelatif Benazzi falls short in World Rugby presidency bid    Maroc : l'opposition appelle le gouvernement à cesser ses attaques contre les institutions de gouvernance    Le Franco-marocain Abdelatif Benazzi rate de justesse la présidence de World Rugby    Football. Gabon-Maroc / Jour de match : Horaire ? Chaîne ?    FIFM : Tim Burton, Sean Penn... casting de choc pour les 'Conversations'    Premier roman de Mustapha Zem, «Les pas perdus» sort en édition marocaine    Bank of Africa UK : 300 millions de dollars levés pour Africa Finance Corporation    Morocco : Tax breaks for military industry development    Les prévisions du vendredi 15 novembre    Russie : Une île de l'Arctique rayée de la carte à cause du changement climatique    Le Conseil de gouvernement adopte un projet de loi relatif au code du médicament et de la pharmacie    Devant les députés, Nadia Fettah défend les dimensions essentielles du PLF 2025    Le Polisario a commémoré, en catimini, sa «guerre» contre les FAR    Maroc-Japon : un roadshow à Tokyo pour attirer les investissements    Des prestations variées et attractives    Etats-Unis : Marco Rubio, un proche du Maroc, prendra les commandes de la diplomatie    Oscars : «Everybody loves Touda» qualifié dans toutes les catégories, une première pour le Maroc    Le parti de Donald Trump s'assure la Trifecta    Marco Rubio : un faucon anti-algérien à la tête de la diplomatie américaine    Fondation & Galerie Banque Populaire 3e édition : Quand l'art s'invite en résidence    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



France : Les démons de l'islamisme (35)
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 13 - 01 - 2005

Deux journalistes français, Christophe Deloire et Christophe Dubois viennent de publier, chez Albin Michel, un livre intitulé «Les islamistes sont déjà là» et qu'ils présentent comme «une enquête sur une guerre secrète». L'ouvrage vaut la peine d'être lu ne serait-ce que pour les notes des «services» qui semblent avoir fortement «inspiré» les deux co-auteurs. Nous en publions les bonnes feuilles, chapitre par chapitre.
Les Français négocient le pactole en Arabie
Riyad, 6 octobre 2003
Les conseillers de Nicolas Sarkozy sont des gens bien élevés, sachant garder leur sang-froid en toutes circonstances. Ils ne sont pas du genre à trop extérioriser leurs sentiments. Mais lorsqu'ils apprennent que leur ministre doit renoncer à un voyage officiel en Arabie saoudite, prévu les 6 et 7 octobre 2003, ils tiquent et le rictus se lit plusieurs jours sur leurs visages. Pourquoi tant d'amertume?
Officiellement, le patron de la place Beauvau souhaitait se rendre dans le désert du Nedj pour évoquer des questions de sécurité. Dans le pays d'origine de quinze des dix-neuf pirates de l'air du 11 septembre 2001, l'idée n'a rien d'absurde. Sauf que le grand ordonnateur de l'Islam de France escompte surtout signer à Riyad un bout de papier pouvant rapporter gros, à savoir la première tranche d'un contrat portant sur la pretection des frontières du royaume, baptisé du nom de code «Miksa». Le montant fait rêver : près de 7 milliards d'euros. Ce serait tout bénéfice pour la société Thalès, chef de file de l'opération, et pour Sarkozy, qui reviendrait à Paris en pourvoyeur d'emplois. Las! Son homologue saoudien, le prince Nayef, se fait porter pâle, soi-disant retenu en Suisse par des examens médicaux. Cette affaire, longtemps secrète, est révélatrice de l'ambiguïté des relations qu'entretient la France avec le pays soupçonné de financer le terrorisme international.
Ce grand contrat a, d'ailleurs déjà fait de nombreux rebondissements. Coutumier du fait, Nayef n'en est pas à sa première annulation. Cette fois, la visite est reportée sine die. Du côté de Sarkozy, l'on se demande s'il ne faut pas y voir une manœuvre en douce de l'ennemi intérieur : Chirac! D'autant que les Saoudiens réclament maintenant la signature d'un contrat «d'État à État». Une seule structure en France a la compétence pour en signer, la Sofresa, une société proche du ministère de la Défense. Voilà donc que le cabinet de Michèle Alliot-Marie remet la main sur un dossier qui lui échappait.L'Élysée envoie à Riyad le conseiller diplomatique du président en personne, pour «faire passer des messages». De son côté, Sarkozy, qui ne s'avoue pas vaincu, missionne dans le plus grand secert son propre directeur de cabinet, Claude Guéant, et même son conseiller politique, Brice Hortefeux. Les deux hommes effectuent un voyage très discret dans le désert saoudien. Très discret, car c'est dans le pays natal de Ben Laden que s'est developpée, malgré des discours officiels amicaux, l'offensive contre l'Occident. Et même d'un certain point de vue contre la France, à la fois choyée en grands contrats mais aussi en militants subventionnés.
L'intellectuel musulman Tariq Ramadan a beau jeu d'ironiser. En novembre 2003, lors d'un débat télévisé sur France 2, Nicolas Sarkozy s'en est pris vertement à son frère, sur la question de la lapidation. Ramadan se venge quelques jours plus tard dans Libération : «Puisque celui qui défend la lapidation est un «déséquilibré», oserez-vous dire que le roi Fahd d'Arabie Saoudite, qui non seulement la défend mais impose son application, est un «déséquilibré profond»?» Et Ramadan d'ajouter que Sarkozy a un double discours, l'un pour le public français, l'autre avec les dictatures. Comme tant d'autres responsables politiques avant lui, le ministre ne s'attendrit guère, en effet, sur les lapidations, pendaisons, décapitations, amputations dont le royaume est prodigue. Sans parler de la soumission des femmes, voilées de la tête aux pieds sous l'abaya noire, la version locale de la burka. Dans ce pays soumis à la police religieuse des mouttawas, où la vie est régie par une charia archaïque, règne une sorte d'apartheid sexuel. Le rapport 2003 d'Amnesty Internationnal relève d' «importantes violations des droits de l'Homme», exacerbées par le «combat contre le terrorisme» après le 11 septembre 2001. Pas question de fonder un syndicat ou un parti politique en Arabie.
Des balivernes, en comparaisaon des intérêts économiques, assumés ou secrets, publics ou privés. L'intervention du capitaine Barril et de ses deux acolytes, lors des événements de La Mecque à l'automne 1979, débouchera le 14 octobre 1980 sur la signature d'un contrat de 15 milliards de francs, Sawari I. La France doit livrer pêle-mêle deux pétroliers ravitailleurs, quatre frégates et une cinquantaine d'hélicoptères. Sept mois après la conclusion du contrat, le peuple français porte à l'Élysée François Mitterand, qui avait averti durant la campagne que sa première visite d'État serait réservée à Israël. le roi Khaled s'en inquiète. À cet allié des États-Unis, les ministres communistes semblent de mauvais augure. Mais le monarque républicain accueille le monarque tout court à l'Élysée dès le 13 juin 1981. Ce qui dit tout. Et la première visite d'État de François Mitterand a lieu le 8 septembre en Arabie Saoudite. L'idylle entre le pays des droits de l'Homme et celui de la lecture moyenâgeuse du Coran n'a rien de désintéressé. La manne pétrolière constitue une ardente obligation. En janvier 1982, le conseiller de l'Élysée Jacques Attali a beau provoquer un petit incident diplomatique en se demandant s'il ne faudrait pas «supprimer la totalité de ce que nous importons en pétrole (…) des pays dans lesquels un voleur se voit la main coupée», personne ne songe sérieusement à cette éventualité. Une raison de plus pour fermer les yeux survient à l'automne 1982, lorsque l'Arabie saoudite consent un prêt de plusieurs milliards de francs à la France, dont la monnaie est en délicate posture. «L'Arabie assure alors nos fins de mois», confie un ancien diplomate. En 1985, le Premier ministre Laurent Fabius ira jusqu'à célébrer la «très profonde amitié» entre les deux pays. Son successeur Jacques Chirac vante même en 1987 une «grande ambition commune».
L'intervention française durant la guerre du Golfe -l'opération Daguet- conforte l'amitié. La seule anicroche survient lorsque les Saoudiens, invoquant la prohibition de la musique, interdisent un concert du chanteur Eddy Mitchell devant les troupes françaises. Sur la base militaire Prince-Sultan à Al Kharj, l'armée de l'air conservera d'ailleurs une implantation jusqu'en mai 2003. Désargentée pendant quelques années par le coût de Desert Storm, la monarchie pétrolière attend 1994 pour acheter deux frégates furtives F 3000 S, à l'occasion du contrat Sawari II. Il se passe de drôles de choses dans les coulisses des négociations, qui selon les mauvaises langues, donneraient lieu à des financements politiques. Des officines s'agitent en coulisses. Le Premier ministre -et candidat à la présidentielle- Edouard Balladur, son ministre de la Défense François Léotard et le conseiller Renaud Donnedieu de Varbes s'échinent à négocier sans relâche. Un jour, l'un d'eux a rendez-vous avec son homologue, le prince Sultan. Il s'adresse à l'ambassadeur de France, Jean de Bressot : «Monsieur l'ambassadeur, est-il possible que vous n'assistiez pas à l'entretien?» Un autre jour, Bressot apprend par la bande, en l'occurrence par le directeur de cabinet des Affaires étrangères saoudiennes, que le ministre de l'Intérieur Charles Pasqua est venu rendre visite en secret à un prince important dans un endroit reculé, à Dharan. D'une formule énigmatique, l'homme aurait même ajouté : «Il est reparti bien chargé.» Sans doute l'humour saoudien. Quelques mois plus tard, le prince esr reçu en grande pompe à Paris.
Un rapport du service des études historiques de la marine établit en tout cas que «l'élection de Jacques Chirac à la présidence de la République, au printemps 1995, est fraîchement accueillie par les autorités saoudiennes, ouvertement favorables à la candidature d'Edouard Balladur 1». Sur un ton allusif, l'auteur ajoute que des amendements sont alors apportés au coutroit : «Le nouveau chef de l'État français obtient, en particulier, la diminution du montant des «commissions» versées en pareil cas aux «intérmédiaires».» La vérité est dans les guillemets.
Malgré ces économies, Sawari II coûte finalement cher à la Direction des constructions navales : sur un contrat d'un montant initial de 3,15 milliards de francs, la DCN enregistre au final une perte sèche de1,2 milliard. Attributaire d'une autre partie du marché, la société Sofinfra, liée au ministère de la Défense, reçoit en juillet 2003 une curieuse facture de l'un de ses sous-traitants, le Saudi Binladin Group. La société fondée par le père d'Oussama Ben Laden réclame 18 millions d'euros de paiements supplémentaires pour des travaux effectués sur la base navale de Djedda. Réclamation «en majeure partie complètement imaginaire», répond la Sofinfra. Ces désagréments n'empêchent pas les gouvernements français depuis plus d'une décennie de repartir à l'assaut du faramineux contrat Miksa.
Las! En 1999, la brigade des stupéfiants de Paris démantèle un trafic de drogue impliquant un prince saoudien. Du jet privé Gulfstream IV de ce dernier, huit cents kilos de cocaïne ont été débarqués à l'aéroport du Bourget. Les policiers font leur travail, mais cela n'arrange pas les affaires des négociations. Le ministère de l'Intérieur, du temps de Chevènement, aurait envoyé un message aux Saoudiens pour les rassurer. Sa teneur, en substance : «On va arranger le coup.» De la haute diplomate en quelque sorte. En fait, un mandat d'arrêt est délivré contre le prince et l'affaire suit son cours. La précieuse amitié entre la France et l'Arabie est exposée au moindre incident…
1- «La Marine, la France et l'Arabie saoudite : aperçu des relations franco-saoudiennes à travers le prisme naval», par Philippe Lasterle, Service des études historiques, décembre 2003.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.