Deux journalistes français, Christophe Deloire et Christophe Dubois ont publié, chez Albin Michel, un livre intitulé «Les islamistes sont déjà là» et qu'ils présentent comme «une enquête sur une guerre secrète». L'ouvrage vaut la peine d'être lu ne serait-ce que pour les notes des «services» qui semblent avoir fortement «inspiré» les deux co-auteurs. Nous en publions les bonnes feuilles, chapitre par chapitre. L'université du désert forme des Français. Riyad, avril 2004 C'est l'un des lieux les plus mystérieux du royaume saoudien. Située à la périphérie de Riyad, au nord de l'aéroport international, l'université islamique de l'imam Muhammad Ibn Saud abrite la plus vaste institution théologique du royaume. Telle un oasis dans le désert du Nedj, le campus de l'«université des imams», comme on l'appelle communément, est ceint d'une clôture élevée que l'on franchit par des portes monumentales. A l'intérieur, des rues à plusieurs voies séparent d'immenses bâtiments en forme de blocs de béton. Les voitures se garent dans des parkings sous les bâtisses. Les conducteurs prennent l'ascenseur, et les voilà dans les salles de cours. Installée sur un terrain de sept hectares, cette université d'un genre particulier dispose d'un système autonome d'alimentation en eau et électricité, désert oblige. Mais elle est aussi équipée d'un mirador et d'un système de sécurité ultrasophistiqué. Depuis peu, elle fait l'objet d'une attention soutenue des autorités saoudiennes, qui l'ont soupçonnée d'avoir formé les terroristes ayant fait exploser des voitures piégées à Riyad le 12 mai 2003. L'un des principaux chefs, vétéran de l'Afghanistan, y a fait ses études. Un autre activiste a été arrêté en possession d'un pistolet automatique et de munitions cachées dans une camionnette conduite par son frère alors qu'il tentait d'entrer dans l'enceinte de l'université. Les services d'enquête français ont récemment découvert qu'une cinquantaine de nos ressortissants y suivent des «études». La majorité, issus de couples mixtes franco-algériens, vivaient chez leurs parents avant d'effectuer ce voyage intiatique. Les convertis forment un tiers des effectifs. Tout est prrévu : les célibataires étrangers sont mariés à des épouses choisies par la direction de l'école dans la liste fournie par des oulémas basés à l'étranger. Originaires pour l'essentiel des régions parisienne et lyonnaise, ces Français, âgés de moins de trente ans en règle générale, sont placés sous l'autorité directe d'un professeur d'origine saoudienne né à Nanterre. Ancien élève de l'université, cet ex-ingénieur en télécommunication, autrefois employé par France Télécom, ne fait pas que dispenser des cours. Il est chargé de la «surveillance et contre-surveillance» des étudiants français. En clair, cette attribution consiste à détecter toute intrusion d'une taupe occidentale qui voudrait en savoir plus sur les activités réelles de l'établissement. Le cursus suivi par les jeunes Français dans cette université vise à former les oulémas, les savants de la loi de Dieu. La formation, très sélective, est prévue pour durer six ans. Un véritable baptême du feu intégriste. Le premier cycle de deux ans consiste en un apprentissage rigoureux du Coran : «Les élèves doivent être capables de le réciter intégralement, explique un diplomate français. Sinon, ils ne sont pas admis en troisième année.» Pour ceux qui ne maîtrisent pas parfaitement l'arabe, une première année est consacrée exclusivement à des cours de langue. Isolés du monde extérieur, les apprentis ne peuvent redoubler cette année-là qu'une seule fois. Passé ce premier cap, les deux années suivantes sont consacrées à l'interprétation du Coran. Seule une moitié des élèves réussit à endurer ce «lavage de cerveau» islamiste. Les deux dernières années sont destinées à familiariser les étudiants à l'«encadrement» des plus jeunes. Les futurs imams se concentrent sur les prêches, les conversions et la réislamisation des musulmans modérés. Un diplomate français, qui a eu l'occasion de visiter la bibliothèque de l'université, certifie que les livres en français sont souvent du même acabit que les Protocoles des sages de Sion. Environ mille quatre cents étudiants, représentant vingt nationalités, sont ainsi pris en main dans les murs de cet enclos wahhabite. L'université forme égalemnt la police religieuse saoudienne, les fameux mouttawas, gardes-chiourmes de la «commanderie pour la promotion de la vertu et l'éradication du vice» Après la première prière du vendredi matin, les décapitations, amputations et autres flagellations sont effectuées devant leur siège. Selon certaines sources, il existerait à l'université des imams une enclave sous forme de centre paramilitaire, à l'abri de grillages infranchissables. Un véritable État dans l'État, où ni les forces de police ni l'armée saoudienne ne pourraient entrer. «Si Oussama Ben Laden était caché à l'intérieur, personne ne le saurait!» affirme sérieusement un enquêteur. Une machine à fabriquer des «fous de Dieu»? «Les stagiaires ont vocation à devenir des clones de Mohamed Atta, le chef des commandos suicides du 11 septembre 2001», assure sans ciller un expert français. Selon une source proche des services de renseignement, les étudiants recrutés en Afghanistan ou en Tchétchénie reçoivent des cours sur les techniques de guérilla, les sports de combat, le maniement des armes et des explosifs. Cette spécialisation serait notamment assurée dans l'une des annexes de l'université des imams, située à Burayda, en plein désert, à cent vingt kilomètres de Riyad. Ensuite, les «diplômés» sont renvoyés dans leur pays d'origine pour «répandre la bonne parole». Cela dit; cette thèse ne fait pas l'unanimité dans les services secrets français. Ses contestataires ne voient pas comment la monarchie saoudienne, que Ben Laden tente par tous les moyens de mettre à terre, serait encline à laisser libre cours à des entreprises terroristes. Un débat de l'ombre fait rage. Mais il est un point sur lequel tout le monde est d'accord : le financement de l'institution est assuré par l'État de l'Arabie saoudite, mais aussi par des fondations dans le collimateur des États-Unis, comme l'International Islamic Relief Organisation et Al Haramain, soupçonnés, malgré leurs dénégations, de financer le terrorisme international. Des donnateurs privés, saoudiens, égyptiens ou pakistanais, assurent également un flot continuel d'argent frais. Pour acheter leur place au paradis d'Allah?