Bruxelles avait averti, le 26 mars dernier, dans un contexte de tensions géopolitiques et de vulnérabilité technologique grandissante. Le même jour, la Commission européenne publiait un rapport alarmant : l'Europe devait se préparer à affronter des crises majeures. Un mois plus tard, la pire panne électrique de l'histoire récente frappe l'Espagne et le Portugal, plongeant des millions de citoyens dans l'obscurité et semant le chaos dans les transports, les banques et les réseaux de communication. Dans ce document de 18 pages intitulé « Stratégie de l'Union pour la préparation » ("Preparedness Union Strategy"), l'UE formulait pas moins de 30 recommandations concrètes, invitant les Etats membres à renforcer leur résilience face aux catastrophes naturelles, aux cyberattaques, aux accidents industriels et aux conflits militaires. Parmi ces préconisations, une mesure a particulièrement retenu l'attention : la constitution, par chaque citoyen, d'un kit de survie capable de garantir son autonomie pendant soixante-douze heures. Dévoilé par la commissaire européenne Hadja Lahbib, ce « kit de survie » comprend une dizaine d'éléments jugés essentiels pour faire face aux situations d'urgence : bouteilles d'eau, lampes torches, allumettes, batteries de secours, trousse de premiers soins, radio à piles et rations alimentaires. Une initiative qui, à l'époque, avait pu sembler excessive à certains, mais qui, à la lumière des récents événements, s'impose désormais comme une précaution élémentaire. Partagée massivement sur les réseaux sociaux et dans les forums citoyens, cette consigne de préparation résonnait avec l'inquiétude grandissante d'une partie de la population. « Suis-je la seule à stresser du contexte actuel ? Certaines d'entre vous ont-elles déjà préparé un sac en mode prêt à partir ? », s'interrogeait ainsi une mère de famille parisienne sur un groupe Facebook consacré à la parentalité, illustrant une angoisse latente désormais ravivée par la réalité. Lire aussi : Blackout en Espagne: L'électricité rétablie à « plus de 99% » Une panne sans précédent aux conséquences dramatiques Ce lundi, la péninsule ibérique a vécu un épisode sans précédent. Une vaste panne d'électricité, d'une ampleur historique, a paralysé l'Espagne et le Portugal, affectant massivement les infrastructures stratégiques. Les transports en commun ont été suspendus, les banques ont vu leurs réseaux informatiques interrompus, et les communications mobiles ont été partiellement coupées. Les hôpitaux ont dû activer leurs générateurs d'urgence pour maintenir leurs services critiques. Les dégâts économiques et sociaux sont considérables. Au-delà de la désorganisation immédiate, les analystes s'inquiètent d'un effet domino sur l'activité économique et d'une perte de confiance dans la fiabilité des infrastructures européennes. Cet épisode illustre de manière éclatante la vulnérabilité d'une Europe hyperconnectée mais insuffisamment protégée. La dépendance croissante aux réseaux électriques et numériques expose les sociétés modernes à des risques systémiques que la globalisation technologique a souvent sous-estimés. Face à cette situation, la Commission européenne avait déjà tiré la sonnette d'alarme : non seulement en recommandant aux citoyens de se doter de ressources personnelles pour survivre aux premières 72 heures d'une crise, mais également en exhortant les Etats membres à accroître leurs stocks stratégiques, à renforcer la coopération entre civils et militaires et à anticiper des scénarios multiples de défaillance. Parmi les 30 mesures proposées par l'UE figurent la diversification des sources énergétiques, le développement d'infrastructures critiques résilientes, l'amélioration de la cybersécurité des réseaux électriques et des plans de secours pour les services publics. Il était aussi question d'élaborer des campagnes de sensibilisation à destination des citoyens, pour qu'ils puissent réagir efficacement face à une crise. La panne géante survenue en Espagne et au Portugal, amplifiée par un effet de réseau, montre à quel point ces initiatives ne relèvent plus de l'anticipation théorique mais d'une urgence concrète. Bruxelles appelle désormais à une mise en œuvre accélérée de ces dispositifs de résilience pour éviter que de telles situations ne se reproduisent à une échelle encore plus large. Alors que la péninsule ibérique s'efforce de rétablir la normalité, le débat est relancé au sein des institutions européennes : faut-il renforcer l'autonomie stratégique de l'Europe dans des secteurs critiques comme l'énergie, les communications et les infrastructures ? La panne historique de ce début de semaine agit comme un électrochoc, révélant la nécessité vitale de ne plus laisser la sécurité des citoyens européens dépendre de chaînes d'interconnexion fragiles et peu sécurisées. Pour beaucoup, ce qui pouvait encore paraître alarmiste il y a quelques semaines devient désormais une priorité stratégique. La question n'est plus de savoir si une autre crise surviendra, mais quand — et surtout, si l'Europe sera prête à y faire face.