La manifestation des diplômés-chômeurs, dont certains ont récemment menacé de s'immoler par le feu à Rabat, avant d'être dispersée violemment par les forces de l'ordre, souligne un début de radicalisation du mouvement. La manifestation des diplômés-chômeurs, dont certains ont récemment menacé de s'immoler par le feu à Rabat, avant d'être dispersée violemment par les forces de l'ordre, souligne un début de radicalisation du mouvement. Une radicalisation proportionnelle au désespoir de ceux qui n'ont eu de cesse de réclamer vainement une situation professionnelle. Encadrés pour certains par l'Association nationale marocaine des diplômés-chômeurs, que demandent les intéressés ? Un poste dans la fonction publique au nom de la sécurité de l'emploi sur laquelle ils ont fait presque une fixation maladive. La complexité du problème vient justement de là. Or, l'Administration marocaine, c'est connu, croule sous le sureffectif si bien qu'elle a besoin non pas de recrutements supplémentaires mais d'une opération de dégraissage de fond. Les pouvoirs publics n'ont jamais tenu ce langage de vérité aux diplômés-chômeurs. Il importait de leur dire de manière claire et ferme que l'Etat-providence était fini et qu'ils n'ont de choix autre que de s'orienter vers le privé quitte à s'inscrire dans de nouvelles filières de formation à fort potentiel d'emploi. Au lieu de cela, les gouvernements qui se sont succédé au Maroc depuis le début des années 90 ont favorisé, souvent par manque de courage politique, le pourrissement progressif de la situation au gré de fausses promesses. Certains partis politiques comme l'USFP et les principaux syndicats dans ce pays ont utilisé l'affaire des diplômés chômeurs dans une surenchère politicienne et populiste destinée plus à gêner le gouvernement qu'à aider à trouver une solution sérieuse au problème. Contre toute logique économique, certains diplômés ont été casés par petits groupes sous la pression des sit-in et des petits calculs dans différentes administrations déjà surpeuplées. Mais le plus grand nombre, dont les rangs grossissent au fil des années, attendent toujours, entre désespoir et colère, un geste des gouvernants. Une autre catégorie de chômeurs a fait son entrée sur la scène, “les porteurs de lettres royales“ recommandés pour être embauchés. Rien n'est pire que de ne pas trancher. Dans le cas de ces sans-emploi, les pouvoirs publics continuent à hésiter sur la conduite à tenir face à ceux qui croient dur comme fer que l'embauche dans le circuit de l'Etat est un droit. Ce qui s'est passé à Rabat ces derniers jours est inquiétant. Cela montre que les diplômés-chômeurs en sont arrivés à un tel degré de détresse nourrie certainement par des promesses non tenues et qu'ils sont prêts à tout y compris de se suicider sur la voie publique pour obtenir un emploi dans le public. Cette affaire doit pousser les responsables à prendre le problème à bras-le-corps dans une démarche sérieuse au lieu de le sous-traiter à un niveau subalterne. Les diplômés-chômeurs sont pour la plupart des diplômés en physique-chimie, biologie-géologie et sciences humaines. Le paradoxe c'est que ces filières universitaires en crise continuent de plus belle à sortir des lauréats dont le destin est de grossir la cohorte de leurs camarades.