Les scènes d'agents d'autorité en train de pourchasser les colporteurs et autres «ferrachas» sont devenues anodines dans chaque coin de nos villes. Le phénomène a pris des ampleurs disproportionnées. Fait de société ou preuve d'un laisser-aller aux retombées juteuses pour certains. La réponse est facile à trouver mais pas commode à appliquer sans dommages collatéraux. Une réalité économique qui porte un coup de massue aux recettes fiscales et municipales. Les petits commerces saisonniers ou provisoires ne contribuent en rien au développement ou à l'essor économique d'une ville. C'est ce que décrient souvent les Chambres de commerce et d'industrie qui militent pour un commerce équitable, bénéfique aux commerçants et l'Etat. Or, la donne est faussée avec les marchands ambulants qui ne s'acquittent d'aucune charge fiscale, qui cassent les prix et qui faussent la concurrence loyale. Ceci dit, la médaille dans ce cas précis semble avoir plusieurs revers. C'est un phénomène qui nuit considérablement à la dynamique convoitée par la mise à niveau urbanistique des villes. Cela est dû aussi à l'irresponsabilité de certains fonctionnaires ou élus locaux. Certains conseillers municipaux pour des fins purement électorales ou monnayant des dirhams sous table délivraient des autorisations provisoires pour l'exploitation du domaine public. La loi, ayant interdit ces autorisations depuis 2007 pour réorganiser le commerce interne des villes, s'est trouvée biaisée par sa propre décision. D'un côté, les revenus municipaux provenant de ces autorisations ont cessé d'alimenter les recettes urbaines et de l'autre le nombre des colporteurs s'est multiplié. A la même enseigne, le personnel de la police communale administrative s'est trouvé sans moyens suffisants pour contrecarrer un phénomène aux multiples considérations. Le plus inquiétant c'est que la culture de l'ambulant est devenue par les forces des choses un fait de société, ancrée dans nos comportements et justifiée : «Elle contribue à l'absorption du chômage», avance-t-on par ailleurs. «Comment voulez-vous que je subvienne aux attentes de ma famille si je n'exerce pas ce commerce ? En plus je ne fais de mal à personne», rétorque Ahmed B, un colporteur. D'où la difficulté d'éradiquer le phénomène par une simple décision municipale ou ministérielle. Sans effort pédagogique, de sensibilisation permanente, sans suivi quotidien avec propositions d'alternatives et surtout sans coordination réelle entre les différents départements concernés par la lutte contre le chômage et la lutte contre l'anarchie urbaine engendrée par ces marchands, le fléau persistera. À Oujda, par exemple, le service de la police communale administrative compte 12 fonctionnaires pour traquer des dizaines de milliers de «ferrachas» ou marchands ambulants. «Mission impossible», précise-t-on auprès de ce service car à maintes reprises ces agents ont été confrontés à des menaces par des marchands ou cafetiers qui ne respectent pas les normes. A maintes reprises, leurs actions n'ont pas abouti à cause de l'absence d'un suivi rigoureux. «On fait des sorties quotidiennes avec saisies des marchandises ou autres denrées alimentaires qu'on achemine vers des orphelinats ou associations de bienfaisance. Cela se fait sous la houlette des caïds d'arrondissements qui contrôlent l'opération de dons. Malheureusement, on retrouve les mêmes personnes aux mêmes endroits 24 H par la suite comme si de rien n'était», explique Benyounes Ankiz, chef du service de la police communale administrative. M. Ankiz n'arrive pas aussi à comprendre comment se fait-il qu'à plusieurs reprises les «ferrachas» ou cafetiers ont été avisés des descentes de saisies avant même que son service ne quitte la municipalité. Au fait, trois départements assument la responsabilité de neutraliser ce type de commerce et de faire respecter la loi. Ce sont les services d'ordre : police et force auxiliaires, les agents d'autorités notamment les caïds et «chioukhs» et la police communale administrative. Ceci dit, et en attendant que la solution appropriée soit trouvée, l'état de nos trottoirs squattés par tous types de commerces, de nos rues assiégées par tous types de charrues à deux ou à quatre roues, porte préjudice aux efforts consentis à plus d'un niveau. «Plus de 40 % des accidents de la circulation au niveau de la ville d'Oujda sont dus à cette donne», précise un agent de police. «Le pourcentage le plus élevé des bagarres provoquées au souk est à mettre à l'actif des vendeurs ambulants. Pis encore, certains d'entre eux, sous l'effet de la drogue, se transforment en délinquants la nuit», rapporte avec colère Haj Hamadi, un commerçant de la place. Et d'ajouter: «Ces «ferrachas» ne paient aucun impôt et bloquent l'accès à ma boutique et si je leur demande de dégager de mon trottoir, on me fait entendre ce que je ne peux dire par respect aux lecteurs de votre journal». Aussi, les ordures et les déchets délaissés par ces commerces illégaux sont nuisibles à la santé des riverains car certains carrefours ou ruelles sont transformés en souks permanents et ce malgré les protestations émises aux services concernés. «Le soir lorsqu'ils quittent les lieux, ils laissent derrière eux des montagnes de déchets qui nous empestent la vie. Quel est notre tort pour que notre quartier soit affecté à tel point qu'on ne peut respirer un air pur. Et que nos enfants ne puissent jouer à leurs guises», explique Mohammed Azzouzi, un habitant du quartier Boudir. Le phénomène a aussi impacté sur la qualité de vie car l'occupation illégale du domaine public a pris des proportions inquiétantes à tel point qu'il est presque impossible d'emprunter un trottoir dans tout le centre névralgique de la ville d'Oujda : rue de Marrakech, Hamame Sabouni, place Bab Sidi Abdelwahab, Boudir, etc. La moindre parcelle de trottoir est squattée par des charrettes, des «ferrachas» ou des cafetiers, rendant ainsi toute circulation fluide mission quasiment impossible.