Elle s'appelle Nadia Essalmi. Une Marocaine, qui sous son charme et sa douceur, dissimule un courage interminable. D'un air déterminé et d'une endurance incontournable, elle a décidé de mener son combat. Son cheval de bataille n'est tout autre que «l'édition jeunesse». Un créneau qu'elle a choisi volontairement d'occuper. Défiant ainsi, avec grâce et délicatesse, tous les obstacles qui pourraient entraver son chemin. Acharnée, elle a tenu à concrétiser son ambition jusqu'au bout. L'ex-enseignante de communication et actes de langage à l'Institut agronomique et vétérinaire Hassan II à Rabat est incontestablement la fondatrice de la première maison d'édition de livres pour enfants au Maroc. La naissance de sa propre enseigne cache derrière elle une petite histoire. «C'est en intégrant une cellule de publications en tant que correctrice, dans la même structure où je travaillais, que j'ai contracté le virus de l'édition», annonce avec humour Mme Essalmi. D'un regard pétillant, elle nous confie les dessous de cette vocation. En exposant la revue culturelle « Il paraît au Maroc» au Salon du livre de Paris, une vérité plutôt amère a interpellé Nadia Essalmi. «Les visiteurs de mon stand étaient tous curieux de découvrir des livres marocains pour enfants. Hélas ! je n'en disposais pas», s'exclame-t-elle. En Effet, quelle place occupe l'enfant dans le champ éditorial national ? Pour pallier à cette tare, Mme Essalmi fonda en 1999 la maison «Yomad». Quelques mois après, trois livres signés par Driss Chraïbi ont vu le jour. Marquant ainsi le début d'un rêve, voire un militantisme infini, car selon l'éditrice :« Au Maroc, il est difficile d'exercer le métier d'éditeur dans son vrai sens du terme». La mission demeure à la fois attrayante et effrayante. Seule la patience et la générosité sont capables de soulever ce défi. «Avant de faire des livres pour enfants, il faut baliser le chantier et préparer les structures sur le plan national», souligne-t-elle. Et de poursuivre «je me retrouve en train de faire des livres dans une société qui ne donne aucune importance à l'enfant. La première tâche à réaliser est de rééduquer les enseignants ainsi que les parents afin d'instaurer une tradition fiable et solide de la lecture». Pour éradiquer cette violence symbolique émise à l'égard de la population juvénile marocaine, Nadia Essalmi s'est engagée à assurer l'existence de l'enfant et faire valoir son rôle pour vivre en phase avec la société. Et ce, en lui présentant, à travers le livre, des repères culturaux et sociaux relevant de notre mémoire collective marocaine. Partant de cet enjeu, Mme Essalmi a entamé sa lutte au sein de l'enceinte scolaire. Le fief culturel où l'enfant pousse et sa culture fleurit. Ainsi, et en collaboration avec la fondation «D'arfeuilles» et l'Association Maghreb enfance (EMA), Nadia Essalmi anime actuellement des tournées dans différents établissements publics. Le but étant de créer une nouvelle activité parascolaire axée autour de la lecture loisir. Des séances ludiques sont offertes aux élèves démunis afin d'apaiser leur curiosité et de les initier au monde des lettres. «C'est en détaillant tout le processus de la conception d'un livre, que les enfants s'intéresseront à la lecture. D'ailleurs, cela s'est confirmé au fur et à mesure du déroulement de cette action», explique Mme Essalmi. Trente établissements sont ciblés par cette opération. Vers la fin de chaque séance, un lot d'écrits répertoriant le patrimoine marocain est distribué. « Le livre doit s'étendre dans la famille. Pour cette raison, nous offrons des livres aux bénéficiaires de l'opération pour qu'ils les approprient, les touchent et les sollicitent à n'importe quel moment. Nous voulons que le livre soit à portée de main. C'est une première étape pour éduquer l'enfant à s'intéresser à la lecture», déclare l'éditrice. De même, un projet pédagogique est en vue. Outre la gestion de la bibliothèque de classe, Mme Essalmi oblige les enseignants d'encadrer des ateliers d'écriture et d'illustration de livres fait entièrement par les enfants. Une idée très originale qui aboutirait éventuellement à une compétition entre les différentes écoles sollicitées. Dans l'attente que cette idée voit le jour, Nadia Essalmi savoure passionnément les moments de bonheur partagés avec ses petits initiés.