Après le coup de filet de Tétouan, le ministre de la Justice, Mohamed Bouzoubaâ, a déclaré que 27 personnes, dont de hauts responsables sécuritaires, seront poursuivies par la Cour Spéciale de Justice à Rabat. Un deuxième groupe, de dix-huit individus, passera devant la Cour d'appel de Tétouan. Et l'enquête continue. Le ministre de la Justice, Mohamed Bouzoubaâ, a organisé hier une conférence de presse à Rabat, au sujet du coup de filet de Tétouan, où plusieurs représentants des médias nationaux et internationaux ont été présents. Rappelons qu'au début du mois d'août, plusieurs individus dont de hauts responsables sécuritaires, civils et militaires, et des magistrats ont été arrêtés pour implication dans un vaste réseau de trafic de drogue. Tout a commencé par de violents accrochages avec l'usage d'armes à feu entre bandes rivales de trafiquants de drogue à Tétouan. Le clan de Mounir Erramach et celui de Hicham Harboul. Ce dernier est toujours en fuite, quant au premier, il a été à l'origine de la série d'arrestations de responsables sécuritaires et des magistrats. Un groupe de prévenus sera jugé par la Cour d'appel de Tétouan tandis que la Cour Spéciale de Justice (CSJ) à Rabat se chargera de l'autre groupe. La rencontre avec la presse a constitué en effet une occasion pour le ministre de présenter l'ensemble des mis en cause dans ces deux affaires. Dans le groupe de Rabat, figure l'ancien préfet de police de Tétouan, Mohamed Sekkouri, un contrôleur général, deux commissaires principaux, quatre officiers principaux de police, un commissaire de police, un officier de police. Ils seront tous jugés par la Cour Spéciale de Justice aux côtés de cinq magistrats, un adjudant de la gendarmerie, deux sergents de la gendarmerie, un agent technique de douanes, un greffier, cinq intermédiaires dont le président de la commune urbaine d'Ouled Fraj et deux trafiquants de drogues dont le richissime Mustapha Benaboud. Concernant les magistrats impliqués dans cette affaire Le ministre a par ailleurs affirmé que SM Mohammed VI suit de près le déroulement de l'enquête. En sa qualité de président du Conseil Supérieur de la Magistrature, le Souverain a autorisé, par écrit, la poursuite en justice des cinq magistrats. Après le déclenchement de cette affaire, neuf juges ont été suspendus de leurs fonctions (parmi lesquels les cinq qui passent devant la CSJ) et deux autres simplement mutés vers d'autres villes. Selon M.Bouzoubaâ, pratiquement la moitié des magistrats de la Cour d'appel de Tétouan est impliquée dans le trafic de drogue. A Casablanca, dans le domicile d'un magistrat ayant déjà exercé à Tétouan, la police a découvert des sommes d'argent : 80.000 DH et 10.000 euros. Le ministre assure que l'enquête se poursuit pour définir l'origine de ces fonds et l'implication de ce juge dans le trafic de drogue. Dans la Cour d'appel de Tétouan, dix-huit personnes sont actuellement interrogées par le juge d'instruction. Il s'agit du deuxième groupe. Parmi eux, figure Mounir Erramach, celui qui a été derrière ce grand ras de marrée effectué par l'appareil judiciaire. Justement, le dernier mis en cause dans cette affaire est Houssine Majdoubi, journaliste marocain installé à Madrid et correspondant, entre autres, du quotidien istiqlali Al Alam. Le ministre a affirmé que Majdoubi a touché une somme d'argent afin de rédiger un article, paru le 8 août dernier sur les colonnes d'Al Alam, où Majdoubi défend l'un des trafiquants de drogue, en l'occurrence Hicham Harboul, et enfonce ainsi l'adversaire de ce dernier Mounir Erramach. « Houssine Majdoubi n'a nullement été kidnappé », a lancé Mohamed Bouzoubaâ. En fait, à la suite d'une convocation dans le cadre du déroulement de l'enquête, Houssine Majdoubi s'est volontairement présenté à la police judiciaire de Rabat. C'est là qu'il a été arrêté. D'ailleurs, poursuit le ministre, il a bénéficié d'une liberté provisoire car il a été relâché lundi soir. Il sera toutefois poursuivi pour corruption et non-dénonciation d'un crime et donc jugé par la Cour d'appel de Tétouan. Le ministre a estimé que l'article incriminé comporte plusieurs fausses informations dont Majdoubi devait s'assurer avant de les publier. En tout cas, le journaliste ne sera pas jugé sur la base du code de la presse mais du code pénal. L'arrestation de Majdoubi laisse ainsi croire que chaque trafiquant de drogue tisse son propre réseau de soutien en usant de différentes sortes de manipulations. Cette toile d'araignée est composée, non seulement, de responsables sécuritaires (police, gendarmes et douaniers) mais également de juges, de responsables communaux et des journalistes. Et la boucle est bouclée. Mohamed Bouzoubaâ a rappelé que toute cette affaire a commencé par un accident de circulation survenu à Tétouan le 3 août dernier. Après l'enquête menée par les services concernés, il s'est avéré qu'il s'agissait en effet d'un règlement de compte entre gangs de trafiquants car les chauffeurs des deux voitures accidentées avaient miraculeusement disparu. Chahboune Noureddine et Abdelatif Hamdoune avaient été victimes d'une tentative d'assassinat. Le lendemain, 4 août, le dénommé Kanfoud Mohamed Lotfi, a été également victime d'une tentative d'assassinat par une arme à feu retrouvée par les policiers.