Dans son document de travail intitulé “Europe et politique, nous sommes engagés avec l'Europe”, qui sera débattu au cours de 18 ème congrès national, en février prochain à Séville, le Parti Populaire (PP : au pouvoir), a incorporé la question territoriale comme élément essentiel de la politique extérieure de l'Espagne. Il a ainsi proposé, dans ce texte diffusé vendredi, de rouvrir le dossier de Gibraltar et renforcer le statut européen des villes marocaines occupées de Sebta et Melilla au sein de l'Union Européenne (UE). Les conservateurs espagnols ont ainsi choisi la tenue de leur congrès comme scène idoine pour raviver le contentieux territorial pour d'une part revendiquer la souveraineté sur Gibraltar et de l'autre forcer l'UE à accorder à Sebta et Melilla un statut privilégié au plan économique. Dans son document de travail, le PP soutient que la politique de cohésion de l'UE doit être sensible aux «faits singuliers» qui font de l'Espagne un Etat différend, tels l'insularité des archipels ou le fait d'être, à travers Sebta et Melilla, l'unique frontière de l'UE avec le continent africain. Le PP place ainsi l'UE devant le fait accompli et réclame plus d'avantages et de reconnaissance pour les deux villes en litige. Pour les conservateurs espagnols, «la récupération de la souveraineté sur Gibraltar est imprescriptible pour l'Espagne». Ceci «devra se faire en conformité avec le mandat des Nations Unies qui ne cessent de rappeler à l'Espagne et au Royaume-Uni de résoudre leurs différences au sujet de Gibraltar. Par conséquent, l'Espagne doit saisir toutes les opportunités pour proposer au Royaume-Uni la reprise des conversations pour la récupération de la souveraineté» sur ce rocher, affirme le PP. Le dossier territorial a été, en outre, mis en veilleuse pendant le mandat des socialistes qui avaient opté pour le pragmatisme et éviter la confrontation aussi bien avec le Royaume Uni qu'avec le Maroc concernant les résidus coloniaux sur les deux rives de la Méditerranée. Cette position renoue avec la politique extérieure adoptée par l'ancien président du gouvernement espagnol, José Maria Aznar (1996-2004), qui avait fait de cette question un cheval de bataille conduisant souvent à des contentieux diplomatiques. Avec leur arrivée au pouvoir, les socialistes étaient parvenus à conclure un accord concernant l'utilisation conjointe de l'aéroport de Gibraltar et l'amélioration des conditions de travail des espagnols. A l'égard des villes de Sebta et Melilla, ils avaient tenté d'apaiser les tensions en évitant de débattre publiquement de leur avenir. D'ailleurs, le contentieux territorial avec le Maroc n'avait pas été abordé durant les Réunions de Haut Niveau tenus entre 2004 et 2008. Ils avaient ainsi adhéré à une approche réaliste défendue par le Maroc selon laquelle la solution du conflit territorial est intimement liée à l'épilogue des négociations sur l'avenir de Gibraltar. C'est la raison pour laquelle, le Maroc a dû à plusieurs reprises protesté contre certaines initiatives prises par le gouvernement socialiste à l'égard des deux villes, telles les visites de José Luis Rodriguez Zapatéro ou des souverains d'Espagne, qui avaient provoqué le rappel de l'ambassadeur du royaume en novembre 2007 et une sévère protestation des hautes autorités de Rabat. Lors du premier déplacement de Mariano Rajoy à Rabat en tant que président du gouvernement espagnol, la question de Sebta et Melilla n'a pas été, en effet, abordée par les deux délégations marocaine et espagnole. Toutefois, deux jours plus tard, le PP a rendu public le document de travail, à débattre au prochain congrès, qui servira de feuille de route pour la politique extérieure de l'Espagne. Il s'agit d'un texte qui appelle à une profonde lecture dans la mesure où il reprend des positions fort chères à Aznar et qui sont en général débattues dans le cadre de son thinthink (FAES). Ce sont aussi des positions qui avaient provoqué énormément de maux de tête aussi bien à l'Espagne qu'à ses voisins. Que dit ce texte ? Le PP œuvrera pour récupérer le prestige, la crédibilité et la capacité de leadership del'Espagne à l'extérieur, «désormais perdus». Pour cela, lit-on, il est nécessaire d'exercer une politique d'Etat qui serait, «en consensus en Espagne et avec nos alliés à l'extérieur, ferme à l'heure d'assumer nos engagements». Dans ce contexte, «l'Espagne doit récupérer l'influence et le rôle d'avant-garde dont elle jouissait il y a quelques années au plan international à partir des valeurs telles la crédibilité et la confiance, depositions claires et définies dans la défense de nos intérêts, en optant pour l'unité d'action dans le cas de nos partenaires et sans négliger nos alliés traditionnels, tels les Etats Unis, le monde arabe ou la communauté ibéro-américaine». Le document de travail, qui a été préparé par des dirigeants du PP dont l'actuel président de l'Assemblée de Sebta, reprend certaines références nostalgiques de l'époque impériale : « nous devrons nous sentir à nouveau fiers du leadership de notre Nation et nous convertir en acteurs actifs du futur européen commun ». Le PP déplore le fait que durant le mandat socialiste «l'Espagne est passée d'un pays influent et pris en considération aux forums internationaux à devenir un simple membre du cortège en Europe, inexistant aux grands centres de décision mondiaux». L'analyse de ce document renvoie à la doctrine de souveraineté défendue par l'ex-président Aznar qui aspirait à faire de l'Espagne «un pays au banc de première division» dans le monde et de faire partie du G8.Le dossier territorial est ainsi rouvert.