Le Président du Parti Populaire (PP : conservateur), M. Mariano Rajoy, décide de se rendre à la ville marocaine occupée de Melilla dans un geste destiné à maintenir la stratégie de pressing exercé sur le gouvernement socialiste. C'est une prise de position claire qui vise à mettre en cause les résultats de l'entente entre le Maroc et l'Espagne depuis 2004 et, par là, maintenir les relations bilatérales dans une permanente spirale de tension comme à l'époque du gouvernement « populaire » de M. José Maria Aznar. Cela dit, l'Espagne se réjouit actuellement de la célébration par les latino-américains du deuxième centenaire de leur indépendance de l'empire espagnol. Depuis la perte du Cuba et des Philippines, à la fin du 19ème siècle, la droite espagnole ne cessait de défendre par tous les moyens ses dernières possessions en Afrique en tentant de conserver sa main mise sur de petites et insignifiantes enclaves au Nord du Maroc. La première guerre ouverte entre les armées marocaine et espagnole a eu lieu en 1859/60 à cause précisément des appétits expansionnistes des généraux espagnols, sous les commandes de Leopoldo O'Donnell y Jorris, qui rêvait d'un deuxième empire en Méditerranée. Ce projet sera maintenu comme objectif dans la politique extérieure à l'égard du Maroc jusqu'à la Conférence d'Algésiras, en 1906. Durant le protectorat, plusieurs secteurs de la société espagnole, l'église et l'armée vont tenter d'appliquer une stratégie d'acculturation, d'assimilation et de dénigrement de l'identité marocaine. Dans tout ce processus, les Espagnols avaient renié leurs engagements de puissance protectrice comme le stipulait le Traité de 1912. Conscients de l'aspiration du peuple marocain à récupérer se souveraineté sur l'ensemble de ses territoires, l'Espagne, depuis l'époque franquiste, se refuge derrière des arguments egocentriques pour défendre de prétendus droits historiques sur Sebta, Melilla et l'archipel des îles Jaâfarines. Ces possessions forment partie, en fait, des problèmes en suspens qui enveniment les relations entre le Maroc et l'Espagne et exigent, en même temps, une profonde réflexion pour préserver la convivialité en Méditerranée occidentale, développer un espace de cordialité et de coopération complémentaire entre les deux peuples et mettre le bon voisinage à l'abri des petits calculs politiques. Pour de multiples raisons, le gouvernement socialiste espagnol a inscrit, depuis son retour au pouvoir, les relations avec le Maroc parmi les priorités de sa diplomatie. L'épisode des malentendus, des faux problèmes et d'animosité, qui avait fortement marqué les rapports entre les gouvernements marocain et espagnol pendant le mandat des «populaires» au pouvoir en Espagne (1996-2004) a laissé place à la pondération grâce surtout à la sagesse dont font preuve les autorités marocaines à chaque fois que les relations bilatérales sont mises à l'épreuve, comme lors des incidents à Melilla en août dernier. La visite de Rajoy dans celle ville occupée, à un moment où le PP cherche par une stratégie d'usure l'épuisement du gouvernement socialiste à travers des débats sur les questions conflictuelles, ressuscite les épisodes les plus déplorables dans l'histoire des relations entre le Maroc et l'Espagne depuis 1956. De là, le déplacement de José Maria Aznar, le 18 août dernier à Melilla, ne peut aucunement être considéré comme un fait fortuit mais au contraire un prélude à une politique de provocation à l'égard du Maroc et au retour à la crispation. Sebta, Melilla et les îles Jaâfarines sont désormais thèmes de prédilection au programme du PP dans sa précampagne électorale. Nous l'avons constaté de par les gestes des leaders populaires mais aussi à travers la batterie de questions orales aux deux chambres du parlement espagnol. Un parti politique qui se considère comme une sérieuse alternative au pouvoir, est appelé à préserver les liens de bon voisinage, fortifier le legs historique et veiller à l'instauration d'un climat d'amitié. Rajoy est conscient de ces défis puisqu'il était ministre de la présidence et ministre de l'Intérieur au gouvernement Aznar.