«Le Maroc n'est pas un Etat dont la politique est régie par la passion ou par les querelles historiques», commente l'écrivain journaliste catalan Joan Barril. En chinois, le mot «crise» est composé de deux caractères. Le premier veut dire danger et le second opportunité. La crise de l'îlot marocain constitue dorénavant un danger sans opportunité pour l'Espagne. Seule la perspective d'un retour au réalisme est susceptible de sauver la face à un pays membre de l'UE, communauté-phare des principes humains. De l'intérieur même de la péninsule Ibérique on entend : Madrid doit liquider ses résidus coloniaux. L'appel est on ne peut plus clair et net. Dans leurs livraisons de la semaine écoulée, les publications hebdomadaires espagnoles d'information générale rappellent Madrid à la raison et lui conseillent d'opter pour une politique réaliste digne du 21-ème siècle, en reconnaissant la non-viabilité de «résidus coloniaux» sur le territoire marocain. Les relations avec le Maroc doivent être placées dans une optique d'avenir, basée sur le respect de la dignité du pays voisin. Telle est la proposition adressée particulièrement aux dirigeants politiques et militaires espagnols. L'Espagne «ne pourra avoir une politique marocaine crédible tant qu'elle n'a pas liquidé ses résidus coloniaux au Maroc, parce que le fait de vouloir être aujourd'hui une puissance coloniale en exercice coûte cher . il suffit seulement de jeter un coup d'œil sur la carte pour se rendre compte que l'île Tourah se trouve à quelques mètres de la côte marocaine, ce qui signifie qu'elle est marocaine». C'est un commentaire du journaliste Jésus Pardo qui fut correspondant de «Cambio 16» au Maroc en 1974, et fin-connaisseur de l'histoire récente des relations politiques maroco-espagnoles. Dans la revue «La Clave», il estime aujourd'hui qu'il est totalement faux de dire que Sebta et Melilla sont des villes «comme Zamora ou Jaén (Espagne). Sebta et Melilla, au même titre que cette île (Leïla/Tourah) et les îles Jaâfarines, sont autant d'insultes à la dignité nationale du Maroc. Loin de se limiter à une litote, Jésus Pardo écrit : «Le moment est venu de se confesser, surtout si nous voulons parler avec conviction de Gibraltar, un phénomène géographique équivalent à Sebta et Melilla» avant de conclure avec une argumentation fort significative «Il est temps que les espagnols, au 21-ème siècle, ignorent le testament laissé par Elisabeth la catholique qui avait ordonné de «persécuter, jusqu'à la mort, le moro». Dans un éditorial, l'hebdomadaire «Interviu» (800.000 exemplaires) note que tout citoyen de Bruxelles, de Londres ou de toute autre capitale européenne, qui a lu au moins une ligne dans la presse sur la «crise du persil», pensera que l'Espagne du 21-ème siècle, garde certains territoires se trouvant sur la côte marocaine. Le monde a assisté en ce mois de juillet à l'éclatement de la crise baptisée «persil», mais l'Espagne compte «d'autres persils qu'elle qualifie de zones de souveraineté», estime de son côté l'écrivain journaliste catalan Joan Barril, dans un commentaire intitulé : «Aznar et les devoirs d'été». Pour Tiempo, la question du Sahara a été à l'origine de «la rupture de fait dans les relations entre Rabat et Madrid ». Le journaliste-écrivain Juan manuel de Prada écrit sur un ton sarcastique : «sincèrement, je crois que la propriété légitime de l'îlot revient à la paysanne marocaine (Rahma) et à son troupeau de chèvres». La revue «Cambio 16» met en garde, dans son éditorial, l'Espagne contre le fait que l'affaire de l'île va se prolonger davantage et qu'elle doit se préparer pour faire face à l'hémorragie économique que suppose la vigilance constante en méditerranée, en plus de la pression psychologique de «celui qui se sent continuellement menacé». Un orage se prélasse dans l'atmosphère pour le gouvernement du senior Aznar, lourd de menaces, du moins électorales.