Comme son prédécesseur, José Maria Aznar, le président du Parti Populaire (PP), Mariano Rajoy, a voulu, en se rendant mardi à Melilla,rééditer les slogans de la droite conservatrice en Espagne hostiles à la souveraineté territoriale du Maroc. Cette ville occupée en compagnie de Sebta constitue un des dossiers les plus sensibles dans les relations entre le Maroc et l'Espagne. Le royaume a énergiquement manifesté son mécontentement pour cette visiteà des fins électoralistes qui risque de placer les relations bilatérales dans une nouvelle spirale de tension. Le PP avait toujours réservé aux deux villes marocaines occupées une place symbolique dans ses gestes et actes. Durant son mandat, Aznar s'y était déplacé à deux reprises, en janvier 200 et mars 2004, provoquant une grave crise diplomatique. Rajoy compte maintenir cette tradition de placer Sebta et Melilla au cœur de sa campagne électorale. D'ailleurs, il se considère comme le parrain de ces deux villes occupées. En 1994, il avait dirigé les négociations avec le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE) alors au pouvoir, sur le statut d'autonomie de Sebta et Melilla, qui avait été adopté à l'unanimité en mars 1995 par les deux chambres du parlement. Le PP avait réussi à imposer aux socialistes, alors en perte de vitesse, de nombreux amendements qui avaient conduit finalement à l'octroi aux deux villes d'un statut spécial avec des compétences d'une municipalité et des attributions d'un gouvernement régional. Grâce à une alliance avec des secteurs nostalgiques, africanistes et nationalistes, l'audience du PP ne cesse de se renforcer. Actuellement, les deux assemblées locales (gouvernements) sont entre les mains du PP et les sondages d'opinion le plébiscitent comme grand vainqueur des prochaines élections générales du 20 novembre. Dans ce contexte, le déplacement de Rajoy à Melilla peut être considéré comme un geste provocateur, inutile et inapproprié. Conscients de la sensibilité du contentieux territorial dans l'agenda diplomatique bilatéral, les stratèges de la campagne électorale du PP ont inclus les deux villes dans les meetings électoraux de Rajoy. C'est un acte qui démontre que les « populaires » comptent conduire les relations avec le Maroc au terrain de la confrontation comme lors du mandat d'Aznar. Rajoy, alors vice-président du gouvernement populaire, avait, à titre de rappel, dirigé les dossiers les plus sensibles dans les relations entre le Maroc et l'Espagne. Il avait signé, le 27 juillet 2001, avec Abbés Al Fassi, ministre de l'emploi de l'époque (au gouvernement de Yousfi), un accord sur la régulation de l'immigration entre les deux pays. Il avait également dirigé, en juillet 2002, le contentieux de l'île Laila/Toura (Persil pour les espagnols). Durant son passage au gouvernement d'Aznar, ont été prises des mesures restrictives à l'égard de l'immigration marocaine; le Maroc fut la cible de violentes campagnes de dénigrement dans les médias espagnols, et, la diplomatie espagnole avait joué un néfaste rôle dans la gestion de la question du Sahara à l'ONU. Depuis leur départ du pouvoir, en 2004, les «populaires», comme force d'opposition majoritaire, ont usé tous les moyens dont ils disposent pour porter préjudice aux relations bilatérales. Ils ont ainsi inscrit dans leur agenda politique le Maroc comme arme de bataille pour éreinter le gouvernement socialiste avec une batterie de questions orales au parlement, critiquer à outrance les institutions marocaines dans leurs interventions aux médias et faire campagne au Parlement Européen en faveur des positions hostiles aux intérêts du Maroc (Sahara et exportations, surtout). Actuellement, la nouvelle approche des relations internationales invite à l'entente entre voisins, au développement du climat de confiance et à la complémentarité économique. Selon une tradition non écrite dans les relations maroco-espagnoles, le nouveau président du gouvernement espagnol effectue au Maroc son premier déplacement à l'étranger. C'est un geste qui témoigne de la bonne volonté de créer une ambiance de convivialité entre les deux pays et agir avec réalisme dans la prospection des solutions aux problèmes en suspens. Le PP, à quelques jours des élections du 20 novembre, est appelé à revoir ses schémas, laisser de côté sa stratégie électoraliste et préparer le terrain pour une meilleure entente avec son grand voisin du sud, le Maroc.