Le PP, qui a critiqué le geste de Moratinos, réaffirme son manque de courage politique. Il a osé le faire. Miguel Angel Moratinos a fait ce qu'aucun politique espagnol n'a eu le courage de faire: «il a franchi la grille». Une expression qui signifie, en Espagne, traverser la frontière qui sépare le Royaume d'Espagne de Gibraltar. Le ministre des Affaires étrangères est arrivé au rocher, mardi 21 juillet, pour y participer à la réunion du troisième Forum réunissant l'Espagne, la Grande-Bretagne et Gibraltar, avec le chef de la diplomatie britannique David Miliband et le ministre principal de Gibraltar, Peter Caruana. Les deux premières réunions du forum ayant été organisées successivement à Cordoue en 2006 et à Londres en 2008, il était prévu, depuis la création du forum en 2004, que la troisième rencontre allait avoir lieu sur le rocher. La visite, qualifiée d'historique par les observateurs, met fin à plusieurs décennies de boycott de facto que les responsables espagnols se sont imposé comme attitude face à tout événement organisé dans ce territoire britannique. En effet, la visite de Moratinos est le premier déplacement officiel d'un ministre espagnol sur le rocher que beaucoup d'Espagnols considèrent comme un territoire colonisé. Cédé à perpétuité par l'Espagne à l'Angleterre conformément aux dispositions du Traité d'Utrecht en 1713, le rocher continue à être revendiqué par l'Espagne qui estime avoir le droit de le récupérer une fois que la Grande-Bretagne décidera de renoncer à sa souveraineté. Une manière très fine de revendiquer des droits territoriaux entre pays amis et alliés. Mais, cette approche n'est pas assumée par l'ensemble de la classe politique espagnole. Le Parti Populaire (PP) la juge très «conciliatrice». D'ailleurs, il a été le premier à manifester son rejet de la visite de Moratinos à Gibraltar. Connu pour des positions nationalistes radicales, le PP exige le retrait de la Grande-Bretagne du rocher et sa remise entre les mains de l'Espagne. Il base sa revendication sur le principe de «la légitimité géographique». Une revendication légitime et un principe recevable. Comment un territoire qui est la prolongation géographique d'un pays peut-il être sous la souveraineté d'un autre qui se trouve à plusieurs dizaines de kilomètres. Toutefois, ce qui est étonnant, c'est la contradiction entre les positions du PP sur Gibraltar et les deux enclaves marocaines occupées de Sebta et Mellilia. Il invoque une légitimité géographique dans le cas de Gibraltar qu'il juge irrecevable dans celui de Sebta et Mellilia. C'est dire que ce qui manque au PP, c'est un peu de courage politique comme celui dont vient de faire preuve Miguel Angel Moratinos. L'Espagne pourrait alors marcher sur deux pieds au lieu de continuer à alterner deux cycles : avancer avec le PSOE puis régresser avec le PP.