Face à la montée en puissance de l'intelligence artificielle dans l'assurance, le Maroc engage une riposte ambitieuse. À Casablanca, pouvoirs publics, acteurs du secteur et régulateurs ont affiché une volonté commune : encadrer l'innovation, anticiper les chocs technologiques et repenser un modèle à l'épreuve du numérique. Entre éthique, cybersécurité et réforme structurelle, le secteur amorce une transformation décisive. «Au-delà des algorithmes, ce sont les choix humains qui façonnent notre avenir.» Le ton est donné ! D'emblée, l'allocution de Nadia Fettah, ministre de l'Economie et des Finances, lors de la 11e édition du Rendez-vous de Casablanca de l'Assurance, s'inscrit dans une vision lucide et exigeante de l'intelligence artificielle. Insistant sur son potentiel structurant, la ministre a plaidé pour un encadrement rigoureux et des investissements massifs, notamment en matière de cybersécurité. Un impératif devenu encore plus pressant après l'attaque informatique ayant visé certaines institutions. Vers une mutation accélérée En effet, l'essor technologique est tel que la capacité d'adaptation à cette mue fait toute la différence, d'où la thématique abordée lors de ce rendez-vous, «Nouvelles technologies et IA : Quelles opportunités pour l'assurance ?». Pour Mohamed Hassan Bensalah, président de la Fédération marocaine de l'assurance (FMA), l'assurance demeure un pilier de stabilité dans ce contexte mouvant. «Parmi les grandes transformations que nous vivons, l'IA est sans doute celle qui soulève le plus d'interrogations et nous confronte à des enjeux majeurs pour l'avenir de notre secteur. Elle est en train de réécrire les règles du jeu de notre industrie. Elle touche déjà tous les maillons de notre chaîne de valeur, de la souscription à la gestion des sinistres, de la relation client à la détection de fraude», a-t-il indiqué. Mais au-delà de la technique, c'est une refondation éthique et responsable du métier d'assureur qu'il appelle de ses vœux. «Nous devons bâtir un cadre qui soit à la fois éthique, inclusif et favorable à l'émergence des Insurtechs. Cette révolution doit être accompagnée et pensée avec les régulateurs pour garantir la protection des assurés tout en stimulant l'innovation», insiste Bensalah. Le président de la FMA a également rappelé que le secteur ne fait pas seulement face à une révolution numérique. Des mutations plus structurelles s'annoncent. Parmi elles, la révision du barème d'indemnisation en assurance automobile, resté inchangé depuis 1984. Une réforme qualifiée d'essentielle, qui devrait influer directement sur les niveaux de prix et s'accompagner d'une refonte des critères de tarification pour une grille plus juste et adaptée aux profils assurés. Autre chantier stratégique, le passage progressif des assurés santé vers le régime universel. Une transition qui consacre le rôle des assureurs privés comme acteurs complémentaires. Ce virage nécessite, selon la FMA, une collaboration étroite avec la CNSS afin d'assurer une mise en œuvre fluide, équitable et accessible. Même constat du côté du régulateur du secteur. Le secrétaire général de l'ACAPS, Othmane Alami, a mis en lumière l'ampleur des bouleversements engendrés par l'IA, mais aussi par la blockchain et le cloud. «Ces technologies redéfinissent les contours de l'assurance et exposent 40% des emplois mondiaux à des transformations profondes», a-t-il déclaré. L'assurance auto et la santé en première ligne Le secteur de l'assurance s'apprête ainsi à franchir deux étapes structurantes dans sa modernisation : la dématérialisation de l'attestation d'assurance automobile et la mise en place d'une plateforme de paiement multicanal. Ces deux projets, qui devraient se concrétiser au cours du second semestre de l'année, marquent une avancée concrète vers la simplification des démarches pour les assurés. Mais ces innovations ne sont que la partie visible d'un bouleversement plus profond. Deux évolutions majeures pourraient, dans les mois à venir, redessiner en profondeur le paysage assurantiel. La première concerne la révision très attendue du barème d'indemnisation en assurance automobile, inchangé depuis 1984. Cette réforme aura un impact direct sur les niveaux de tarification. En parallèle, une refonte des critères tarifaires est en cours, avec pour ambition d'aligner plus finement les primes sur les profils des assurés, dans un souci de justice tarifaire. La deuxième grande transformation porte sur le basculement progressif des assurés santé vers le régime universel. Un tournant stratégique qui confirme le rôle des assureurs privés comme acteurs complémentaires du système de protection sociale. Anticipée de longue date par le secteur, cette transition nécessite désormais une intensification des échanges avec la CNSS afin d'en garantir la fluidité et de simplifier les démarches pour les bénéficiaires. Ces mutations, techniques et structurelles, s'appuient sur un socle technologique de plus en plus robuste. L'objectif est de renforcer la performance de l'ensemble de la filière, d'enrichir l'expérience client et d'ouvrir la voie à des services innovants à forte valeur ajoutée. Cette édition a également été marquée par la signature d'une convention technique entre la FMA et l'Association des assureurs du Ghana. Un accord sur le partage d'expériences en matière d'usage du digital. Mohamed Hassan Bensalah Président de la FMA «Parmi les grandes transformations que nous vivons, l'IA est sans doute celle qui soulève le plus d'interrogations et nous confronte à des enjeux majeurs pour l'avenir de notre secteur. Elle est en train de réécrire les règles du jeu de notre industrie. Elle touche déjà tous les maillons de notre chaîne de valeur, de la souscription à la gestion des sinistres, de la relation client à la détection de fraude.» Maryem Ouazzani / Les Inspirations ECO