Le Qatar n'est pas un Etat simple que l'on peut réduire à l'image d'un pays riche en gaz naturel vivant en marge du Golfe. C'est un Etat complexe dans sa structure interne et dans son comportement politique extérieur, jouant un rôle controversé dans de nombreuses questions régionales et internationales, au point que plusieurs journaux occidentaux de renom ont formulé des critiques explicites à l'égard de sa politique, accusant Doha de jouer un rôle négatif dans la déstabilisation de la région. Parmi les exemples les plus marquants, on trouve ce qu'a publié le quotidien américain The New York Times dans plusieurs rapports révélant le soutien du Qatar à des groupes islamistes armés en Syrie et en Libye, notamment après le "printemps arabe". Doha a été l'un des principaux bailleurs de fonds de l'opposition armée en Syrie, y compris des factions liées à des organisations extrémistes comme le Front al-Nosra. Ce soutien financier et logistique, selon le journal, a contribué à prolonger le conflit syrien et à démanteler les structures de l'Etat. Dans le même ordre d'idées, le quotidien britannique The Guardian a publié des enquêtes indiquant que le soutien qatari à certaines factions libyennes, surtout durant la guerre civile ayant suivi la chute de Kadhafi, a complexifié la situation en Libye et entravé les tentatives d'aboutir à une solution politique globale. Le journal a également révélé que cette ingérence s'est faite via des canaux de renseignement et un financement direct de groupes armés échappant à l'autorité de l'Etat libyen, ce qui a conduit à un chaos sécuritaire persistant jusqu'à aujourd'hui. En ce qui concerne les relations du Qatar avec les Frères musulmans, le journal français Le Monde a qualifié Doha de "principal parrain régional" de cette organisation. Il a souligné que l'accueil de dirigeants de la confrérie recherchés dans leurs pays d'origine, comme l'Egypte, a aggravé les divisions arabes et intensifié les tensions au sein du Conseil de coopération du Golfe. Cette relation a été l'une des principales raisons du blocus imposé au Qatar en 2017 par l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn et l'Egypte. Dans un rapport détaillé publié par le magazine Foreign Policy, il a été question de l'usage par le Qatar de sa puissance financière et médiatique – en particulier via la chaîne Al Jazeera – pour orienter l'opinion publique arabe vers des positions servant ses propres intérêts politiques, plutôt que des principes professionnels ou humanitaires. Et bien que le Qatar ait nié cela à plusieurs reprises, la nature de la couverture médiatique de la chaîne, ainsi que le double discours entre le message destiné à l'intérieur et celui destiné à l'étranger, ont suscité des interrogations légitimes sur l'agenda réel de Doha. Par ailleurs, le quotidien The Times a évoqué les liens du Qatar avec les Talibans, notant que Doha a été un refuge sûr pour les dirigeants du mouvement, hébergeant leur bureau politique pendant des années sous prétexte de négociations avec Washington. Toutefois, selon le journal, des rapports des services de renseignement ont affirmé que la relation dépassait le cadre de la médiation, allant jusqu'à un véritable soutien politique et diplomatique qui a contribué à la réhabilitation internationale des Talibans. Même dans le domaine du sport, et malgré le succès logistique impressionnant de la Coupe du monde 2022 organisée par le Qatar, The Washington Post a mis en lumière les violations massives des droits des travailleurs migrants, allant jusqu'à qualifier la situation d'"esclavage moderne". Le journal a signalé de nombreuses morts survenues dans des conditions de travail extrêmes, ainsi que des atteintes aux droits des travailleurs dans les secteurs du bâtiment et des services, ce qui a mis Doha dans l'embarras et l'a contrainte à revoir certaines lois. Tous ces exemples ne reflètent pas l'image d'un Etat œuvrant pour la stabilité ou le développement partagé. Ils révèlent plutôt un double visage : celui d'un acteur politique qui utilise l'argent, les médias et la religion pour étendre son influence, même au détriment de l'unité des pays arabes et de la sécurité de leurs peuples. Et si le Qatar parvient à se présenter comme une nation de paix et de médiation, les rapports documentés dans la presse et par des organismes internationaux prouvent que le véritable rôle qu'il joue est complexe, truffé de contradictions, et parfois destructeur pour la stabilité régionale.