La visite de haut niveau effectuée début avril 2025 par le ministre marocain de l'Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, à Séoul, capitale de la Corée du Sud, a ouvert la voie à des négociations autour d'un accord potentiel qui pourrait faire du Maroc le premier pays africain à acquérir les chars de combat avancés sud-coréens "K2 Black Panther". Révélée par le journal français L'Opinion, cette visite dépasse le simple cadre d'une discussion sur des équipements militaires. Elle reflète la volonté des deux nations d'ancrer un partenariat stratégique plus large, incluant la coopération militaire, la coproduction et l'intégration économique. Bien que les détails de l'accord demeurent confidentiels, tout laisse penser que Rabat cherche activement à moderniser son arsenal militaire dans un contexte régional tendu, en particulier avec l'Algérie voisine, dotée d'un important équipement militaire russe, notamment des chars T-90. Le K2 est considéré comme l'un des chars de quatrième génération les plus avancés au monde. Développé par Hyundai Rotem pour l'armée sud-coréenne, il pèse environ 55 tonnes et est équipé d'un canon de 120 mm capable de tirer 10 obus par minute. Il dispose aussi d'un système de contrôle de tir sophistiqué permettant de viser avec précision en mouvement, sur des distances dépassant les 10 kilomètres. Ce char est protégé par un blindage composite réactif qui offre une défense renforcée contre les missiles antichars et les projectiles perforants. Il est propulsé par un moteur diesel de 1 500 chevaux, lui permettant d'atteindre une vitesse maximale de 70 km/h sur tous types de terrains, avec une capacité de franchissement de rivières jusqu'à 4 mètres de profondeur. Pendant des années, le Maroc s'est appuyé sur la France et les Etats-Unis pour équiper ses forces armées, avec des chars américains M1A1 et des véhicules de reconnaissance français comme l'AMX-10RC, en plus de missiles de défense aérienne américains FIM-92. L'orientation vers la Corée du Sud traduit ainsi une volonté claire de diversifier les fournisseurs d'armement et de réduire la dépendance traditionnelle vis-à-vis des partenaires occidentaux. Avec cet accord, le Maroc ambitionne également de renforcer sa stature en tant que puissance régionale en Afrique du Nord, notamment face à la montée en puissance militaire de l'Algérie, soutenue par la Russie, et dans un contexte sécuritaire tendu dans la région du Sahel et du Sahara. Pour la Corée du Sud, cette transaction représente une opportunité stratégique de pénétrer le marché africain, désormais convoité par les grandes puissances telles que la Russie, la Chine et les Etats-Unis. Séoul a d'ailleurs consolidé sa présence sur le marché mondial grâce à de grandes ventes, notamment avec la Pologne, qui a signé en mars 2025 un contrat de 6,2 milliards de dollars pour l'acquisition de 180 chars K2 supplémentaires, accompagnés d'un programme de production local d'une version spéciale "K2PL". La Corée a également commencé à exporter ses chars vers d'autres pays comme le Pérou, qui cherche à remplacer ses anciens chars soviétiques par des modèles plus modernes et performants. Malgré les performances techniques remarquables du K2, son intégration dans les forces armées marocaines ne sera pas sans défis. D'une part, le char exige un niveau élevé de formation et de qualification, notamment en matière de maintenance et d'opérations électroniques. D'autre part, le Maroc devra surmonter d'éventuelles difficultés logistiques liées à l'intégration de systèmes coréens dans une infrastructure jusqu'ici adaptée aux normes américaines et françaises. À plus long terme, cette démarche pourrait ouvrir la voie à un partenariat industriel avec la Corée du Sud, incluant peut-être le transfert de technologies de fabrication ou de maintenance vers le Maroc, ce qui appuierait la vision du royaume de développer une industrie de défense nationale compétitive. Dans un monde où les enjeux militaires redessinent les alliances géopolitiques, l'accord potentiel autour des K2 dépasse le simple cadre d'une transaction d'armement. Il s'agit d'une expression forte de la volonté politique du Maroc de renforcer ses capacités souveraines, et d'un signal clair que Rabat entend jouer un rôle central dans l'équation sécuritaire régionale et internationale, en misant sur des alliances stratégiques et un armement de pointe.