Alors que le Parlement planche sur la réforme du Code de procédure pénale, une disposition en particulier suscite la controverse : l'article 41-1. Ce texte inquiète les militants des droits des femmes qui estiment qu'il pourrait compromettre des années de lutte contre les violences faites aux femmes. Dans une alerte publiée jeudi, l'Association Tahaddi pour l'Egalité et la Citoyenneté (ATEC) interpellent les groupes parlementaires à la Chambre des représentants à propos de l'adoption de cet article et ses répercussions directes sur les droits des femmes et leurs acquis constitutionnels. D'après les activistes, la version actuelle viderait la loi n° 103.13 de sa substance tout en compromettant les avancées obtenues au profit des femmes marocaines. L'alerte « Dans le cadre de l'examen détaillé du projet de loi n° 03.23 modifiant et complétant la loi n° 22.01 relative au Code de procédure pénale, actuellement soumis à la Commission de la justice, de la législation et des droits de l'Homme à la Chambre des représentants, l'ATEC a décidé de saisir l'ensemble des groupes parlementaires afin d'attirer leur attention sur les menaces que représente l'adoption de l'article 1-41 dans sa formulation actuelle, pour les droits des femmes et leurs acquis constitutionnels », explique à L'Observateur du Maroc et d'Afrique, Mehdi Laimina, Responsable de projets et communication à l'Association Tahaddi pour l'Egalité et la Citoyenneté (ATEC). Le texte en question n'est autre que l'article 41-1 qui élargit la procédure de conciliation pénale. La cause ? « Ce texte ouvre en effet la porte à une forme d'impunité pour les auteurs de violences, en permettant d'éviter un procès même dans des cas graves. Ceci toute en aggravant les inégalités homme femme face à la justice », soutient l'activiste d'ATEC Procédure à double tranchant L'article 41-1 autorise en effet le parquet à valider un accord entre les parties sans passer par le juge, ni vérifier les conditions dans lesquelles cet accord a été obtenu, comme le soutient l'ATEC. « En d'autres termes, un homme accusé de violences à l'encontre de sa conjointe ou d'atteinte à sa vie privée dans le cadre de violences numériques pourrait échapper à un jugement, si la victime ait, même sous pression, accepté de retirer sa plainte », argumente Laimina. Pour l'ATEC, cette mécanique légale est particulièrement dangereuse dans le contexte des violences faites aux femmes. « Rien ne garantit que la victime ait pu exercer sa volonté librement. Pressions, chantage, menaces ou promesses peuvent fausser toute la procédure », dénonce l'activiste de l'ATEC qui cite des exemples rencontrés sur le terrain dans l'exercice de l'activité associative auprès des femmes victimes de violences de tous genres. Pas de régression Parmi les articles concernés par cette procédure de conciliation figurent notamment : L'article 401 : coups et blessures graves (incapacité de travail supérieure à 20 jours), l'article 404 : violences basées sur le genre ou contre une femme enceinte, les articles 1-447, 2-447, 3-447 portant sur les infractions liées aux atteintes à la vie privée et à la diffusion de contenus numériques sans consentement. « Autant de délits que la loi 103.13 de lutte contre les violences faites aux femmes encadrait avec fermeté, et qui pourraient désormais bénéficier d'un traitement allégé. C'est une véritable régression législative », déplore Mehdi Laimina. Pour l'ATEC, cette réforme contrevient aux engagements pris par le Royaume en matière de lutte contre les violences basées sur le genre. « Le Troisième Plan Gouvernemental pour l'Egalité (2023-2026) ainsi que l'Appel de Marrakech 2020 posaient pourtant une ligne claire : tolérance zéro. Et l'article 41-1 va à l'encontre de cette orientation en rendant possible des arrangements à l'amiable dans des cas où la société attend, au contraire, une réponse ferme et dissuasive », argumente l'ATEC dans son alerte. Appel à la révision Revenant à la charge, l'ATEC appelle à l'exclusion pure et simple de toutes les infractions liées aux violences faites aux femmes de la procédure de conciliation pénale et de . Pour l'association, il en va non seulement de la crédibilité de la justice, mais aussi de la sécurité et de la dignité des femmes. Toujours selon les propositions de l'ATEC, la procédure de réconciliation devrait être assurée par un organisme dédié avec des ressources humaines qualifiées pour couper le chemin à toute dérogation de sa mission première : protéger les droits des deux parties. « Nous appelons ainsi les parlementaires à jouer leur rôle, à veiller au respect de l'approche genre dans l'élaboration des textes de loi et surtout à protéger les acquis constitutionnels et juridiques obtenus au prix de longues années de mobilisation », ajoute Mehdi Laimina. Pour conclure son alerte, l'ATEC appelle « le ministère de la justice à la suppression définitive de toutes dispositions portant atteinte aux droits des femmes et qui sont en contradiction avec les dispositions de la loi 103.13 relative à la lutte contre la violence à l'égard des femmes ».