Peu après la conférence de presse à l'Assemblée nationale sur les travailleurs immigrés retraités qui bénéficieront désormais de la sécurité sociale, même en quittant la France, des associations crient à la «désinformation». «La désinformation bat son plein». Ainsi le Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s (GISTI) fustige ce qu'il considère comme une «petite musique» complaisante autour de la récente réforme entrée en vigueur, le 1er juillet, sur l'accès aux soins pour les chibanis pensionnaires ne vivant plus en France. Dans un communiqué parvenu à Yabiladi, vendredi dernier, l'association conteste en effet «des paroles trompeuses au service d'une communication politique cynique». Début juillet, Yabiladi avait annoncé en premier l'entrée en vigueur de mesures décidées en décembre 2018 pour la Loi des finances française de cette année, prévoyant que les immigrés des Trente glorieuses bénéficient, à compter du mois courant, d'un traitement égalitaire en termes de prestations de santé et de prise en charge s'ils ont cotisé en France, même s'ils n'y vivent plus. Porteuse de ce projet depuis 2011, l'association de droit marocain CAP Sud MRE s'est en effet félicitée de «la levée d'une injustice qui a longtemps duré». Jusque-là, les immigrés retraités en France, notamment les Marocains, perdaient leur droit à la sécurité sociale si le leur sortie du territoire français dépassait les six mois, contrairement aux pensionnés de nationalité française. France : Les chibanis vivront leur retraite au pays sans être inquiétés sur leurs droits Grâce à l'entrée en vigueur cette mesure, dont une première partie a été actée en 2015, Salem Fkire, président de CAP Sud MRE affirme que «tous les pensionnaires ayant cotisé en France ont désormais les mêmes droits, qu'ils soient français, maghrébins ou d'ailleurs». Conformément aux amendements et à une circulaire de la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, le seuil arrêté pour les bénéficiaires est de quinze ans et plus de cotisation au Régime général de la Sécurité sociale. C'est ce que conteste Ali El Baz, membre du GISTI selon qui «ceci n'est pas une réforme» car «elle est encore plus contraignantes pour l'accès des retraités marocains aux soins en France». Le militant cite notamment les cas de «bénéficiaires de régimes spécifiques Caisse autonome nationale de Sécurité sociale dans les mines qui sont exclus». Salem Fkire, quant à lui, explique qu'«il ne faut pas faire de confusion entre le régime général de sécurité sociale, où une partie des chibanis est concernée dans le cadre des prestations du Centre national des retraités de France à l'étranger (CNAREFE), et les caisses à régime spécial». Il s'agit notamment du régime minier, militaire, celui du culte, de la SNCF ou du notariat, entre autres. Il ajoute que pour les chibanis ayant travaillé dans les mines, il s'agit principalement de bi-pensionnés. Ils bénéficient donc du régime général et le cumul des années travaillées dans les deux régimes sera comptabilisé par la CNAREFE. Des détails techniques doivent encore être réglés En outre, pour ceux qui ne vivent plus en France, «ils ont toujours besoin d'un visa C national, spécifique au séjour médical pour bénéficier de leur couverture», ajoute-t-il. Si Ali El Baz estime qu'«un simple visa Schengen qui peut être touristique ne donne pas l'accès à ce droit», Salem Fkire, président CAP Sud MRE rétorque que «c'est faux». Mais le GISTI dit ne pas pouvoir fournir de chiffres sur les personnes laissées de côté par la réforme. «On ne peut pas avancer un chiffre car ils viennent à titre individuel, nous explique Ali El Baz. Ceux qui ont une carte de retraité peuvent se faire soigner ici, mais ce n'est pas le cas de ceux qui n'en ont pas et qui obtiennent un visa quelconque». Une affirmation qui semble prématurée compte tenu du fait que «la circulaire ministérielle devra encore définir la mise en oeuvre de la réforme en octroyant aux concernés des droits qu'ils n'avaient pas avant», nous explique une source proche du dossier. France : La mesure en faveur des chibanis rendue publique à l'Assemblée nationale Concernant la polémique entre associations travaillant sur le dossier des chibanis, Salem Fkire «regrette que ces associations n'aient pas pris la peine de contacter les concernés, ce qui aurait permis de lever toute ambiguïté, sans tenir compte des explications données en conférence de presse à l'Assemblée nationale». «Je ne sais pas en quoi réside cette polémique. Ce que nous voulions est que les retraités immigrés puissent bénéficier du CNAREF au même titre que les cotisants français et il y avait une distorsion de droit qui est désormais levée.» Salem Fkire «La CNAREF ne parle plus aujourd'hui de 'retraités français' mais de 'retraités' tout court. Par ailleurs, l'ensemble des retraités étrangers devraient fournir un titre de séjour valide quel qu'il soit et justifier de quinze ans de cotisation ; nous avons remis au même plan l'ensemble des retraités», affirme encore Salem Fkire. Ali El Baz et le GISTI critiquent justement cette condition de 15 ans de cotisation minimum, qu'ils jugent constituer une regression. Or cette mesure de précaution existait déjà pour les étrangers, selon la direction de la sécurité sociale. Bien qu'il ne comprend pas la levée de boucliers du GISTI, Salem Fkire explique que la question des chibanis n'est pas l'exclusive d'une association. «S'il y a des améliorations à faire, que chacun prenne son bâton de pèlerin et essaye de changer les choses», conclu-t-il. Article modifié le 2019/07/29 à 22h13