Les deux chercheurs marocains Mohamed Oubenal et Abdellatif Zeroual ont tenté de répondre à la question de savoir qui dirige l'économie marocaine. Il en ressort qu'elle est contrôlée par plusieurs groupes familiaux privés, connectés au tandem CDG-CIMR, lui-même contrôlé par la SNI. L'économie marocaine est contrôlée, entre autres, par des groupes familiaux privés comme la famille Benjelloun et la holding royale SNI, mais aussi par deux institutions, la Caisse interprofessionnelle marocaine de retraite (CIMR) et la Caisse de dépôts et de gestion (CDG). C'est ce qu'affirme ce lundi le Think Tank marocain Tafra, citant les travaux de Mohamed Oubenal et Abdellatif Zeroual. Dans un article intitulé «Qui dirige l'économie marocaine ?», les deux chercheurs ont d'abord examiné la composition des conseils d'administration des 76 entreprises cotées à la Bourse de Casablanca au 31 août 2013 pour décrire le système de gouvernance du grand capital marocain. Un tandem CDG-CIMR et plusieurs groupes familiaux privés Il en ressort tout un «réseau des interlocking directorates marocains». «La distribution de la participation aux conseils d'administration des entreprises cotées met en évidence une forte concentration autour de quelques groupes privés et de deux investisseurs institutionnels», estiment les deux chercheurs. Ceux-ci décrivent «une structure cœur-périphérie», qui domine l'économie marocaine, avec au centre, «deux tiers des nœuds connectés à la CIMR et à la CDG, et peuvent accéder aux ressources échangées (informations, financements)». Il s'agit des «administrateurs des deux plus grosses fortunes du pays, Othmane Benjelloun et Mohamed VI via la holding royale SNI ainsi que plusieurs millionnaires». Le réseau de gouvernance des entreprises côtées à la bourse de Casablanca en 2013. / Ph. Tafra L'article cite Mohamed Bensalah, Mohamed Lazrak, Moulay Hafid Elalamy, les administrateurs de différentes banques et assurances, ceux des investisseurs institutionnels comme la CDG et CIMR. Figurent aussi dans cette partie des administrateurs de groupes étrangers comme Lafarge ou la BNP ainsi que les représentants de trois institutions financières qui comptent dans leur tour de table les investisseurs du Golfe. «Le tiers restant forme la périphérie : des ilots indépendants, sans lien avec le cœur», composés par des «hommes d'affaires parfois beaucoup plus riches que ceux du centre (…) à l'instar d'Aziz Akhannouch, [feu] Miloud Châabi et Anas Sefrioui». CDG-CIMR contrôlées, elles, par la SNI Pour les deux chercheurs, la CDG et la CIMR peuvent «participer à la stabilisation ou à la transformation de la structure de cette élite économique», mais «la monarchie marocaine influence, directement ou indirectement, le processus de décision d'investissement de ces deux institutions». Les deux chercheurs illustrent le contrôle de la holding royale sur les investisseurs institutionnels par une série d'exemples, comme lorsqu'elle a cédé ses parts de Cosumar, sa filière sucre, en privilégiant des investisseurs institutionnels plutôt que le groupe mondial Wilmar, présent dans son tour de table. «Loin d'être neutre, la structure du réseau (...) a des conséquences sur le fonctionnement de notre économie. Or, sa forte concentration (…) n'est pas sans interroger la capacité de résistance du système en cas de choc macro-économique», commentent les deux experts. «Une faiblesse de la part du centre peut se répandre rapidement dans la périphérie, engendrant la contagion du réseau» en cas de choc macro-économique, rappellent-ils. Une structure dominée par quelques acteurs, comme le réseau de gouvernance de l'économie marocaine, est un instrument à double tranchant, commente Tafra qui souligne «quelques inquiétudes en cas de bourrasque financière».