L'Institut français d'opinion publique (IFOP) et le quotidien Le Monde viennent de publier un sondage intitulé «Regard croisé Allemagne/France sur l'Islam». L'enquête démontre de façon globale la perception négative qu'ont les populations de ces deux pays des musulmans vivant parmi elles. Mais au-delà des résultats, il s'impose désormais de s'interroger sur les motivations de ces sondages qui s'intéressent particulièrement aux musulmans. Ce qui, à défaut de raviver la flamme de la xénophobie et du rejet de l'autre, n'est pas de nature à favoriser leur intégration. Les résultats de ce sondage réalisé du 3 au 9 décembre 2010 mettent en lumière un constat d'échec partagé, chez les Allemands comme chez leurs voisins français en ce qui concerne l'intégration des musulmans. Dans l'hexagone, 68% des personnes sondées pensent que les musulmans ne sont «pas du tout» ou «plutôt pas intégrés». En Allemagne, ils sont encore plus nombreux à être de cet avis, 75% des interrogés. Pire, 42% des Français et 40% des Allemands considèrent les musulmans «plutôt comme une menace» pour la société. Le manque d'intégration est dû, selon 61% des Français, au «refus de s'intégrer» des musulmans, 40% parlent de différences culturelles, alors que pour 37% d'entre eux, cette situation se justifie par la «ghettoïsation». Les Allemands sont eux, 67%, 34% et 32% à donner ces réponses. Des sondages qui attisent le feu Ces sondages interviennent au moment où la place de l'islam prend de l'ampleur dans ces deux pays qui comptent de fortes communautés musulmanes (plus de 5 millions en France et 4 en Allemagne). Cette progression inquiète déjà les partis d'extrême droite, qui font de l'islam leur thème de campagne favori pour les prochaines échéances électorales. Dans ce contexte, la recrudescence des sondages sur les musulmans de ces sociétés viennent raviver la polémique. Même si le sondage constitue un instrument des sciences humaines qui aide à mesurer l'opinion publique sur un sujet donné, les questions posées ne sont jamais innocentes. En l'occurrence, poser des questions sur l'islam dans deux pays européens tend à uniformiser les communautés musulmanes dans ces deux pays. La question de savoir si les interrogés s'estiment bien informés sur les communautés musulmanes en France et en Allemagne n'a pas été posée. A priori, ces connaissances sont plutôt faibles. La conséquence en est que la récurrence des enquêtes portant sur l'islam et les musulmans, érige en vérités des perceptions négatives sur les communautés musulmanes de ces pays. A travers ces sondages, se dégage encore l'impression que tous ces musulmans sont encore des étrangers et non des citoyens à part entière. Alors qu'en réalité la plupart ont la nationalité de ces pays où leurs parents ont même vu le jour ! Car on parle depuis longtemps de troisième génération, et ces gens connaissent mieux la culture occidentale que celle d'origine de leurs parents. D'autre part, dans les deux pays, de nombreuses personnes se convertissent à l'islam. Poser une question sur leur intégration relève du non-sens. En somme, il est grand temps que les professionnels des sondages et des médias revoient la manière dont ils traitent le sujet. En posant certaines questions plutôt que d'autres, ils participent à renforcer une perception bizarre des musulmans. Cette minorité mal intégrée cessera peut-être de l'être une fois que les consciences accepteront de la regarder comme des membres à part entière de la société, dans son présent et son avenir.