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Wikileaks Maroc : Hassan II a préféré laisser le Sahara à l'Espagne plutôt qu'à l'Algérie
Publié dans Yabiladi le 13 - 04 - 2013

Plusieurs télégrammes diplomatiques américains, rendus public par Wikileaks, lundi, racontent les négociations entre le Maroc, l'Algérie, la Mauritanie et l'Espagne à propos du Sahara, en 1973. Le Maroc impose sa position aux autres pays : le Sahara doit être marocain, à défaut, il reste espagnol, mais il ne sera jamais ni algérien, ni indépendant.
«Benhima m'a dit que Boumediene a proposé que les trois pays soutiennent des mouvements de libération qui collaboreraient pour expulser les Espagnols du Sahara. Le roi a dit qu'il préférait voir les Espagnols rester que d'avoir un Etat indépendant sous contrôle algérien», rapporte Stuart W. Rockwell, ambassadeur des Etats Unis au Maroc, dans un télégramme - rendu public par Wikileaks le 8 avril 2013 - adressé au département d'Etat américain et aux ambassades américaines des Etats concernés, le 27 juillet 1973, suite à sa rencontre avec le ministre marocain des affaires étrangères Ahmed Taïeb Benhima. Pendant cette entrevue l'ambassadeur américain demande à Benhima de raconter les débats qui se sont tenus à Agadir, à propos du Sahara, quelques jours auparavant, les 23 et 24 juillet, entre Hassan II, Houari Boumediene, le président algérien, et Moktar Ould Daddah, le président mauritanien.
En 1973, le Sahara est encore espagnol, mais le Maroc, l'Algérie et la Mauritanie – que Hassan II estime manipulée par l'Algérie – se le disputent. Lors de la rencontre de juillet 1973 entre les trois chefs d'Etat, Hassan II accuse directement l'Algérie d'avoir trahit sa parole. Hassan II, selon ses propos rapportés par Ahmed Taïeb Benhima à l'ambassadeur américain, «a reproché à Boumediene de réclamer le Sahara après que le Marocain a fait des sacrifices sur l'accord frontalier.»
L'Algérie a trahi sa parole
L'Algérie avait fait comprendre au Maroc qu'elle ne réclamait pas le Sahara, selon Hassan II. En échange, le Maroc avait accepté de faire les plus grosses concessions territoriales au moment du tracée de la frontière entre le Maroc et l'Algérie, lors du traité signé un an plus tôt, entre les deux Etats. Depuis, Algérie et Mauritanie ont renouvelé leur intention de récupérer le Sahara devant l'Assemblée des Nations unies.
Pour Hassan II, il est impensable que le Maroc ait un nouveau voisin. «Il a dit que si l'Algérie envisageait la création d'un Etat sahraoui indépendant, il devait avoir conscience que les premiers pays à reconnaître un tel Etat ne seraient pas de grandes puissances mais de petits Etats communistes comme l'Albanie, le nord Vietnam…», rapporte Ahmed Taïeb Benhima à l'ambassadeur. Inimaginable. Le Maroc « ne peut pas tolérer l'existence d'un Etat affilié au communisme à ses frontières», aurait affirme le roi devant Houari Boumediene et Moktar Ould Daddah.
Le Sahara, zone tampon
Cette référence au communisme est sans doute faite par Benhima pour rappeler aux Etats Unis que le Maroc a les mêmes ennemis qu'eux. Dans un autre télégramme, les raisons d'opposition du Maroc à un Etat indépendant apparaissent plus clairement. «Il [Ahmed Taïeb Benhima, ndlr] a clairement exprimé que le Maroc ne pouvait pas tolérer que cette région, traditionnellement sur la route des invasions vers le Maroc, puisse tomber entre les mains d'un régime local faible pour devenir facilement la proie de l'influence algérienne ou libyenne», rapporte l'ambassadeur américain à Rabat. En somme, pour le Maroc, le Sahara est une zone tampon. Si l'Algérie s'en saisissait le royaume serait enclavé, donc plus faible, et vulnérable aux pressions algériennes.
Pour le Maroc, la perspective d'un Sahara algérien ou indépendant est à ce point inenvisageable qu'il promet la guerre si cela devait se produire. «Et si c'est que l'Algérie a en tête, le roi mettrait fin à sa politique d'endiguement, lèverait ses troupes et partirait en guerre», explique le ministre marocain des Affaires étrangères à l'ambassadeur américain, en juillet 1973. Hassan II envisage aussi de réunir l'Istiqlal et l'UNFP pour former un gouvernement et libèreraient les forces du nationalisme marocain. «Avec un tel gouvernement, la ratification marocaine de l'accord frontalier serait impossible et la frontière maroco-algérienne ne resterait pas calme», aurait expliqué Hassan II à ses deux interlocuteurs à Agadir.
La statut quo en attendant la Marche verte
Hassan II ne veut pas de l'Algérie, mais il ne consent, à défaut de pouvoir assoir la souveraineté marocaine sur le Sahara, à laisser la région entre les mains de l'Espagne que sous conditions. Le 26 mars 1973, Ahmed Taïeb Benhima a rencontré le ministre des Affaires étrangères espagnol, Gregorio Lopez Bravo en visite à Rabat. 4 jours plus tard, l'ambassadeur américain, se renseigne auprès du ministre marocain sur ce qui s'est dit entre eux. «Benhima m'a répondu qu'il avait parlé fermement à Lopez Bravo. Il a dit que si l'Espagne essayait de mettre le Maroc devant le fait accompli du référendum qu'il en résulte soit la décision de continuer l'association du Sahara espagnol avec l'Espagne, soit l'indépendance, le Maroc créerait une situation d'insécurité pour l'Espagne au Sahara et avait les moyens de le faire», rapporte Benhima à l'ambassadeur, ainsi que lui-même l'écrit dans un télégramme envoyé au département d'Etat américain, et aux ambassades américaines des pays concernés, le 31 mars.
Face à de telles menaces, l'Espagne n'envisage pas de proposer un referendum au Sahara. L'ambassadeur américain, toujours curieux de l'évolution de la question, rencontre l'ambassadeur espagnol à Rabat, Martin-Gamero, pour connaître les résultats de la visite d'Ahmed Taïeb Benhima, à Madrid, le 9 mai 1973. «Les Espagnols ont eu clairement l'impression que le Maroc préférait définitivement la continuation du statu quo à l'accession du Sahara à l'indépendance. Il semble clair aux Espagnols qu'il n'y a pas d'espoir de solution immédiate pour les problèmes territoriaux comme le Sahara, Ceuta et Melilla», rapporte l'ambassadeur dans un télégramme, le lendemain de la visite officielle. Deux ans plus tard Hassan II lance la Marche verte.


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