Comme toute filière, l'argan fait face à des défis, dont la modernisation du secteur ainsi que la «lutte» contre les intermédiaires porterant atteinte aux intérêts des coopératives et des femmes. Jamila Idbourrous, présidente de la Fédération nationale des femmes de la filière de l'Arganerie (FNF Argane) nous en dit un peu plus. Le 10 mai est proclamée journée internationale de l'arganier. Comment l'appréciez-vous en tant que Fédération nationale des femmes de la filière de l'arganerie ? Pour nous, il s'agit d'une reconnaissance du travail des femmes des coopératives sur plusieus décennies. Cette journée internationale est donc une journée qui récompense leur travail. Elles sont elles-mêmes habitantes de la forêt, cueilleuses, ayants droits,… Elles participent à la préservation de l'arganier et contribuent à sa production. Cette filière les aide à soutenir leurs familles et à créer une dynamique économique et sociale locales. Ces femmes sont désormais cheffes et dirigeantes des coopératives et non pas des employées. Elles travaillent dans la production et la commercialisation de leurs produits, ce qui préserve leur dignité et améliore leurs conditions de vie. Pour nous, cette reconnaissance internationale est importante car elle rend hommage à cet arbre endémique et à ces femmes fières, qui voient leurs produits arriver dans des laboratoires et des boutiques internationaux. Êtes-vous satisfaite de ce qui a été fait au Maroc pour l'argan et l'arganier ? Au Maroc, il y a eu plusieurs programmes étatiques, gouvernementaux et non gouvernementaux qui ont été mis en place pour veiller au renforcement du travail des coopératives et la mise à niveau des locaux pour faciliter la commercialisation du produit, dans des conditions meilleures. D'autres programmes ont travaillé sur la promotion du produit à l'échelle nationale et internationale. Plusieurs coopératives participent aujourd'hui à des salons nationaux comme le SIAM, régionaux et locaux. Le problème qui se pose aujourd'hui ne concerne pas le produit lui-même, mais plutôt les intermédiaires. Jamila Idbourrous, présidente de la Fédération nationale des femmes de la filière de l'Arganerie (FNF Argane). / DR Justement, quels sont les défis auxquels la filière est confrontée aujourd'hui ? Evidemment, chaque filière et produit ont des spécificités, des avantages et des contraintes. Pour l'argan, la filière est devenue attractive et génératrice de revenus, ce qui constitue son objectif principal pour les femmes rurales, à travers une économie solidaire. Alors que le produit est devenu connu et célèbre au niveau mondial, des intermédiaires ont investi la filière. Certes, nous ne pouvons pas empêcher les gens d'y investir, mais nous considérons que la filière fait partie de l'économie solidaire et doit le rester, car la multiplication des intermédiaires et des investisseurs a créé des déséquilibres et des dysfonctionnements pour la filière, surtout après 2020 et 2021, avec un monopole de ces gens sur la matière première. Les femmes se sont retrouvées sans argan. Il est donc important que cette intermédiation délétère soit combattue. Selon vous, valorisation rime-t-elle avec industrialisation ? Jamais. Il faut plutôt parler de modernisation ou mécanisation du processus de production. Nous travaillons avec des outils traditionnels pour protéger le consommateur alors que le passage à l'utilisation de machines a été fait pour éviter des risques. Pour la filière, l'artisanal garde toujours un rôle essentiel car il se fait selon certaines conditions. Le recours à des machines facilite la production pour les femmes car cela leur permet de vendre un produit fini, mis en bouteille, étiqueté et labellisé. Pour ce faire, la modernisation des outils de production, avec ceux d'extraction, de filtration,… devient donc primordiale. Cela permet aussi de limiter le vrac, qui impacte la valeur ajoutée et réduit le bénéfice pour les femmes et les coopératives. Puisque la production de l'huile d'argan depuis la graine est un processus ancestral, que fait la FNF Argane pour veiller à la pérennisation de ce processus ? La FNF a pour rôle de sensibiliser les femmes de la filière sur l'importance du travail fait, la valorisation du produit localement dans le but de minimiser le vrac. Evidemment, si nous souhaitons valoriser le produit, il faut des mécanismes à côté, comme un atelier dans les normes, du matériel et des moyens. Les programmes mis en place par les autorités se sont concentrés sur ce volet, notamment l'agence du développement agricole pour ce qui est de la promotion du produit et les autres institutions dépendant du ministère de l'Agriculture. La FNF milite aussi pour les droits de ces femmes, lutter contre l'informel et défendre les intérêts. Ces femmes doivent travailler dans la dignité et ne doivent pas être exploitées par d'autres personnes.