Mohamed Benaïssa, ancien ministre des affaires étrangères du Maroc, s'est éteint à l'âge de 88 ans, laissant derrière lui l'empreinte d'un diplomate hors pair et d'un infatigable artisan du dialogue entre les cultures et les nations. Jusqu'au bout, il aura incarné «l'exception». «Un grand homme s'en est allé, emportant avec lui l'éclat d'une vie consacrée à la patrie. Ministre d'exception, mentor inspirant, ami fidèle, il laisse derrière lui bien plus qu'un souvenir : un héritage indélébile gravé dans notre histoire», écrit Youssef Amrani, son ancien collaborateur et ami, dans une tribune publiée par Jeune Afrique. Dans sa ville natale d'Asilah, dont il fut maire jusqu'à son dernier souffle, l'émotion était palpable. «La ville s'est figée dans un hommage poignant, murmurant son nom avec respect et affection. Il n'était pas un élu comme les autres, mais un phare éclairant bien au-delà de ses fonctions», poursuit M. Amrani. Ministre des affaires étrangères sous Hassan II puis sous le roi actuel Mohammed VI, Mohamed Benaïssa s'était imposé comme une figure incontournable de la diplomatie marocaine. «Diplomate hors pair, il était tout-terrain. Tel un caméléon, il naviguait entre les réunions les plus complexes et difficiles avec nos partenaires avec un sens politique aiguisé dont lui seul avait le secret», se souvient M. Amrani. Sa maîtrise de l'espagnol, son aisance dans les cercles du pouvoir et son sens du compromis lui avaient valu le respect de nombreux dirigeants, en Amérique latine comme en Europe. «En Espagne, ses relations personnelles avec José Luis Rodríguez Zapatero, Miguel Ángel Moratinos et Ana Palacio allaient bien au-delà du contact strictement professionnel», a-t-il confié. Homme de réseaux, Mohamed Benaïssa était aussi un bâtisseur de ponts en Afrique, un continent auquel il était profondément attaché. «Son affection pour l'Afrique ne fera que grandir durant sa carrière, surtout après la naissance de sa première fille, Chafia, à Addis-Abeba. Ce faisant, il connaissait non seulement la diversité du continent, mais aussi la sensibilité des Africains», souligne M. Amrani. Artisan du dialogue méditerranéen, il avait fait d'Asilah un carrefour intellectuel, où se rencontraient penseurs et hommes d'Etat. «Dans sa ville natale, Mohamed Benaïssa a fait de la Fondation du forum d'Asilah une tribune de libre expression et un lieu privilégié de dialogue approfondi. Il ne se souciait guère du formalisme, abordant chaque année des sujets de l'actualité brûlante comme il aimait le rappeler», a-t-il révélé. Homme d'écoute et de conviction, Mohamed Benaïssa laisse une empreinte profonde. «Il avait un sens élevé de l'Etat. Un homme affable, courtois, discret, humble, un travailleur infatigable et un médiateur efficace. Pour tout cela et bien plus encore, il ne sera pas seulement regretté, mais surtout jamais oublié dans la mémoire de ceux qui ont eu la chance de le côtoyer», conclut l'ambassadeur marocain aux Etats-Unis.