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« La réhabilitation de deux cent milles hectares de la forêt d'arganiers traduit l'ambition de revenir à l'état où se trouvait l'arganeraie au début du XXème siècle » Une plus-value de 600% des produits dérivés va en totalité hors du Maroc
Entretien avec Abderrahmane Aitlhaj, chef du Département de recherche scientifique à l'ANDZOA : Sous tutelle du ministère de l'Agriculture, l'Agence nationale pour le développement des zones oasiennes et l'arganier (ANDZOA) a vu le jour en 2010. Son domaine d'intervention est la protection des écosystèmes des oasis avec le palmier dattier et les zones arides et semi-arides dans la région de l'arganier. Objectif : le développement local et l'amélioration des conditions de vie des habitants des territoires en question. Dans l'entretien suivant Abderrahmane Aitlhaj, chef du Département de la recherche scientifique au sein de l'ANDZOA, nous parle du lancement du contrat-programme pour la réhabilitation de l'arganier qui démarre en 2015. Entretien : L'Opinion : Quelle est la mission de l'ANDZOA, s'agissant de l'arganeraie ? M. Abderrahmane Aitlhaj : La mission de l'Agence de développement des zones oasienne et de l'arganier a pris pour base un diagnostic de l'état des lieux de l'arganeraie. Quand on dit arganeraie on parle de l'écosystème arganier dans lequel il y a la dimension naturelle mais aussi la dimension humaine sur le plan social, économique, culturel, historique. Dans le diagnostic en question tous les acteurs s'accordent à dire qu'il y a une dégradation très prononcée qui a été prouvée par des études scientifiques en comparant l'état de l'espace géographique de l'arganier depuis le début du siècle à son état actuel. Cela a permis de démontrer qu'il y a un recul principalement sur le plan superficie avec des zones où l'arganier est en train de disparaître mais aussi au niveau densité. Nous n'avons pas une étude exhaustive de tout l'espace, mais les études qui ont été réalisées sur différents sites montrent qu'il y a une réduction de la densité, soit un recul de l'arganeraie surtout dans la zone pré-désertique au sud limitrophe avec le désert. Il y a d'autres aspects de dégradations liées au sol et à la biodiversité. On remarque aussi beaucoup de migration des zones rurales vers l'urbain. De même un changement dans le mode de gestion de l'espace arganeraie par rapport au passé. Il y a donc des changements et des dégradations à différents niveaux. C'est ce qui a fait qu'au niveau national il a été décidé de prendre des mesures avec comme objectif de réhabiliter l'espace à tous les niveaux. Et la mission de l'ANDZOA c'est de coordonner les actions des différents acteurs tout en apportant des projets de développement local. L'Opinion : Quelle est, selon vous, la particularité de l'espace de l'arganier ? M. Abderrahmane Aitlhaj : La particularité de l'espace de l'arganier c'est qu'il joue un certain nombre de rôles fondamentaux. Sur le plan économique, ça fait vivre plus de trois millions d'habitants aujourd'hui au niveau rural mais aussi urbain. D'autre part il ne faut pas oublier que l'agriculture intensive dans les plaines est très liée à l'arganeraie dans la montagne. Sans arganier dans la montagne il n'y aura plus d'eau dans les plaines car il y aura beaucoup plus d'érosion des sols et par conséquent pas de retenue d'eau pour la nappe phréatique. Les gens de la plaine qui font de l'agriculture intensive ont donc intérêt à ce que l'arganier soit entretenu, planté pour maintenir le sol, le couvert végétal pour pouvoir rec evoir de l'eau dans les nappes. Du coup il y a un lien étroit entre toute l'écono mie de la plaine et l'espace dans la montagne, ce qui est scientifiquement prouvé. Il y a un rôle environnemental aussi dans la partie centrale du pays qui est totalement couverte par l'arganier. L'arganier s'avère le seul rempart que nous ayons aujourd'hui contre l'avancée du phénomène de désertification. Il y a une grande particularité à relever aussi au niveau historique, culturel, linguistique, de même pour la poésie et l'architecture. Cet espace nous fait don d'une richesse patrimoniale époustouflante. Si l'arganier disparait c'est toute cette richesse qui risque de se perdre. Beaucoup d'institutions ont été développées à partir de l'espace arganier, elles ont permis de gérer l'espace de manière durable pendant des siècles. Du coup si on ne préserve pas l'arganier ce sont ces institutions qui vont disparaître. Comme vous le savez certainement l'arganeraie est un terreau pour l'activité associative, c'est là où il y a le plus de concentration d'ONG au Maroc et l'expérience ONG au Maroc a pris racine au Souss. C'est un espace géographique qui avait dans le passé, tout au long des siècles, toujours fonctionné grâce à une activité collective une sorte d'association entre les habitants pour gérer leur espace. Des exemples de gestion collective sont incarnés par les greniers collectifs, les terrains en terrasses et l'arganier lui-même qui est une essence forestière gérée collectivement. Il y a aussi les Agdal et différentes formes de gestion collective qui ont fait que l'arganier est toujours là. Il y a aussi beaucoup de recherches qui se font sur l'arganier dans les universités, les instituts de recherche du fait de la grande particularité de cet espace etc. L'Opinion : L'engouement des chercheurs pour l'arganier reste relativement récent ? M. Abderrahmane Aitlhaj : La recherche forestière au Maroc est très ancienne, la station Akrach date de 1930. Il y a des travaux de recherche sur l'arganier qui datent des années 1930, mais les travaux n'ont commencé à se multiplier de manière sensible et suivie que vers le milieu et la fin des années 1980. Par contre les grands programmes de coopération internationale interviennent au début des années 1990. La prise de conscience a commencé au niveau de la recherche quand des travaux ont démontré scientifiquement les vertus de l'huile d'argane. Ces vertus étaient traditionnellement connues pour les produits de l'arganier chez les femmes et les hommes du Souss mais là on avait la démonstration scientifique qui confirme la justesse de la réputation bénéfique de l'argane et c'est à partir de là qu'a commencé l'engouement international. L'Opinion : Vu son importance, comment donc préserver cette richesse de l'arganier ? M. Abderrahmane Aitlhaj : Les pouvoirs publics ont pris conscience, depuis pas mal d'années, de l'importance de l'espace de l'arganier. Cette prise de conscience est aujourd'hui traduite par l'existence de l'ANDZOA en tant qu'acteur qui a pour mission de promouvoir une synergie entre les différents intervenants en vue de réaliser un certain nombre d'objectifs tracés dans le cadre d'un contrat programme. Il s'agit principalement, pour commencer, de la réhabilitation de deux cent mille hectares de la forêt d'arganiers, ce qui traduit un peu l'ambition de revenir à l'état où se trouvait l'arganeraie au début du XXème siècle. L'Opinion : On croirait à un rêve tant les dégâts subis par l'arganeraie tout au long du siècle dernier sont grands ? M. Abderrahmane Aitlhaj : C'est un objectif ambitieux sur lequel il faut travailler pour atteindre des résultats positifs, peut-être sur dix ans ou vingt ans pourquoi pas ? Mais c'est un objectif qui est faisable. L'Opinion : Avec des contraintes liées à la sécheresse chronique, les coupes, le surpâturage? M. Abderrahmane Aitlhaj : Bien sûr des contraintes sur lesquelles tout le monde doit travailler. Et c'est notre rôle en tant qu'agence, il faudrait amener tout le monde à pouvoir œuvrer de concert pour atteindre cet objectif de deux cents milles hectares à réhabiliter avec le concours des Eaux et Forêts. Il y a aussi cinq milles hectares d'agriculture intensive d'arganier conçu en tant qu'arbre fruitier qu'il faut réaliser avec les services du ministère de l'Agriculture qui assurera les appuis nécessaires. Parallèlement le contrat programme prévoit aussi un volet valorisation parce qu'aujourd'hui on parle certes de la valorisation de l'huile d'argane mais on n'exporte en réalité que de l'huile en vrac. Il y a, à ce jour, très peu d'exportation d'huile d'argane valorisée permettant un revenu important pour les producteurs. Par contre la valorisation se fait ailleurs. La plus grande part de plus-value part ainsi à l'extérieur du Maroc. Il y a aussi tout l'appui à la formation et l'accompagnement des producteurs et transformateurs consigné dans le contrat programme. De même la mise en œuvre d'un programme national de recherche sur l'arganier. Tout cela doit être coordonné et capitalisé et c'est une des missions aussi de l'Agence. Le contrat programme a été signé en 2011 à Meknès entre le gouvernement représenté d'une part par l'Agriculture, les Finances, le Haut Commissariat aux Eaux et Forêts et d'autre part par la profession représentée par la Fédération interprofessionnelle marocaine de l'arganier (FIMArgane) et la Fédération nationale des associations professionnelles des ayants droits. C'est un cadrage dans lequel les pouvoirs publics se sont engagés sur un programme avec un financement de 2,8 milliards de dirhams à l'horizon 2020. Donc les financements sont là, il y a un programme avec des objectifs et des projets, il y a l'acteur professionnel qui est aussi signataire. L'Opinion : Comment cela va-t-il se passer pour la réalisation des projets ? M. Abderrahmane Aitlhaj : L'une des pièces maitresse pour passer à l'action c'est la mise en place de l'interprofession qui est un organe qui coordonne l'action de tous les acteurs professionnels. Il s'agit d'une instance nationale qui est composée de cinq collèges. Le premier c'est la Fédération nationale des associations provinciales des ayants droit. Ce sont les producteurs de la matière première, les gens qui ont le droit de récolter le fruit de l'arbre. Il y a l'Association nationales des coopératives d'huile d'argane qui produisent de l'huile et sont aussi des ayants droit. Il y a l'Association marocaine des industriels producteurs d'huile d'argane et l'Association marocaine de l'indication géographique qui concerne le label. Enfin il y a l'Association marocaine des commerçants utilisateurs d'huile d'argane qui commercialisent l'huile sous forme de produits de bien-être. Ces cinq associations constituent la firme argane incarnée par l'Association interprofessionnelle. C'est avec elles que le gouvernement avait signé le contrat programme comportant des objectifs précis. Le premier la réhabilitation de deux cents mille hectares de forêt d'arganier, ensuite la mise en place de cinq mille hectares de culture intensive de l'arganier comme arbre fruitier, avec la formation, l'accompagnement, le financement. Pour les industriels il y a un grand projet pour revoir les procédés d'extraction, la valorisation, le conditionnement. A côté des ONG, l'Agence a d'autres partenaires sectoriels. Ainsi pour la réhabilitation c'est la mission des Eaux et Forêts auxquels revient la tâche de planter. Avec l'Agriculture et les Eaux et Forêts nous avons effectué un travail qui a duré presque une année, en concertation avec les ayants droit, pour identifier les sites où nous allons planter l'arganier, des sites où nous allons traiter le sol et d'autres où nous allons procéder à des actions de réhabilitation. Le premier programme va être lancé en 2015. L'Opinion : Quelle envergure pour la phase de démarrage de ce premier chantier ? M. Abderrahmane Aitlhaj : Il y a pour commencer environ vingt mille hectares de forêts d'arganiers à réhabiliter dans une première phase dans toute l'arganeraie soit neuf provinces. Le programme est lancé, la production de plants aussi, les plantations sont prévues vers le mois de septembre et octobre 2015. C'est un programme qui dure, on identifie les superficies, on lance la production des plants. L'intérêt de ce programme c'est qu'il a été fait de manière concertée. Des visites et des ateliers ont été organisés avec les ayants droit, l'Agriculture, les Eaux et Forêts, l'ANDZOA et d'autres acteurs. Avant les programmes étaient plus ou moins préparés dans les bureaux. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Nous ANDZOA nous assurons la coordination mais on peut intervenir aussi dans le développement local. Parce qu'on ne peut pas demander à la population de réhabiliter l'arganier alors qu'il n'y a pas de route, pas d'eau potable, pas d'école digne de ce nom etc. Dans notre mission de développement nous pouvons amener des projets. Il s'agit d'assurer un développement intégré de l'espace dans lequel l'arganier n'est qu'une composante parmi d'autres. L'Opinion : Comment définir les ayants droits de l'arganeraie ? M. Abderrahmane Aitlhaj : L'appellation « ayants droit » prend son origine dans le Dahir de 1925. Nous, nous les percevons comme des producteurs comme pour les agrumes ou les céréales. Ce sont des gens qui ont le droit d'exploiter l'arganier et par conséquent récolter le fruit, en disposer comme bon leur semble. C'est un bien qui leur appartient. Mais pour les inscrire dans la stratégie du Plan Maroc Vert qui se base sur les filières ayant trois maillons (production de matière première, transformation et valorisation-commercialisation), il fallait les réunir dans un cadre institutionnel. Les ayants droit, ce sont eux qui produisent le fruit. Par conséquent ils doivent profiter du revenu qui peut en être tiré. L'Opinion : Mais on constate toujours que l'arganier ne profite pas vraiment aux ayants droit ce qui n'est pas pour aider au développement local. M. Abderrahmane Aitlhaj : La création de l'organe interprofessionnel a justement pour mission principal de faire profiter les acteurs de la valeur de ce produit d'arganier de manière équitable du fait qu'il doit y avoir une répartition de la plus-value entre tous les acteurs, y compris ceux qui ont toujours été le plus lésés à savoir les producteurs, c'est-à-dire les ayants droit. S'ils étaient lésés depuis toujours, c'est tout simplement parce que leur marché était mal organisé et ils étaient soumis à un grand nombre d'intermédiaires. Il y a quelques sites où nous avons constaté l'existence de coopératives qui ont travaillé et pu rapatrier une plus-value pour les ayants droit mais à ce jour la plus grande part de plus-value de l'huile d'argane part en dehors même du territoire national. C'est en dehors du territoire national où l'on valorise l'huile d'argane dans les cosmétiques et les industries du bien-être. Il y a eu des études comparatives qui ont démontré qu'en partant du produit fruit jusqu'au produit cosmétique final vendu il y a pratiquement 600% de la plus-value qui va en dehors du territoire marocain. Le travail qui se fait aujourd'hui c'est d'essayer de redresser la barre en rapatriant une partie de cette plus-value. Nous ne sommes contre personne qui voudrait investir mais au moins que l'investissement se fasse dans l'espace arganeraie, que chaque composante du maillon de la filière puisse être payée un prix juste pour son travail. La fédération a fait un travail intéressant, elle regroupe des associations au niveau des provinces qui sont en train de constituer des antennes au niveau des communes. Cette structure aura un rôle à jouer pour la formation, l'encadrement, la révision de la gestion de l'arganeraie, l'organisation du marché du fruit. Tout ça c'est un travail qui vient de commencer et je crois que cela va avoir un impact bénéfique sur les ayants droit. Nous avons la conviction que si les ayants droit arrivent à tirer profit du fruit de manière équitable, ils vont automatiquement réhabiliter l'arganier. Les retombées bénéfiques sur les ayants auront un impact aussi sur la protection de l'arganeraie. L'Opinion : Il reste à faire face à des contraintes tenaces, notamment le surpâturage ? M. Abderrahmane Aitlhaj : L'espace arganeraie est très particulier. Les anciens avaient créé des institutions pour le gérer. Agdal c'est une institution bien située dans le temps, qui a des acteurs qui la gèrent, qui décident et qui ont prévu des moyens coercitifs pour faire appliquer la loi. Aujourd'hui avec toutes les mutations socioéconomiques et anthropologiques de l'espace, ces institutions ont été bousculées. Ces mutations ont fait que la pratique de l'élevage n'est plus bien gérée comme dans le passé, ce qui a généré des impacts négatifs sur la ressource arganier. Quand on gère mal l'espace, les effets négatifs sont là. Beaucoup d'études ont démontré que les effectifs en élevage ont beaucoup changé, on a constaté une tendance vers des effectifs plus étoffés chez quelques personnes alors qu'avant c'était distribué dans la communauté. Les habitants chacun avait un petit troupeau et on délimitait les zones de pâturage. Aujourd'hui il y a de moins en moins de petits éleveurs. C'est une mutation, le système a changé et par conséquent il faut créer d'autres lois pour gérer la nouvelle situation. Les lois anciennes ne sont plus adaptées c'est ce qui fait qu'il y a du surpâturage avec des dégâts qui interviennent dans un cadre de mutation globale qui est le changement climatique. Même la productivité de l'arganeraie a été réduite. Une étude a été effectué par l'ANDZOA avec le ministère de l'Agriculture pour identifier les défaillances et faire des propositions pour une révision de la loi en vigueur. Il s'agit de définir un nouveau cadre juridique pour gérer l'impact de l'élevage dans l''arganeraie. L'Opinion : En quoi consiste le programme des cinq mille hectares de culture intensive de l'arganier ? M. Abderrahmane Aitlhaj : Dans le contrat-programme l'arganier est perçu comme un arbre fruitier. Le projet de densification prévoit la mise en place de fermes consacrées à l'exploitation de l'arganier. Cela vise différents objectifs notamment réduire la pression sur la forêt très sollicitée pour le fruit. Si on y réussit et que ça puisse produire, on peut répondre à la demande d'huile à partir de l'intensif. Donc il y a eu une proposition d'un programme de cinq mille hectares. Cela existe ailleurs dans d'autres pays qui veulent être nos compétiteurs sur le marché international. Il y a des préalables bien entendu, il faut de la recherche scientifique pour développer du matériel végétal ou des variétés performantes qui puissent produire mieux avec irrigation, fertilisation organique etc. C'est un peu comme on fait avec l'olivier ou les agrumes. Il y a déjà un travail juridique, des textes sortis dans le bulletin officiel pour la subvention de l'arganier intensif. Pour ceux qui font de l'arganier intensif ils reçoivent 9 mille dirhams de subvention à l'hectare pour l'arganier irrigué et 6 mille dirhams à l'hectare pour l'arganier bour. Il y a un programme de recherche qui a été lancé pour développer des variétés de plants, des techniques culturales comment irriguer, planter, comment faire la taille. On est là sur une filière complètement différente de la filière naturelle. L'Opinion : Ce sont nécessairement des privés qui s'en occupent ? M. Abderrahmane Aitlhaj : Oui mais pas nécessairement des investisseurs. Quand on dit privé cela peut vouloir dire aussi des ayants droit de l'arganeraie qui décident de planter dans leur terrain privés sur lequel les Eaux et Forêts n'ont pas le droit de planter. L'Opinion : Est-ce que cette manière de faire de l'arganier un arbre fruitier comme les autres dans des fermes en culture intensive ne va pas affecter la qualité de l'huile ? M. Abderrahmane Aitlhaj : C'est la même chose pour les autres espèces. Un verger d'oliviers avec des arbres très vieux va produire une huile différente d'un autre verger bien irrigué avec des variétés nouvelles. Il y aura à coup sûr des différences. Ça va être des huiles qui ont des compositions, pour certains éléments, différentes. C'est d'ailleurs à cela que servent les indications et les labels. On aura ainsi une huile issue de l'intensif complètement différente de l'huile issue du fruit de l'arbre de la forêt naturelle. Même dans la forêt naturelle les huiles d'argane de la région d'Essaouira ou de goulimim n'ont rien à voir avec celle de la région de Taroudant. Il y a toujours de petites différences et c'est ce qui fait le lien avec le territoire, le climat, l'irrigation, les pratiques culturales. Mais ça va être toujours de l'huile d'argane avec des différences au niveau des pourcentages de concentration de molécules. Comme les huiles d'olive qui ont des labels différents, celle d'Ouazzane étant par exemple différente de celle de Attaouiya etc. L'Opinion : Est-ce qu'il y a de nouvelles générations d'ayants droit qui au lieu d'aller vers la ville préfèrent se fixer dans l'espace de l'arganier ? M. Abderrahmane Aitlhaj : C'est un peu notre rôle de faire de l'arganeraie un levier de développement économique et social et faire que de nouvelles générations reprennent le flambeau. L'avenir de l'arganier doit prendre racine sur le passé incarné dans le travail de longue haleine des générations passées, surtout l'organisation que ces générations ont mise en place de manière géniale et sans laquelle peut-être que l'arganier aurait complètement disparu. Dans ce sens la gestion collective a été la clef magique pour la préservation de l'espace de l'arganeraie. La gestion collective était à l'ordre du jour pour l'arganier, les greniers collectif (Igoudar) les medersas etc. L'enseignement dans les medersas était pris en charge par la communauté. Au moment des récoltes on laisse de côté la part qui revient à la medersa comme une zakat déposée sur l'aire de battage. Beaucoup d'exemples similaires existent écrits sur des planches. Cela a certainement nécessité, pour être conçu, des siècles de discussions, de palabres et de pratique pour parvenir à cette conception si parfaite. L'idéal c'est que les nouvelles générations préservent cette richesse de connaissances et d'usages conçus pour un seul but : le bien commun.