En octobre 2015, le Conseil national des droits de l'Homme publiait un rapport sur la parité entre les sexes au Maroc. Sur la centaine de recommandations émises, l'une avait lancé un débat passionné, à défaut d'être passionnant. Le CNDH avait émis l'idée que l'héritage (tel que conçu en droit musulman) accentuait la situation d'inégalité entre les femmes et les hommes. Cela lui avait valu les critiques acerbes du camp conservateur, Abdelilah Benkirane en tête. Aujourd'hui, le président du Conseil Driss el Yazami sort de sa réserve et apporte ses conceptions sur ce qui s'est passé. « La polémique a porté sur quatre mots d'un rapport qui en compte plus de 40.000. (Il est) injuste de réduire un rapport qui propose 97 recommandations portant sur différents domaines à une seule recommandation qui appelle à l'ouverture d'un débat public, serein, pluriel, constructif et pluridisciplinaire sur l'égalité des hommes et des femmes dans les droits économiques y compris en matière successorale », affirme-t-il dans un entretien accordé à la MAP. Le président du CNDH explique également que le Conseil aspirait en outre « à accorder aux femmes les mêmes droits dans la formation du mariage, dans sa dissolution et dans les relations avec les enfants (...), à appliquer avec rigueur les dispositions du Code de la famille relatives à la pension alimentaire, à élargir les bénéfices du fonds de la solidarité familiale aux enfants nés hors mariage et adopter un plan de mesures destinées à sensibiliser, former et responsabiliser l'ensemble des intervenants du secteur de la justice ». Dans son rapport, le Conseil épinglait aussi cette réalité qui fait que les corps chargés de l'application de la loi, forces de sécurité et magistrats essentiellement, étaient des hommes et qu'il était donc difficile de sortir de la logique masculine dans le traitement et la juste application des droits des femmes. Tout cela avait valu à el Yazami des attaques en règle de la part de plusieurs conservateurs. A tout seigneur tout honneur, Benkirane avait le premier déclaré que cette recommandation était source de « fitna », L'argument imparable pour les islamistes... Le député et dirigeant du PJD Mohamed Yatim avait été plus loin, donnant dans le langage de rue : « L'herboriste ne peut pas causer chirurgie, qui nécessite une grande technicité », certainement comme le poker... Quant au Conseil supérieur des oulémas, il avait pris position en revenant sur le principe qu'il ne peut y avoir d'exégèse ou d'interprétation en présence d'un texte explicite. Mais le Conseil, lui, ne faisait que remplir son rôle d'organe consultatif, dont les recommandations doivent faire l'objet de débats sereins... C'est ce qu'a affirmé aussi el Yazami à la MAP en suggérant que « l'ensemble des acteurs, notamment politiques, ont le droit légitime d'exprimer leur opposition à telle ou telle recommandation du CNDH, c'est même de leur responsabilité », mais sans passion déchaînée, aurait-il pu ajouter, en brandissant des textes et des versets coupant court à toute réflexion ou discussion, menaces à l'appui. Driss el Yazami rappelle enfin que « quelle que soit la position des uns et des autres, le débat engendré par cette question est "sain". Les réactions sociétales suscitées nous renseignent sur la priorité de lancer le débat public sur la question dans un cadre serein qui permet l'échange rationnel des arguments en faveur du renforcement des garanties des droits économiques des femmes ». Puisse-t-il être entendu et que les uns et les autres s'attellent à argumenter plutôt qu'à invectiver.