Le groupe terroriste Da'ech et le mouvement radical Taliban se sont déclaré le djihad. Une offense infligée par le leader de Da'ech au chef du mouvement Taliban est à l'origine d'un conflit entre les deux groupes radicaux. Le conflit entre Da'ech et les Talibans a éclaté suite à une offense faite par le leader de Da'ech, Abou Bakr Al-Baghdadi, au chef du mouvement Taliban, Mullah Mohammad Omar, en le traitant d'»imbécile» et de «chef militaire illettré». D'après des documents qui sont tombés entre les mains du chef de la police de la province afghane Helmand, au sud de l'Afghanistan, Nabi Jan Mullahkhil, le leader de Da'ech aurait déclaré que le chef du Taliban ne méritait ni crédit spirituel, ni confiance politique. De leur côté, les commandos talibans ont reçu l'ordre de ne pas laisser Da'ech «dresser son drapeau en Afghanistan». Des heurts ont également eu lieu par le passé entre les commandos de ces deux groupes terroristes. L'attentat-suicide perpétré, samedi 18 avril, devant une banque privée de Jalalabad, grande ville de l'est afghan située près de la frontière pakistanaise, a fait 34 morts et 100 blessés. Les talibans afghans ont aussitôt rejeté toute responsabilité, mais un ex-porte-parole des talibans pakistanais du TTP (Tehreek-e-Taliban Pakistan), limogé pour avoir plaidé allégeance à Da'ech, a revendiqué l'attaque. Au cours des derniers mois, des responsables afghans ont répété leurs craintes d'une contagion de l'EI dans la région, alors que s'ouvre une période d'incertitude avec la fin de la mission de combat de l'Otan en Afghanistan. Dans une région qui a vu naître Al-Qaïda et les Talibans, plusieurs jihadistes locaux semblent aujourd'hui rivaliser afin d'être adoubés par l'organisation Da'ech, qui semble, selon eux, avoir le vent en poupe. Dans une vidéo diffusée en janvier sur des forums jihadistes, une dizaine d'ex-cadres talibans, principalement pakistanais, mais aussi afghans, avaient prêté collectivement allégeance à Da'ech et à son chef Abou Bakr al-Baghdadi. Et deux autres ex-commandants talibans soupçonnés de ralliement à Da'ech ont été tués dans des frappes de drones. Selon les experts interrogés, l'arrivée de Da'ech en Afghanistan pourrait foncièrement changer la situation en Asie centrale: le projet d'un «jihad global», auquel adhèrent les radicaux des régions voisines, est la nouvelle «version» du mouvement des talibans. Au final, la Russie et ses partenaires de la CEI pourraient être confrontés à une menace bien plus sérieuse. «Jusqu'à présent on estimait que les deux belligérants en Afghanistan étaient le gouvernement central de Kaboul et les talibans. Bien que la troisième force, Da'ech, ne soit pas apparue hier en Afghanistan, l'ex-président Hamid Karzaï niait obstinément son existence», explique Ivan Safrantchouk, rédacteur en chef du magazine Grand jeu: la politique, les affaires et la sécurité en Asie centrale. Selon lui l'attitude de Kaboul vis-à-vis de la pénétration, dans le pays, de combattants et de l'idéologie de Da'ech a foncièrement changé depuis l'élection d'Ashraf Ghani à la présidence en septembre dernier. «Lors de sa visite à Washington fin mars il n'a pas caché la présence de Da'ech en Afghanistan et l'a même souligné. Dans ces conditions, ce facteur a été un argument de poids de Barack Obama pour décider de maintenir un contingent plus important que prévu», explique Ivan Safrantchouk. Et de poursuivre: «Théoriquement, le projet des talibans et celui de Da'ech, en Afghanistan, ne devraient pas être concurrents, mais complémentaires. Or dans les faits on constate pour l'instant une absence de coordination. Il n'est pas étonnant que les talibans se soient distancés des attentats de Jalalabad», pense Ivan Safrantchouk. D'après ce dernier, à terme le projet des talibans pourrait subir une transformation: les talibans modérés intégreront le processus politique et la partie radicale rejoindra Da'ech, qui deviendra un défi non seulement pour l'Asie centrale, mais aussi les États d'Asie du Sud comme le Pakistan, l'Inde et le Bangladesh. De plus, le reformatage du projet taliban en Afghanistan et au Pakistan, qui s'accélère et se transforme en projet global sous l'égide de Da'ech, contient les germes d'une menace complètement nouvelle pour la Russie ainsi que pour ses partenaires de l'Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC). Le terrorisme international s'approche des frontières de la CEI.