La Turquie a mené une incursion militaire à 37 km à l'intérieur du territoire syrien dans la nuit de 21 au 22 février, pour évacuer la dépouille d›un dignitaire ottoman et les soldats qui gardaient son tombeau situé dans une zone tenue par Da'ech, une opération dénoncée par Damas et Téhéran. Des chars turcs, appuyés par des drones et des avions de reconnaissance, ont traversé, dans la nuit de samedi 21 au dimanche 22 février, la frontière avec la Syrie, près de la ville de Kobani et près de la frontière de l'Euphrate, pour évacuer des soldats, affectés à la garde du mausolée de Souleiman Shah, ont annoncé le premier ministre turc, Ahmet Davutoglu, et son ministre de la Défense, Ismet Yilmaz. Ce mausolée, qu'Ankara considère comme relevant de sa souveraineté était encerclé par des jihadistes de Daech. Ahmet Davutoglu a précisé que « trente-neuf tanks, 57 blindés, 100 engins et 572 soldats ont accédé au territoire syrien et les forces sont arrivées à hauteur du mausolée » et que les 38 soldats qui gardaient la tombe, grand-père du fondateur de l'Empire ottoman, avaient été rapatriés en Turquie. Ses forces, soutenus par des drones et des équipements satellitaires ont avancé jusqu'à la minuscule enclave turque de quelques centaines de mètres carrés, où gît Souleïmane Shah, le grand-père d'Osman Ier, fondateur de l'empire ottoman. Les troupes turques et le contingent gardant la tombe sont rentrés tôt, dimanche, en Turquie et tout ce qui reste du lieu saint a été détruit. «Les reliques du dignitaire turc ont été rapatriées temporairement en Turquie pour être inhumées ultérieurement en Syrie», a-t-il indiqué, ajoutant qu'une zone avait été sécurisée en territoire syrien pour transférer la dépouille à cet endroit dans les jours suivants. Le Premier ministre a, en effet, précisé qu'une autre force turque, accompagnée de chars, avait atteint, parallèlement au déroulement de l'opération « Shah Firat », le périmètre du village Esme, en Syrie, et pris possession d'une parcelle de terrain dans cette zone sur laquelle le drapeau turc a été hissé en prélude du transfert de la dépouille du Shah Soliman. C'est la première incursion de l'armée turque en Syrie, depuis le début de la guerre civile. La Turquie s'est ainsi emparée, dans un geste hautement symbolique, d'un nouveau bout de terre, situé à 200 mètres seulement de sa frontière, en territoire syrien, dans le village d'Eshme, près de la ville de Kobane, pour y construire un nouveau mausolée. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a félicité l'armée pour sa «réussite» et indiqué dans un communiqué : «Notre drapeau continuera de flotter dans son nouvel emplacement afin de garder en vie la mémoire de nos ancêtres». L'opération a été décidée en raison de la détérioration de la situation autour de la minuscule enclave turque de quelques centaines de mètres carrés où gît Souleïmane Shah, le grand-père d'Osman Ier, fondateur de l'empire ottoman, a souligné le premier ministre turc. La Turquie avait menacé les jihadistes de représailles s'ils attaquaient le site symbolique, sous souveraineté turque, situé au nord-est d'Alep. Une incursion militaire aux multiples interprétations «Suite à l'opération, durant laquelle aucun affrontement n'est survenu, un de nos soldats est décédé par accident, a dit Erdogan. J'exprime mes condoléances à sa famille. L'opération est réalisée suivant la décision de notre État. «Le parlement d'Ankara avait donné son feu vert, l'an dernier, à des opérations militaires turques en Syrie et en Irak contre Da'ech. Le gouvernement turc a informé la Coalition nationale syrienne de son incursion, a par ailleurs indiqué le bureau de presse de la Coalition. La relocalisation en sol syrien de ce tombeau revêt une importance politique et diplomatique pour Ankara, qui souhaite montrer qu'il n'a pas «perdu» contre les jihadistes, contre lesquels elle était appelée par l'Occident à s'engager militairement, ont commenté les observateurs. Le tombeau est considéré comme un territoire turc depuis la signature d'un traité entre la France, qui occupait alors ce territoire, et la Turquie en 1921. Selon les termes de cet accord, la France a reconnu cet endroit comme territoire turc, le seul à l'étranger, d'ailleurs. Le mausolée a été déplacé en 1939 et en 1975 pour différentes raisons, déplaçant également ce territoire turc. Selon un accord ancien, une unité de 45 soldats turcs font la garde de cette enclave. Le Shah Soliman, chef de la tribu Kayi, qui a par la suite donné naissance à la dynastie ottomane, était décédé près de l'Euphrate, et avait été enterré au Qalat Jabar, Château Jabar, en Syrie, faisant de cet endroit un point symbolique pour la Turquie. Damas a qualifié d'»agression flagrante» l'intervention turque, accusant Istanbul de «fournir tout type de soutien aux bandes de Da'ch, du Front Al-Nosra et d'autres groupes terroristes liés à Al-Qaïda». « La Syrie se réserve le droit à se défendre et Damas réagira dans un temps opportun et d'une façon appropriée à cette agression de la Turquie», a-t-il souligné. « L'action militaire du pays voisin en territoire syrien ne peut être justifiée, aucunement », a déclaré, de son côté, le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, en charge de l'Afrique et le monde arabe, Hossein Amir Abdollahian. « L'intervention militaire des voisins de la Syrie compliquera davantage la situation et n'autre d'autre résultat que d'insécuriser la région », a-t-il souligné. Le régime islamo-conservateur turc a rompu avec le président syrien Bachar Al-Assad depuis l'éclatement de la guerre civile dans ce pays, en 2011, et accueille sur son sol près de deux millions de réfugiés qui ont fui les combats. La Turquie soutient, par ailleurs, ouvertement l'opposition contre le régime de Damas.