L'organisation État islamique (EI), ou Da'ech, attire en Syrie de plus en plus de ressortissants des pays d'Asie Centrale, s'alarme l'International Crisis Group (ICG) dans un rapport publié mardi, qui appelle les gouvernements concernés à développer des réponses à la fois sécuritaires et sociales pour contrer ce phénomène. "Entre 2.000 et 4.000 citoyens d'Asie Centrale ont rejoint ces trois dernières années les territoires contrôlés par l'EI", dans un contexte de corruption et de mauvaise gouvernance généralisées dans les cinq pays d'Asie centrale -- Kazakhstan, Kirghizistan, Turkménistan, Tadjikistan et Ouzbékistan --, précise le rapport. "Il est aujourd'hui plus facile pour l'EI de recruter en Asie Centrale qu'en Afghanistan ou au Pakistan", s'inquiète ainsi Deirdre Tynan, responsable de la région pour l'ICG, tandis que le rapport estime que seule la distance entre la Syrie et l'Asie Centrale explique qu'aucune attaque majeure n'y ait encore eu lieu. "Mais les désirs de changements politiques et sociaux sont profondément enracinés dans la région. De ce fait, il n'y a pas de profil-type du partisan de l'EI", reprend Deirdre Tynan. Signe que le recrutement par l'organisation Etat islamique s'est intensifié, les profils de ceux partant en Syrie sont variés : une coiffeuse de 17 ans, des hommes d'affaires ou encore des mères célibataires emmenant leurs enfants, font partie de ceux cités par l'ICG. "Tous pensent que le califat islamique pourrait être une alternative sérieuse à la vie post-soviétique", note le rapport. Car "dans ces cinq pays, la religion remplit un vide créé par le manque de gouvernance et l'insécurité sociale". Absence de réponse adaptée Face au phénomène, aucune des ex-républiques soviétiques d'Asie Centrale n'a su apporter jusqu'à présent de réponse adaptée. Si le Tadjikistan et le Kazakhstan ont introduit en 2014 des lois criminalisant le fait de combattre à l'étranger, rien n'est fait pour détecter les combattants prêts à partir, ni pour aider à la réinsertion de ceux qui souhaitent revenir de Syrie ou d'Irak. "Les services de sécurité d'Asie Centrale utilisent ces menaces à des fins politiques et pour restreindre les libertés individuelles", regrette l'ICG. L'Ouzbékistan, terre d'origine du Mouvement islamique d'Ouzbékistan (MIO) lié à Al-Qaïda, serait particulièrement exposé à la menace terroriste d'après l'ICG, qui estime que le nombre d'Ouzbeks ethniques ayant rejoint la Syrie pourrait excéder les 2.500. En novembre et en décembre dernier, plus de 60 islamistes présumés s'apprêtant à partir en Syrie avait été arrêtés au Tadjikistan, la plupart faisant partie du Jamaat Ansarullah, une branche du MIO tadjik. Les pays d'Asie Centrale, pays laïques à majorité musulmanes, sont pour la plupart dirigés par des autocrates en poste depuis la chute de l'Union soviétique. Seul le Kirghizistan a connu une transition démocratique en décembre 2011, après avoir vécu deux coups d'Etat en 2005 et 2010.