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LA SEULE PEINTRE MAROCAINE A ETRE COTEE EN BOURSE : Châïbia a livré à la postérité une abondante production artistique
Publié dans L'opinion le 04 - 01 - 2014

Une première ! Des œuvres d'artistes marocains ont fait l'objet d'une exceptionnelle vente aux enchères au Maroc. Initiée récemment par la Compagnie marocaine des œuvres et objets d'art (CMOOA), cette prestation «inédite» a réuni une pléiade d'artistes contemporains, dont certains ont acquis leurs lettres de noblesse à l'échelle mondiale : Chaïbia Tallal, pour ne citer que cette grande figure de la peinture marocaine dont la réputation a dépassé la frontière nationale grâce à des exposions historiques à l'étranger (tableau : « Les gens du spectacle : 1 350 000 dh prix d'adjudication).
Il est à rappeler également que Cérès Franco, historienne de l'art, commissaire d'expositions, femme érudite dotée d'une forte personnalité, a fait la donation de deux grandes œuvres de Chaïbia de sa collection privée au Musée des beaux-arts de Carcassonne. Cérès Franco a consacré près de30 ans dans sa galerie « L ‹œil de Bœuf » àParis », à découvrir et à promouvoir des artistes dont les œuvres allaient à l›encontre des tendances de son époque : Pouget, Rustin Nitkowski, Michel Macréau, Grinberg, Chaïbia, Corneille, Hadad, Kabakov, Komet, Lucebert, Paella Chimicos, Christine Sefolosha et tant d›autres... Parallèlement, Cérès Franco a réuni une collection audacieuse d›environ 1500 œuvres. Cette collection a été présentée pendant plus de vingt ans dans le village de Lagrasse (Aude), et ce dans le cadre de la fondation de Cérès Franco.
Chaïbia dans la prestigieuse Oxford University Press
A titre de consécration à l'échelle mondiale, la prestigieuse Oxford University Press de York a publié l 'ouvrage de référence «Dictionary of African Biography » qui a consacré un article consistant et imposant sur le parcours singulier de feue Chaïbia Tallal (1929-2004) écrit par Osire Glasier (History Department). Selon une approche comparative bien soutenue et argumentative, cette historienne d'art de renom a développé cette réflexion de synthèse:
« Chaïbia Tallal a été sans conteste la plus célèbre peintre du Maroc du 20 ème siècle. De plus, elle figure parmi les grands peintres du monde, au même titre que Miro, Picasso et Modigliani, pour ne citer que ceux-là. Aussi, elle est la seule peintre du Maroc dont les oeuvres sont cotées à la bourse. Il faut dire que ces tableaux peuvent se vendre jusqu'à un million de dirhams pour un grand format.
Chaïbia Tallal est née en 1929 à Chtouka, prés d'El Jadida. Rien ne semble prédestiner Chaïbia à sa carrière de peintre de renommée internationale. En effet, elle est née au sein d'une famille paysanne, au cœur de la compagne à une époque où la scolarisation est encore le privilège des enfants de la haute classe. Chaïbia est analphabète. Enfant, elle a pour responsabilités de veiller sur les poules et leurs poussins. Quand elle en perd un, pour se parer contre la colère des siens, elle se cache dans les bottes de foin. Cette époque marque l'imagination de la grande peintre. Dans les nombreuses entrevues qu'elle a accordées à divers journalistes, elle explique que tout le long de sa carrière, sa peinture raconte « tout ça »c'est-à-dire l'étendue des champs, la fraîcheur de la pluie et l'odeur du foin mouillé, et au-delà, son amour incommensurable pour la mer, la terre, les rivières, les arbres ,les fleurs, surtout les marguerites et les coquelicots. D'ailleurs, c'est cet amour qui lui a valu le sobriquet de mahboula, la folle du village. Durant son enfance, Chaïbia ramasse les fleurs, en fait des couronnes et s'en couvre la tête et le corps .A la mer, elle ramasse les pierres et les coquillages, et bâtit des maisons de sable qui ont des portes et des fenêtres. Pourtant, Chaïbia n'a jamais vu de maison auparavant : elle vit avec les siens, dans une tente. Personne ne se comporte comme elle à Chtouka. La folle du village est bel et bien différente des autres. Loin de regretter son originalité, avec le recul de l'âge, Chaïbia affirme que c'est important de ne pas avoir peur d'être différent.
A l'âge de treize ans, Chraïbi Tallal a été mariée à un homme âgé qui en est à ses septièmes noces. Cette union dure deux ans : suite à un accident, le conjoint de Chaïbia décède, et celle-ci se retrouve veuve à l'âge de quinze ans, de plus mère de Hossein, un enfant d'à peine un an. Pour subvenir à ses besoins et à ceux de son fils, Chaïbia file la laine, et travaille comme femme de ménages chez plusieurs familles françaises ; le Maroc n'était pas indépendant à l'époque. Les longues heures de travail n'entament en rien la détermination de Chaïbia.
Cette dernière veut coûte que coûte que son fils échappe à la blessure de l'analphabétisme, cette blessure dont elle a souffert toute sa vie, et que ni la gloire ni la richesse n'ont réussi à guérir. De façon similaire, la pauvreté n'entame en rien la décision de Chaïbia de ne pas se remarie : elle décline les nombreuses demandes en mariage qu'elle reçoit. D'un côté, elle veut protéger son fils contre un éventuel mauvais traitement d'un beau père et de l'autre, elle veut vivre libre. Et Chaïbia sait apprécier sa liberté, même dans une demeure sans électricité. Hossein Tallal se rappelle qu'il a étudié à la lueur des chandelles, jusqu'au jour où il a quitté le Maroc, pour aller étudier à l'étranger, et revenir peintre reconnu.


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