Lors de sa participation à la dernière édition du festival d'Assilah, Abderrahmane Rahoule (notre photo) a présenté une vue d'ensemble de ses derniers travaux dont le mérite est dans l'approfondissement de sa technique compositionnelle, tout en œuvrant dans le même registre plastique qu'on connaît à l'artiste, y compris celui des natures mortes élargi à de nouvelles conceptions esthétiques. Dans le catalogue édité à cette occasion, on lit à propos de l'art de Rahoule, sous la plume d'A. Benhamza : Mémoire des lieux tellement enracinée dans l'enfance que, sous le coup d'impulsions créatives, elle finit par remonter à la surface du présent, en un creuset plastique dont Rahoule recueille les images quintessenciées. La perception des formes allie dans une étrange dualité le procédé figuratif – ici en aplats – à celui abstrait décliné en autant de superpositions, de touches menées bord à bord et de plans séquentiels certains souvent en abyme. Dans la majorité des œuvres, la perspective est assurée par le traitement des couleurs destinées à définir les lignes et à ressortir ici et là la profondeur. Des couleurs aux tons concomitants et d'une harmonie symbolique. Comme si la mémoire des lieux anciennement habités ressurgissait en une série de plages mitoyennes, de plans se chevauchant, occasionnant des constructions architecturales dont l'accolement et la continuation à l'horizontale attestent d'un souci primordial de l'espace chez Rahoule, et de celui de la redistribution de ce dernier : un puzzle à sans cesse manipuler et ordonner sur un modèle géométrique sentimental. La verticalité des formes adossées les unes aux autres, reste, ludiquement parlant, une simulation de bâtiments de dimensions inégales mais complétives ; l'artiste retient de la représentation réelle des choses un aspect schématique qui en fait des figures de facture abstraite, servies par des couleurs fauvistes. Sur de grands formats, la composition, toujours tendue vers le haut a régulièrement, pour fond, un pan de ciel imaginaire (fait de blanc, ou de bleu, ou d'un vert vaguement safrané) ; l'artiste introduit des motifs inédits et des tonalités froides aux degrés savamment rapprochés. Le schématisme des formes devient ici plus réducteur et joue en priorité sur l'expression graphique et sur les ombres (en noir, en marron, ou en jaune). Il est vrai que la dimension du format intensifie la vision compositionnelle et en consolide les consonances chromatiques ; une vision qui interpelle un espace citadin par hypothèse toujours plus grand, mais que Rahoule, tout au long de son parcours, reprend d'une œuvre à l'autre, dans une opération constructiviste quasi obsessionnelle. Ce qui amène ce dernier à régénérer la surface de son support en y incluant cette fois une granulation à base de sable ou de poudre de sciure, pour mieux souligner le concept de muralité qui reste le sien, étroitement lié à sa peinture urbaine. Ce n'est guère par regain de véracité que l'artiste a introduit ladite matière, dont les aspérités riment en conséquence... mais, c'est là un geste valorisant, dont l'artiste veut exploiter les possibilités expressives. Dans ce corpus, Rahoule présente aussi des natures mortes (vers, bouteilles, compotier, bouquet de fleurs, etc.) comme des accessoires graphiques à caractère intimiste, débités toujours sur le mode géométrique et cadrant avec l'ensemble de son iconographie. C'est une manière qui exprime de biais un certain intérêt de l'artiste pour des formes figurales plastiques traditionnelles, où son œil rompu aux nuances et aux clins d'œil métaphoriques, cible la juste évocation.