Aicha Aherdane, artiste peintre née à Oulmès, a obtenu récemment à Paris, avec son concitoyen l'artiste Mohammed Mansouri Idrissi une médaille d'or chacun pour l'ensemble de leurs œuvres, décernée par l'Académie Européenne des arts dont ils sont membres. A notre sens et en cette heureuse occasion, une lecture prioritaire du travail d'Aherdane est sans doute la bienvenue. Aicha Aherdane est une artiste figurative qui ne s'embarrasse pas cependant de la représentation thématique courante dans ce genre d'exécution. La présence du corps humain dans ses compositions est proprement allusive et relève plutôt de l'ordre du semblant. C'est un corps maniériste, inscrit en filigrane dans le paysage, paysage qui n'est lui-même qu'évocations florales et végétales, sinon décoratives, qu'écritures soutenues de la lumière et mobile propre à susciter une imagination lyrique que nous oserons qualifier ici de « féminine ». La tonalité générale des œuvres s'inspire par ailleurs du procédé appliqué aux enluminures. Aicha Aherdane est une coloriste qui privilégie la nuance comme grammaire plastique essentielle dans son travail, elle en tire des notes d'une telle douceur et d'un intimisme très jouissif. Le fond, très clair, est consacré de préférence aux aplats que traversent de sporadiques tracés rappelant la manière calligraphique ; ils assurent la mise en abyme des compositions et font office de plate-forme. A. Aherdane s'approprie ses formes achitecturées de la nature dans sa diversité mystérieuse ; elle les imbrique les unes dans les autres, affichant une densité texturelle en fait de traits et de lignes et un fouillis de touches comme on peut en voir sur certains tissus exotiques et broderies extrêmement soignées. Quand on sait que l'artiste est doublée d'une styliste/modéliste, on saura que son art n'est pas étranger à un certain symbolisme tactile, aux signes scintillants de sensualité, qui n'est pas sans rappeler le japonisme des premiers peintres impressionnistes. Le côté décoratif rehausse nettement les démonstrations plastiques fastueuses et fait basculer passablement la palette dans une conception fantastique propre à l'artiste. A. Aherdane positionne sciemment ses formes ainsi imbriquées dans le sens de la verticalité, procédant à une double approche, celle du fond et celle de la surface, les deux restant corollaires, pour une meilleure visibilité. Ainsi, ce qui ressort à la surface paraît n'être parfois que des détails peints et non les oeuvres toutes faites. Les bijoux, les tissus d'ici et d'ailleurs, les différentes taches colorées de la nature appliquées aux êtres et aux choses : oiseaux, reptiles, insectes, fleurs etc. ont de tous temps inspiré les artistes. L'art d'Aicha Aherdane ne manque d'en jouir à son tour, avec science et éclectisme, très à l'aise dans cette exubérance tout en chatoiements, ces dessins miroitants pratiquement impossibles à dénombrer dans la nomenclature chromatique naturelle. Cela distingue visiblement sa sensibilité et fait de sa peinture un art sensoriel de premier ordre.