Ingénieur de formation, Hassan Bouhia est né à Inzegane en 1947. Venu à l'art plastique (travail sur toile, sculpture) il y a une dizaine d'années, il a cependant toujours dessiné soit au crayon soit au stylo, ce qui apparaîtrait au premier regard comme l'expression spontanée d'états d'âme (ou d'esprit) vécus sur le moment. En fait, l'oeuvre amorcée annonce des idées plastiques ancrées dans l'histoire de l'art. Le 12 décembre prochain, invité par Didier Vallens, le neveu du fondateur du musicalisme, Henry Valensi, il participe en France à la célébration du Premier Salon de la « Section d'Or » où seront présents plusieurs ayant-droit et descendants des artistes ayant exposé en 1912, ainsi que quelques-unes de leurs toiles. A cette ocasion, seront données des conférences par d'éminents critiques d'art et historiens et sera évoquée ce que fut la révélation au public de ce qu'Apollinaire décrira comme le « cubisme écaretelé ». Marqué par un exercice régulier, des manifestations en public collectives ou individuelles, le parcours de l'artiste s'inscrit dans une mouvance à dominante graphique, géométrique et gestuelle, avec un recours à la couleur sous forme d'aplats, posée en étroite liaison avec un fond labouré de craquelures, métaphore de la fragilité des choses. C'est une écriture poétique, ailée, libérant le geste et affichant une sensibilité et des correspondances originales. Bouhia cherche autant que faire se peut à exprimer sa perception de la réalité qu'il débite en vastes et profonds traits noirs s'imbriquant ou se ramifiant ici, se complétant là et se rencontrant quelque part en des points imaginaires. Cela débouche sur d'étranges structures, rappelant à s'y méprendre des lieux entropiques liés à la mémoire, un ludisme euphorique, qui multiplie les échappatoires, parfois des personnages en arête, dont l'identité relève du fantasme. Une écriture où, de son côté, le critique d'art français Daniel Couturier voit à raison des préoccupations d'ordre musical, voire même des affinités avec le musicalisme, une tendance artistique née en France dans les années 20 du siècle dernier et initiée par Henry Valensi (1883-1960), qui a participé en octobre 1912 à la création de la « Section d'Or » aux côtés de Marcel Duchamp, d'Albert Gleizes et de Francis Picabia, Jean Metzinger. Selon ses théories, « la toile est comme une partition verticale, où l'artiste superpose les différents aspects d'une vision, intégrant le rythme, le dynamisme, la symbolisation ». Le musicalisme ou courant effusionniste, qui se réfère au poème « Correspondances » de Charles Baudelaire transcende la donne graphique et chromatique au niveau de clés musicales, expressions vibratoires animées par des charges émotionnelles très fortes et s'inspirant d'idéaux sociaux qui ont pour levier la sublimation et l'innovation. Dans cet esprit, Bouhia y a créé sinon ajouté des liens et des combinaisons personnalisés. Sa formidable pratique du trait qui est avant tout celle du dessin; sa palette aux tons contrastants, si elle ne se limite pas à une seule note graduée (le gris, le marron ou le bleu), reste fortement motivée par les notions de l'espace et de la lumière, pour l'ordonnancement des plans, l'installation du rythme et la réussite de la mélodie visuelle qui convient. Libéré de toute contrainte figurale, abstrait à souhait, le trait s'épanouit en une gerbe de lignes comme des jets lancés dans des trajectoires symphoniques/symboliques, se concentrant parfois en graphes ou en d'insolites idéogrammes, ou divergeant dans tous les sens et donnant lieu à d'interminables polyptiques.