C'est en octobre 2012, à l'occasion du 43ème Salon des Arts de Cholet en France que j'ai, pour le première fois, rencontré l'œuvre du peintre Bouchera Satfane, une artiste de Safi, avocate de profession. Sur des fonds camaïeux rosés, violacés et gris, sans aucun réalisme, elle trace lignes et couleurs, ponctuées de petits ronds contrastants déterminant un « état d'intensité organisé » comme l'écrivait le peintre Léger. On devine que Bouchera Satfane, lorsqu'elle me fit parvenir quelqu'autres de ses œuvres, a commencé il y a peu à travailler d'intuition et qu'ensuite elle est revenue à la réalité, cherchant un concept afin de ne pas se diversifier dans des recherches épuisantes et déprimantes. Son esprit habitué aux argumentations s'est attaché à un art conceptuel dont les « images » ne sont là que pour apporter une démonstration à base de linguistique, ce qui entraine une investigation théorique plus ou moins rigoureuse selon les artistes, il s'agit pour elle d'une investigation plus féminine que rigoureuse, qui se veut « une analyse de l'art lui-même et donc de lui-même en temps qu'art » (Alfred Paquement). Cette peinture ne peut être rangée au nombre des excitants. L'harmonie des fonds transparents n'est que douceur et l'on sent qu'elle a cueilli « l'art dans l'art » et a pris dans l'univers des lignes et des couleurs qu'elle a réunies à sa manière avec singularité. Le stade de l'image est dépassé et il n'y a qu'invention. Dans cet univers pictural, elle prend, m'a-t-elle dit, un plaisir infini à évoluer, et ce qu'elle veut raconter là, pour dialoguer, c'est peut-être nous qui devons l'inventer. Si l'on suit bien son cheminement, on perçoit qu'à force de combiner lignes et ronds, elle fut surprise de découvrir qu'elle avait reconstitué l'image d'un œil, qu'elle s'est plu à multiplier. Mais cet œil qui maintenant la regarde et nous interpelle, devient rapidement gênant, car il nous entraine hors de son concept qui se veut non figuratif, et cette ambigüité se doit d'être levée, car elle n'est porteuse d'aucun avenir. Dali s'en est emparé un temps et les surréalistes en firent un élément déterminant, ce n'est pas, je pense la démarche de notre artiste.